Les hommes – et particulièrement les jeunes – tardent davantage que les femmes à se faire vacciner contre la COVID-19. Aussi moins prompts à aller se faire dépister, ils sont plus nombreux à se retrouver aux soins intensifs après avoir contracté la maladie.

« Les femmes sont toujours mieux vaccinées que les hommes, explique Ève Dubé, chercheuse à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ). C’est quelque chose qu’on observe pour tous les vaccins de routine, comme le vaccin contre la grippe. »

Au 24 juillet, selon les données de Santé Canada, 72,2 % des femmes au Canada avaient reçu au moins une dose et 58,6 % étaient pleinement vaccinées, alors que 68,1 % des hommes avaient reçu au moins une dose et 52,6 % étaient pleinement vaccinés. Cela est particulièrement vrai pour les 18 à 29 ans, chez qui seulement 41 % des hommes avaient reçu deux doses de vaccin, comparativement à 50,3 % des femmes.

« On sait que les jeunes hommes ont la perception des risques la plus faible par rapport à la COVID-19, ajoute Ève Dubé. La perception des risques est un facteur important qui va nous motiver à aller nous faire vacciner. Plus on a peur de la maladie, plus on va être enclin à vouloir se protéger. »

Un écart plus prononcé au Québec

L’écart est encore plus frappant au Québec, où 42,2 % des femmes de 18 à 29 ans avaient reçu deux doses en date du 24 juillet, contre seulement 31,6 % de leurs homologues masculins. Un écart semblable existe pour les 30 à 39 ans et pour les 40 à 49 ans. Tous âges confondus, 57 % des femmes et 49,9 % des hommes étaient pleinement vaccinés, et 74,6 % des femmes et 69,8 % des hommes avaient reçu au moins une dose.

« Ces résultats corroborent ce qu’on sait déjà. Les hommes adoptent moins de comportements préventifs que les femmes et accèdent moins aux soins aussi », indique Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

La vaccination correspond à ces deux choses-là : c’est adopter un comportement de prévention pour se prémunir contre la COVID-19 et également accéder au soin, le vaccin, en se déplaçant dans un centre de vaccination.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

L’écart entre les hommes et les femmes pleinement vaccinés n’a cessé d’augmenter entre avril et juillet, cette année, au Québec. Du côté du Canada, l’écart a commencé à diminuer pour la plupart des groupes entre juin et juillet, mais pas chez les 18 à 29 ans.

Des stratégies pour réduire l’écart

« On est préoccupés par la montée de la présence du variant Delta. Peu importe notre genre, l’importance est qu’on soit vacciné avant la rentrée scolaire », fait valoir Ève Dubé.

Comment réduire l’écart entre les hommes et les femmes ? D’abord, en facilitant l’accès à la vaccination. Roxane Borgès Da Silva explique qu’il faut « déplacer les centres de vaccination là où sont les jeunes hommes ».

Ève Dubé confirme qu’une bonne stratégie serait de faciliter l’accès aux cliniques de vaccination sans rendez-vous en rejoignant « les hommes plus près d’où ils sont », comme on l’a fait en vaccinant avant les matchs de hockey.

La loterie vaccinale pourrait aussi « inciter certaines personnes qui ne voient pas de bénéfice parce qu’elles se considèrent comme peu à risque de la maladie, mais là verront un avantage à la vaccination. Même chose pour le passeport vaccinal : s’il y a un coût à ne pas se faire vacciner, ça peut jouer dans la balance de nos décisions ».

La dernière barrière à faire tomber, selon Roxane Borgès Da Silva, serait le désintérêt. Il faut les « inciter en expliquant, en informant des bénéfices pour soi et pour les autres. Et surtout en les sensibilisant à la COVID-19 longue, que beaucoup négligent. Pourtant, la capacité respiratoire qui diminue de moitié pendant un an, c’est très handicapant ».

Les hommes sous-diagnostiqués ?

Environ 10,7 % plus de femmes que d’hommes ont été atteintes de la COVID-19 au Québec, selon l’INSPQ. Même si les hommes sont plus nombreux parmi les personnes âgées de moins de 60 ans au Québec, 6,7 % moins d’hommes de ce groupe ont été déclarés positifs à la COVID-19.

Cependant, les hommes sont plus nombreux à être hospitalisés que les femmes, particulièrement aux soins intensifs. Comment s’explique cette disparité ? Il serait possible que les hommes aient été sous-diagnostiqués au cours de la pandémie.

Consultez des données de l’INSPQ

Les hommes sont moins susceptibles de passer un test de dépistage de la COVID-19, selon une étude de Statistique Canada de 2020. Parmi les femmes qui ont participé à cette enquête, 67 % ont répondu qu’elles iraient passer le test si elles ressentaient des symptômes, contre 60 % chez les hommes. Seulement 54 % des hommes ont déclaré qu’ils passeraient un test s’ils avaient été en contact avec quelqu’un qui avait reçu un diagnostic positif ou qui présentait des symptômes, comparativement à 64 % des femmes.

Consultez une étude de Statistique Canada

Les hommes considèrent aussi qu’ils ont moins de risques de contracter la COVID-19 et de la transmettre, selon des sondages de l’INSPQ. Ils déclarent moins adhérer aux mesures recommandées, comme le lavage des mains, la distanciation physique et le port du masque.

Consultez des sondages de l’INSPQ

Roxane Borgès Da Silva fait valoir que ces études alimentent l’hypothèse voulant que les hommes aient été sous-diagnostiqués, mais qu’il est difficile d’isoler les différentes causes de cette disparité. « C’est possible qu’une partie de l’explication vienne du fait que les hommes aient moins accédé aux soins. Mais c’est possible aussi que certains paramètres génétiques au-delà du sexe y jouent. »

Peu importe la raison, elle est d’avis qu’il faut continuer les efforts pour inciter les jeunes hommes à accéder aux soins. « Il faut absolument que le système de soins soit capable de s’adapter à tous et de convaincre tous les genres [à se faire vacciner] pour une société équitable. »

Avec Pierre-André Normandin, La Presse