Alors que le nombre de cas quotidiens de COVID-19 à Tokyo a dépassé mercredi les 3000 pour la première fois, le retour des athlètes des Jeux olympiques à travers le monde est-il inquiétant pour la suite ? Des risques existent, soutiennent des experts, mais ceux-ci demeurent contrôlables en appliquant des protocoles stricts de surveillance.

« Ils ont décidé d’avoir des Jeux olympiques en temps de pandémie. Est-ce que c’était l’idée du siècle ? Probablement pas, surtout avec une population où la couverture vaccinale n’est pas terrible. Cela dit, j’ose croire que la quarantaine sera très bien appliquée à leur retour », affirme d’emblée l’épidémiologiste Hélène Carabin, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal (ESPUM).

Au Japon, le programme de vaccination a en effet démarré lentement ; pour l’heure, seulement un peu plus de 25 % de la population a reçu deux doses.

Malgré tout, Mme Carabin se dit « plus inquiète » par la réouverture des frontières avec les États-Unis, prévue le 9 août prochain. « Par rapport aux voyageurs qui vont rentrer tous les jours, le nombre d’athlètes canadiens et d’entraîneurs demeure limité. Pour un virus respiratoire, c’est toujours une question de densité, de nombre, donc la quantité de voyageurs à venir m’inquiète beaucoup plus », affirme-t-elle.

Dans les deux cas, ça va dépendre jusqu’à quel point les règles vont être suivies et appliquées. Si tous les entrants montrent des tests négatifs avant de rentrer, ça reste très prudent. […] Mais c’est sûr qu’en voyant le nombre d’athlètes qui ont déjà testé positif, on se pose des questions.

Hélène Carabin, épidémiologiste à l’ESPUM

Spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif de Montréal, le DMatthew Oughton abonde relativement dans le même sens. « C’est sûr qu’il y a un risque, parce que même si les stades sont assez vides, il reste que plusieurs personnes interagissent dans un espace relativement clos, donc il y a cette possibilité d’exposer des gens qui rapporteraient ensuite l’infection chez eux », explique-t-il.

« On ne peut qu’espérer que les autorités japonaises vont avoir de bons protocoles de dépistage et d’isolement, pour bien identifier la présence du virus et minimiser ces risques dans les prochaines semaines », ajoute le DOughton. A priori, tous les participants des JO sont soumis à des mesures significatives, notamment des tests réguliers et des restrictions dans leurs déplacements.

État d’urgence sanitaire

Tokyo, capitale du Japon, est actuellement sous le coup d’un état d’urgence sanitaire alors qu’elle accueille depuis vendredi les Jeux olympiques. Mercredi, la ville a signalé 3117 cas de coronavirus, un nouveau record local effaçant celui de la veille, et une très forte accélération par rapport à la semaine dernière.

Cette semaine, la gouverneure de Tokyo, Yuriko Koike, a de nouveau appelé ses administrés à éviter « les sorties inutiles et non urgentes ». « Je veux que les jeunes se fassent vacciner. Le comportement des jeunes est crucial. Je leur demande de coopérer », a-t-elle insisté.

En dépit d’un faible taux de vaccination, le Japon a jusqu’ici été relativement épargné par la pandémie, avec environ 15 150 morts officiellement recensés depuis le début de 2020. Aucune mesure de confinement strict n’a été imposée jusqu’ici, le gouvernement n’ayant pas les moyens constitutionnels pour le faire.

L’état d’urgence sanitaire, déclaré à Tokyo pour la quatrième fois début juillet, limite principalement les heures d’ouverture des bars et des restaurants, et leur interdit, en théorie, de vendre de l’alcool.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Vie nocturne dans le quartier d’Ikebukuro, à Tokyo

Rappelons que les cas de COVID-19 sont également en augmentation ailleurs qu’à Tokyo. Trois départements limitrophes de la capitale, soit Chiba, Saitama et Kanagawa, envisagent de demander au gouvernement de réinstaurer le dispositif d’état d’urgence chez eux.

Une partie de la population japonaise reste d’ailleurs persuadée que la tenue des Jeux olympiques risque d’aggraver la crise sanitaire locale. À ce stade-ci, les organisateurs ont recensé seulement 169 cas de COVID-19 parmi les dizaines de milliers de personnes impliquées dans les JO depuis le 1er juillet, résidantes au Japon ou venues spécialement de l’étranger.

Un porte-parole du gouvernement a appelé mercredi ses concitoyens à éviter de se réunir et de boire en groupe, suggérant à la population de « regarder les Jeux olympiques à la maison ».

Les spectateurs sont interdits sur la quasi-totalité des sites olympiques, mais des personnes ont assisté à des compétitions se déroulant sur la voie publique, comme le triathlon.

Takahiko Nimomoya, un habitant de Tokyo, s’est dit inquiet de l’augmentation des cas. « Je pense que le gouvernement ne ressent pas la gravité de la situation », a déclaré à l’Agence France-Presse cet homme de 55 ans. « Il se concentre uniquement sur les Jeux olympiques. »

Avec l’Agence France-Presse