Elle rêvait de se rendre une dernière fois au Liban pour voir sa sœur. Mais après avoir reçu une première dose de vaccin le 1er mars, Labibe Atallah Gebrayel, 87 ans, a contracté la COVID-19 en avril. La dame qui habitait dans son logement de Laval avait la santé fragile. Rapidement, le virus a pris le dessus. Elle est morte le 16 mai.

Pour son petit-fils Patrick Gebrayel, il est inconcevable qu’alors que le gouvernement a devancé les deuxièmes doses pour les résidants de CHSLD et de résidences pour personnes âgées ainsi que pour les personnes immunosupprimées, les aînés vivant à domicile doivent encore attendre quatre mois entre leurs deux doses.

« Elles sont parmi les plus vulnérables au virus. Les personnes de 60 ans et plus représentent 98 % des décès. Et là, on est en train de vacciner des jeunes au lieu de donner plus rapidement une deuxième dose à tous les plus vulnérables », déplore-t-il.

PHOTO FOURNIE PAR LA FAMILLE

Labibe Atallah Gebrayel

Sa grand-mère devait au départ recevoir sa deuxième dose le 24 mai. « Mais ça avait été repoussé ensuite au 21 juin », dit M. Gebrayel.

Quand Labibe Atallah Gebrayel a contracté la COVID-19, le 29 avril, sa famille a pensé au départ que sa première dose de vaccin lui éviterait d’être gravement malade. Mais « dès l’instant où elle a testé positif, c’était un cauchemar », raconte son petit-fils.

On a tout fait pour ne pas qu’elle l’attrape. Mais elle l’a eue quand même. C’est un gros choc pour la famille.

Patrick Gebrayel, petit-fils de Labibe Atallah Gebrayel

La dame est restée une semaine chez elle avant de devoir être hospitalisée en zone rouge. Elle a passé deux semaines à l’hôpital avant de mourir.

Devancer les deuxièmes doses pour les aînés à domicile

L’administration des deuxièmes doses en CHSLD est terminée au Québec. Et le gouvernement compte avoir administré l’ensemble des deuxièmes doses en résidences privées pour aînés d’ici la fin du mois de mai.

L’impact de l’administration de ces deux doses dans ces milieux de vie est flagrant. Dans la semaine du 17 mai, 3 décès ont été constatés en RPA et aucun en CHSLD. En revanche, on a relevé 12 morts chez des gens vivant à domicile. La quasi-totalité des morts qui surviennent chaque jour touche des gens de 60 ans et plus.

En date du 20 mai, 90,4 % des personnes de 80 ans et plus avaient reçu une dose de vaccin et 18,17 %, deux doses.

Dans une lettre ouverte (voir le texte dans nos pages Débats), des gériatres et des spécialistes en santé publique demandent l’annulation du report de la deuxième dose pour toutes les personnes vulnérables, incluant les aînés vivant à domicile.

« Les personnes de 70 ans et plus qui sont à la maison et dont plusieurs ont des comorbidités regardent l’abondance de vaccins actuellement. Et la campagne de vaccination massive. Ils ont l’impression d’être oubliés », dit Nicole Dedobbeleer, professeure retraitée de l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Celle-ci déplore qu’on « parle peu de ces gens à domicile ». « On va déconfiner. Mais ces gens sont inquiets. Il y a des gens cloisonnés chez eux qui y resteront jusqu’à leur deuxième dose », dit-elle.

Les signataires de la lettre réclament « une couverture vaccinale complète et immédiate pour tous les groupes identifiés comme prioritaires, incluant les 80 et 70 ans et plus, vivant à domicile, ayant pour plusieurs des comorbidités ».

Mme Dedobbeleer rappelle que les aînés « présentent une réponse immunitaire plus faible après une première dose » de vaccin. « La deuxième dose ne peut plus être retardée. Certains rendez-vous ont même été modifiés en cours de route. Les rendez-vous se situent le plus souvent à la fin juin et en juillet », indiquent les signataires dans leur lettre.

Au ministère de la Santé, on dit que devancer les deuxièmes doses pour les personnes de 70 ans et plus vivant à domicile est « une possibilité qui est actuellement évaluée ». « Les détails seront annoncés au moment opportun », indique-t-on.

Même si sa grand-mère ne pourra pas bénéficier de ce changement, M. Gebrayel estime que le correctif doit être apporté rapidement pour que d’autres morts soient évitées.

La décision de vacciner les plus jeunes une première fois avant d’avoir donné une deuxième dose à toutes les personnes plus âgées « ne se justifie pas », selon lui. « Un 20-29 ans, s’il l’attrape, il ne va rien se passer », dit-il.