(Montréal) La COVID-19 n’a pas franchi le seuil du monastère des Carmélites de Montréal, où habitent toujours des religieuses cloîtrées.

Même si celles-ci ne quittent que rarement l’enceinte du couvent, elles se sont fait vacciner vendredi. Pour se protéger, mais aussi parce que ce vaccin est pour elles est un geste de solidarité envers la communauté montréalaise dont elles font partie, pour que la pandémie cesse enfin. Voici une rare incursion à l’intérieur des murs du Carmel.

Vendredi, Sœur Marie-Monique attendait devant la porte en bois massif du couvent plus que centenaire, situé en plein cœur de la métropole. Vêtue de la robe marron et du voile noir des carmélites, elle a fait entrer avec enthousiasme l’équipe de vaccination mobile de la Santé publique de Montréal.

Ce jour-là, le grand parloir de bois blond avait été converti en salle d’attente pour les 11 religieuses qui allaient recevoir leur seconde dose de vaccin.

PHOTO NINON PEDNAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Si la communauté n’a recensé aucun cas de COVID-19, la pandémie a quand même eu un impact sur la vie dédiée à la prière des carmélites, bien que dans une moins grande mesure que pour les autres Québécois, conviennent-elles.

COVID-19 ou pas, « on est en confinement d’habitude », lance l’une d’entre elles en riant.

« Nous, le couvre-feu, on ne l’a pas eu », ajoute Sœur Solange, espiègle derrière son couvre-visage. Elle explique que le jardin du monastère est situé à l’intérieur de ses murs de pierres grises et qu’elles ont pu s’y promener sans briser les règles de la Santé publique.

Mais elles ont été privées, comme bien d’autres, des visites de leurs familles et aussi de la présence des Montréalais, qu’elles accueillent dans leur chapelle. La pandémie a forcé sa fermeture pour une deuxième fois le 16 octobre.

« Même si notre vie est recluse, et que nous sommes recluses, ça nous manque et ça leur manque à eux aussi », a souligné doucement Sœur Denise, au sujet des paroissiens qui venaient les rejoindre pour la prière ou pour se recueillir.

Ce qui nous dérange le plus, ajoute-t-elle, « ce sont les nouvelles qu’on lit », les appels téléphoniques que l’on reçoit de gens qui souffrent, dont ceux qui ont des proches qui sont morts seuls. « Ça nous fait mal. On le porte en nous ».

La pandémie, « nous montre aussi toute l’impuissance du monde ».

Sœur Marie est du même avis : « Nous, on n’est pas à plaindre. Mais on pense aux autres, on sait bien que beaucoup de gens souffrent », dont les personnes âgées seules en résidence.

Elles jugent avoir de la chance d’être en communauté pendant cette période difficile : « on a souvent rendu grâce pour cela ».

L’internet leur a permis, à elles aussi, de poursuivre certaines activités : « il y a eu toutes sortes de trouvailles », par exemple, la possibilité de suivre l’eucharistie sur le web.

L’internet est donc arrivé au Carmel ? « On est de notre temps, vous savez, lance l’une d’elles en riant. On a écouté les conférences de presse de Monsieur Legault aussi ».

« Parfois », reprend sa voisine. L’internet a aussi permis aux carmélites de suivre des messes en direct de l’archevêché de Montréal, mais aussi d’aussi loin que Rome et Lourdes. Ainsi que d’effectuer des retraites avec les autres carmélites québécoises.

La vaccination au Carmel

Les équipes mobiles de vaccination du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal se sont rendues dans toutes les communautés religieuses, comme elles sont allées dans les CHSLD et les résidences privées pour aînés (RPA), raconte Marie-Pierre Bielle, chargée de projet et coordination à la Direction Soutien à l’autonomie des personnes âgées (SAPA).

Vu leur moyenne d’âge, les carmélites font partie des populations plus vulnérables, indique Mme Bielle. La plus jeune a 61 ans et la plus âgée a déjà vu s’écouler 96 années, dont les 70 dernières au monastère.

Ont-elles peur du vaccin ? « Non !, ont répondu sans hésitation la dizaine de religieuses. On a hâte ! »

Comme bien d’autres depuis le mois de décembre, Sœur Marie-Monique a relevé sa manche vendredi, dans une petite salle attenante au parloir. L’aiguille s’est approchée de son bras et elle s’est mise à crier pour faire rire l’équipe de vaccination. Elle-même est une ancienne infirmière.

L’aiguille entre et ressort sans difficulté sous les mains expérimentées de sa vaccinatrice : « comme dans du beurre », rigole Sœur Marie-Monique avant de remettre sa ceinture sur laquelle se trouve une pagette. « Au lieu de faire sonner des cloches tout le temps pour la prière ou pour l’économe [l’administration des affaires de la communauté] », explique-t-elle.

Même si on est cloîtrées, même si on a moins de contacts avec l’extérieur, c’est important de faire notre devoir de citoyenne.

Sœur Marie-Monique

« Un devoir d’humanité, précise-t-elle.

« Parce que je me dis : il faut qu’on soit tous vaccinés si on veut que la pandémie arrête. Alors c’est le temps de penser à mon voisin, à ma voisine, aux personnes âgées. »

Une question de respect de l’autre, fait-elle valoir.

« Elles sont aussi à risque que les autres », précise de son côté Mme Bielle : elles ont des rendez-vous médicaux à l’extérieur du couvent et parfois, des médecins et d’autres thérapeutes viennent les soigner directement au Carmel. Venue pour la première dose, elle a insisté pour revenir pour la seconde : « leur générosité, l’aura autour de ces religieuses est incroyable », décrit-elle après avoir plié bagages et valises de vaccination.

Les sœurs ont attendu sur des chaises de bois dans la salle des visiteurs du parloir que s’écoulent les 15 minutes de surveillance obligatoires après l’injection, en bavardant joyeusement.

« On n’est pas toujours en silence, vous savez ! »

La COVID-19 en a inquiété certaines. Car si une religieuse avait été infectée, toutes les autres auraient suivi, vu leur proximité, croit l’une d’elles.

Elles étaient très reconnaissantes envers la Santé publique de s’être déplacée pour elles « à domicile ». L’opération s’est d’ailleurs déroulée rondement, avec deux vaccinatrices à la fois, sous la direction énergique de Sœur Marie-Monique qui ne voulait pas leur faire perdre leur temps.

Maintenant, les carmélites souhaitent, elles aussi, « un retour à la normale » et accueillir à nouveau les Montréalais dans leur délicate chapelle néo-gothique.