La vaccination avance rondement à l’échelle du Québec, mais accusait du retard à Montréal la semaine dernière. La Presse s’est rendue à Montréal-Nord, l’un des arrondissements où le taux de vaccination contre la COVID-19 est le plus bas sur l’île.

« Si on n’a pas le choix, je vais me faire vacciner, mais si on a le choix, il y a beaucoup de personnes qui ne vont pas se faire vacciner », affirme Noel Poissely, résidant de l’arrondissement de Montréal-Nord. Rencontré jeudi dans le stationnement du centre commercial Place Bourassa, l’homme âgé de 35 ans explique qu’il ne s’est pas encore fait vacciner, son emploi ne lui en ayant pas laissé le temps. Il ajoute qu’il n’est pas pressé de le faire, mais que ça finira par arriver.

Mercredi dernier, des données de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) ont révélé que la vaccination prenait du retard à Montréal et à Laval. Certains arrondissements plutôt défavorisés, dont Montréal-Nord, présentent un taux de vaccination inférieur à la moitié de leur population. Selon les chiffres de la Santé publique de Montréal, en date du 1er juin, seulement 43,8 % des résidants du quartier âgés de 12 ans et plus ont reçu une première dose.

Une promesse de retour à la normale convaincante

Sous une pluie torrentielle, les sœurs Pascale Charles et Stéphanie Bouchereau s’arrêtent pour affirmer qu’elles ont toutes deux été vaccinées. Éducatrices à la même école primaire, elles expliquent qu’elles ont reçu le vaccin parce qu’elles ont hâte de retrouver une vie normale, surtout en milieu scolaire.

Stéphanie Bouchereau convient qu’elle était réticente à se faire vacciner par crainte du vaccin. « Au début, moi, c’était non. J’étais un peu antivaccin, mais elle m’a convaincue », dit Stéphanie Bouchereau, en désignant sa sœur aînée.

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Pascale Charles et Stéphanie Bouchereau, éducatrices à l’école primaire Le Carignan

Croisés sur le boulevard Henri-Bourassa, Jobelinda Pierre, élève en techniques d’intervention en délinquance au collège Ahuntsic, et son copain Arveylou Jean-Louis, élève en informatique au même cégep, avouent ne pas s’être fait vacciner pour le moment. Les deux jeunes de 19 ans disent qu’ils sentent qu’ils seront bientôt obligés de dénuder leur épaule. « Ils [l’administration du cégep] ont fait deux, trois MIO, des messages sur la plateforme du collège, pour nous dire, en gros, qu’on devait vraiment le prendre, sinon, on ne peut pas rentrer à l’école à la prochaine session », explique Arveylou Jean-Louis.

Inquiétés par la production des vaccins, qui leur semble rapide, et par les risques d’effets secondaires, les deux élèves se résignent tout de même à se faire vacciner prochainement.

On n’a pas le choix. Je veux continuer mes études, je ne veux pas arrêter à cause d’un vaccin.

Jobelinda Pierre, élève en techniques d’intervention en délinquance au collège Ahuntsic

Tous deux conscients qu’ils auront besoin des deux doses avant la rentrée scolaire, ils s’entendent pour dire qu’ils prendront leur rendez-vous bientôt. « C’est comme un passeport [nécessaire] pour refaire des activités », conclut Arveylou Jean-Louis.

Un problème de confiance et de proximité

Éristin Valeus, infirmier clinicien, a reçu une seule dose du vaccin Pfizer. Il est considéré comme complètement vacciné, puisqu’il avait déjà contracté le virus.

Membre de la communauté haïtienne de Montréal, il suggère « qu’en général, [les membres de son entourage] n’aiment pas trop se faire vacciner, parce qu’ils ne font pas trop confiance ».

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« J’encourage les gens à se faire vacciner. Je crois que c’est le meilleur moyen de se débarrasser de la COVID-19 », affirme l’employé du secteur de la santé Éristin Valeus.

M. Valeus avoue qu’il avait ses propres craintes au début de la campagne, car il ne voulait pas « être la première personne à se faire vacciner », se souvient-il. Toutefois, le temps l’a rassuré et, selon lui, le même sentiment se répand au sein du quartier.

« Les gens ont l’impression que ça ne s’adresse pas à eux », affirme Marjorie Villefranche, directrice générale de la Maison d’Haïti à Montréal. Dans les quartiers qu’elle qualifie de sensibles en raison des inégalités sociales vécues, « les gens sont moins enclins à aller se faire vacciner, parce qu’il n’y a pas de service de proximité, dit-elle. Souvent, ils ont l’impression que ça ne s’adresse pas à eux parce qu’ils ont l’habitude de vivre dans une espèce d’exclusion sociale. »

Pour augmenter le taux de vaccination, il faudrait « aller où les gens sont et où les gens vivent des situations précaires », conseille la directrice.

Selon la Santé publique de Montréal et celle de Laval, les initiatives mises en place pour augmenter les taux de vaccination dans les deux villes rejoignent ce que propose Marjorie Villefranche. Soit mettre en place des cliniques de vaccination éphémères dans les quartiers où le taux de vaccination est plus faible, prolonger les plages horaires des centres de vaccination, favoriser la vaccination sans rendez-vous et vacciner dans les écoles à Laval.