(Ottawa) Les États-Unis ont dévoilé jeudi les détails de leurs premiers dons de vaccins dans le monde, avec l’intention d’expédier 19 millions de doses via l’alliance COVAX et six autres millions directement à des voisins, dont le Canada, ainsi qu’aux pays confrontés à de graves poussées de COVID-19.

Cette offre américaine intervient alors que le Canada se dirige vers la première place dans le monde en matière de taux de vaccination de ses citoyens. En même temps, des voix s’élèvent pour que le gouvernement canadien commence lui aussi à partager une partie de ses doses de vaccins.

Les États-Unis ont été fortement critiqués pour leur « nationalisme vaccinal » : le deuxième plus important fabricant de vaccins contre la COVID-19 au monde refusait jusqu’à tout récemment d’autoriser l’exportation de doses. La première livraison de 25 millions de doses annoncée jeudi comprendra des vaccins de Pfizer-BioNTech, de Moderna et de Johnson & Johnson. Par la suite, une fois qu’un contrôle de qualité sera effectué par l’Agence des aliments et des médicaments, 60 millions de doses supplémentaires du vaccin Oxford-AstraZeneca seront données.

Le Canada ne produit pas de vaccin contre la COVID-19, mais il a lui aussi été critiqué pour ne pas partager de doses de vaccins qu’il a importés en grand nombre. « D’ici août, le Canada en aura assez pour vacciner complètement toute sa population », peut-on lire dans une déclaration signée par 32 organismes humanitaires et groupes religieux canadiens, dont UNICEF Canada, Vision mondiale, l’Église anglicane et le Conseil canadien des imams.

Cette coalition demande au Canada de donner à l’alliance mondiale de partage de vaccins COVAX quatre millions de doses d’ici la fin juin — soit un dixième des doses que le Canada s’attend à avoir reçues d’ici là — et qu’il donne ensuite jusqu’à 94 millions de doses excédentaires d’ici la fin de l’année. 

« Le Canada a commandé plus de doses par habitant (plus de 10) que tout autre pays et a donc la responsabilité de partager avec le monde », soutient la coalition.

La ministre fédérale du Développement international, Karina Gould, a déjà indiqué que le Canada partagera éventuellement des doses, mais que le pays n’avait pas de vaccin excédentaire pour le moment, car Ottawa essaie toujours d’administrer deux doses à tous les Canadiens. Témoignant jeudi devant un comité sénatorial, la ministre Gould a déclaré que des nouvelles pourraient arriver « sous peu ».

PHOTO SEAN KILPATRICK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

La ministre fédérale du Développement international, Karina Gould

Le Canada un des champions

Le Canada avait administré jeudi une dose à au moins 22,4 millions de personnes, soit plus de 59 % de la population totale. Après des livraisons de vaccins limitées au début de l’opération, les approvisionnements affluent depuis avril et le Canada figure désormais parmi les 10 premiers au monde pour le nombre de premières doses administrées, et parmi les 20 premiers pour les doses totales administrées.

Le Canada est en retard au chapitre des deuxièmes doses, puisqu’il a mis l’accent sur l’administration d’une première dose au plus grand nombre possible, mais cela commence aussi à changer. Au cours des sept derniers jours, plus de 520 000 Canadiens ont reçu leur deuxième dose, soit une injection sur cinq au pays. C’est le double du nombre de deuxièmes doses et du taux de la semaine précédente, et trois fois le nombre de deuxièmes doses administrées il y a deux semaines.

Sur les quelque deux milliards de doses de vaccin administrées dans le monde, plus de huit sur dix l’ont été dans les pays riches et seulement 0,2 % dans les pays à faible revenu. Le Canada a administré 2,5 fois plus de doses par habitant que la moyenne mondiale.

Le Canada a doublé mercredi son engagement financier, à 440 millions, pour aider COVAX à acheter des doses directement auprès des fabricants. Mais le Canada et le Royaume-Uni sont les deux seuls pays du G7 à avoir acheté des doses à COVAX tout en faisant des dons en argent à l’alliance pour qu’elle fournisse des vaccins aux pays à faible revenu. Ce sont également les deux seuls pays du G7 à ne pas avoir encore donné de doses à COVAX.

La COVAX a déclaré la semaine dernière qu’elle avait besoin de 190 millions de doses données pour couvrir un déficit ce mois-ci, depuis que l’Inde a cessé d’exporter des vaccins pour faire face à une épidémie massive dans ce pays. Une dizaine de pays ont offert jusqu’à 181,5 millions de doses d’ici la fin de l’année, dont les 19 millions que les États-Unis expédieront en juin.

Le docteur Srinivas Murthy, spécialiste des soins intensifs pédiatriques à Vancouver, dont la recherche se concentre sur la préparation aux pandémies, a expliqué que de l’argent serait un jour nécessaire, mais qu’il n’y a actuellement pas de doses sur le marché parce que des pays riches comme le Canada les ont toutes achetées. « À ce stade-ci de la pandémie, à l’échelle mondiale, on a besoin de vaccins, pas d’argent », a estimé le docteur Murthy.

La coalition, elle, espère que le Canada profitera du Sommet du G7, la semaine prochaine au Royaume-Uni, pour « prendre un engagement substantiel au nom de l’équité ». Les organismes rappellent par ailleurs que « ce geste est également essentiel pour mettre fin à la pandémie ».