(Québec) Les autorités s’inquiètent de la faible couverture vaccinale au Nunavik alors que la province amorce son déconfinement. Seulement 35 % de la population inuite a reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19, ce qui fait du Nunavik – et de loin – la région la moins bien protégée au Québec.

Les territoires isolés et les communautés autochtones ont pourtant fait partie des groupes prioritaires pour la vaccination. Québec a expédié des doses du vaccin de Moderna au Nunavik dès le début de la campagne de vaccination, en janvier. Malgré tout, le territoire demeure sous la moyenne nationale de couverture vaccinale.

La Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik a révélé que 35,1 % des habitants ont retroussé une manche pour obtenir leur première dose de vaccin. Au Québec, ce chiffre atteint maintenant 57,4 %. Pour les villages plus au nord, comme Salluit et Kangiqsujuaq, le taux est en deçà de 35 %.

« Il faut bien comprendre qu’actuellement, la couverture vaccinale est faible, ce qui signifie que la région n’est pas adéquatement protégée », a fait valoir la Régie dans une publication Facebook. Pour l’heure, 20 % de la population au Nunavik (également tous âges confondus) a reçu deux doses du vaccin.

Plusieurs facteurs ne sont pas étrangers à ce faible résultat, a expliqué la directrice de santé publique de la région, la Dre Marie Rochette. Elle fait remarquer que 38 % de la population est âgée de moins de 18 ans. Or, le Nunavik ne doit recevoir qu’en juin ses premières doses du vaccin de Pfizer, le seul autorisé pour les 12 à 17 ans.

« Le risque de la COVID-19 dans la région n’est pas non plus considéré comme important », a-t-elle ajouté, précisant que le Nunavik a rapporté un seul cas de la maladie depuis 12 semaines. « Les gens n’ont pas été aussi affectés », explique la Dre Rochette, disant être un « peu victime du succès » de mesures sanitaires strictes.

Les 14 villages inuits sont au palier vert, à l’exception de Kuujjuaq, qui se trouve en jaune. La région n’est pas soumise au même code de couleurs que la province. Quelqu’un qui veut recevoir un vaccin au Nunavik peut le recevoir dans un délai d’une à deux semaines, peu importe le village, assure la Dre Rochette.

« C’est très, très inquiétant »

Selon le DStanley Vollant, chirurgien innu, la couverture vaccinale actuelle au Nunavik est « très, très inquiétante ».

[Les Premières Nations] ont des facteurs de vulnérabilité très élevés, et chez les Inuits, c’est encore pire. La surpopulation des maisons est encore plus criante. […] C’est sûr qu’ils se sentent protégés parce qu’ils se disent que ça se passe dans le Sud, mais on ne pourra pas bloquer les avions tout le temps.

Le DStanley Vollant

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, et le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, se sont aussi montrés préoccupés. Les deux ministres, qui ont participé à une annonce commune à Val-d’Or vendredi, semblaient par ailleurs étonnés de ce faible taux de couverture vaccinale.

« On va faire ce suivi. Je suis surpris […]. Lors de ma dernière rencontre avec les chefs, on me disait que ça se passait bien. On va vérifier rapidement », a fait savoir le ministre Lafrenière.

Le cabinet de M. Dubé a confirmé « ne ménager aucun effort afin de rejoindre les communautés éloignées » et être en lien avec les autorités régionales « pour déployer des initiatives permettant un plus haut taux de vaccination et une plus forte adhésion de la population locale ».

Le Nunavik s’apprête aussi à se déconfiner, et la couverture vaccinale sera au cœur des allègements.

La Dre Marie Rochette a indiqué que des assouplissements pour les voyageurs pleinement vaccinés étaient à prévoir, ainsi que pour les villages qui auraient atteint un « certain seuil de vaccination » au sein de leur population et chez les 55 ans et plus. L’annonce des autorités doit avoir lieu la semaine prochaine.

« On pourrait se retrouver avec des communautés qui ont des mesures [d’allègement] différentes parce qu’elles ont des couvertures vaccinales différentes », a-t-elle illustré.

Méfiance persistante

« Chez nous, cela avait mal commencé, il y avait beaucoup de méfiance et d’inquiétudes de la part des Premières Nations, relate le DVollant. On a commencé à établir des stratégies de communication. On a approché des leaders politiques, communautaires. »

Le DVollant estime que la méfiance peut être encore plus grande chez les Inuits, où l’establishment médical est toujours considéré un peu « comme le porte-étendard de la colonisation ». Il croit que la campagne de sensibilisation doit en ce sens venir des Inuits, des leaders locaux et des aînés, par exemple.

« Il y a eu plusieurs activités de cette nature, mais qui n’ont visiblement pas été suffisantes, indique la Dre Rochette. On travaille à un autre plan d’action où on va interpeller chacune des communautés pour voir ce qu’elles croient qui pourrait être gagnant. » Quelque 75 % des adultes autochtones ont reçu au moins leur première dose du vaccin à l’échelle du pays.

Bon rythme au Québec

À l’échelle de la province, plus de 101 000 doses ont été administrées jeudi, auxquelles s’ajoutent un peu plus de 3100 doses données avant le 27 mai qui n’avaient pas encore été comptabilisées. À ce jour, 57,4 % des Québécois ont reçu leur première dose de vaccin contre la COVID-19. Sur les 4,9 millions de Québécois vaccinés, 387 609 ont reçu leurs deux doses, soit 4,5 % de la population. Si on tient uniquement compte des adultes, la proportion des Québécois vaccinés grimpe même à 69,8 %, frisant la barre des 70 %. Par ailleurs, 8,2 % des 18 ans et plus ont pris rendez-vous et attendent d’être vaccinés, ce qui permet d’envisager une éventuelle couverture de 78,1 %.

Henri Ouellette-Vézina, La Presse

L’Ontario réduit l’intervalle entre les doses

De son côté, l’Ontario a raccourci vendredi l’intervalle entre les doses de vaccin contre la COVID-19. L’opération commencera dès la semaine prochaine, avec en priorité les adultes âgés de 80 ans et plus. Les autorités ontariennes disent avoir basé leur décision sur le fait que 65 % des adultes ont reçu au moins une dose et que la province peut dorénavant se fier à un approvisionnement constant. Jusqu’ici, l’Ontario administrait des injections de vaccin à quatre mois d’intervalle, à quelques exceptions près. Les 80 ans et plus pourront réserver leur deuxième dose la semaine prochaine, puis ce sera le tour des 70 ans et plus dans la semaine du 14 juin.

Henri Ouellette-Vézina, La Presse