(Ottawa) Le vaccin d’AstraZeneca continue de causer des maux de tête dans la campagne d’immunisation au pays. L’Ontario et l’Alberta cessent de l’utiliser en première dose — Toronto, pour des raisons de sécurité, et Edmonton, en invoquant des délais d’approvisionnement. Au Québec, on plaide que la question ne se pose pas puisque les réserves du vaccin sont « toutes ou presque » épuisées.

Le gouvernement de l’Ontario l’a désavoué mardi après-midi, mettant sur la glace l’injection de la première dose de ce vaccin développé par l’Université d’Oxford après avoir constaté une augmentation du risque de développer des thromboses avec thrombocytopénie induite par le vaccin (TIPIV).

Ce risque évalué à 1 sur 100 000 a été revu à la hausse, à 1 sur 60 000, ont expliqué les autorités sanitaires à Queen’s Park. L’arrivée massive au pays de vaccins à ARN messager (Pfizer et Moderna) n’est pas étrangère à la décision, a-t-on ajouté.

Il a été déterminé que les risques associés à la TIPIV étaient plus élevés que les bénéfices associés à la prise du vaccin. « Nous faisons cela par excès de prudence », a insisté le médecin-hygiéniste en chef de l’Ontario, le DDavid Williams, évaluant à environ 50 000 le nombre de doses qui restent.

On a dénombré au moins 12 cas de thromboses à l’échelle du Canada, dont 8 en Ontario.

Le recours au vaccin d’AstraZeneca en dose initiale avait été stoppé en Alberta dans les heures précédentes. Mais dans le cas albertain, on a invoqué un motif totalement différent, c’est-à-dire l’incertitude entourant le calendrier de livraisons du produit.

« Puisqu’il n’y a pas de date connue des prochaines livraisons d’AstraZeneca, il a été décidé d’utiliser l’approvisionnement restant pour les deuxièmes doses », a écrit dans un courriel à La Presse un porte-parole du ministère de la Santé, Tom McMillan, mardi matin.

« L’approvisionnement restant d’environ 8400 doses sera utilisé comme deuxième dose », a-t-il ajouté. La province de l’Ouest, qui a connu une flambée du nombre de cas de COVID-19 ces dernières semaines, s’en remet également aux arrivages prévus de Pfizer et de Moderna.

Avant l’annonce du gouvernement ontarien, le premier ministre Justin Trudeau a réitéré que tous les vaccins ayant reçu le feu vert de Santé Canada étaient « sûrs et efficaces ». Et il a également exhorté les Canadiens à « prendre le premier vaccin » qui leur est offert, comme lui-même l’a fait en recevant une dose d’AstraZeneca.

Les réserves québécoises

Invité à fournir des précisions sur les modalités de l’administration des secondes doses d’AstraZeneca, le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, a soutenu mardi que les réserves étaient à sec, ou presque, au Québec.

« Il ne nous reste presque plus de doses d’AstraZeneca. À ma connaissance, elles sont toutes épuisées ou presque épuisées au Québec. Les rendez-vous sont donnés », a-t-il fait valoir en conférence de presse à l’Assemblée nationale.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda.

On pourrait l’utiliser en deuxième dose si des livraisons venaient regarnir les tablettes dans les délais requis, mais on surveille aussi étroitement les résultats de la fameuse étude britannique, mais « pour le moment, on est contents […] que les gens soient protégés avec la [première] dose ».

Le ministère de la Santé et des Services sociaux n’a pas fourni de chiffres sur les stocks d’AstraZeneca.

Le mélange de vaccins

À la lumière de ces nouveaux faits s’impose ainsi de façon encore plus pressante la question de l’interchangeabilité des doses des deux types de vaccin, ceux à base d’ARN messager (Pfizer et Moderna) et ceux à adénovirus (AstraZeneca et Johnson & Johnson).

Des essais cliniques sont en cours au Royaume-Uni ; les résultats sont attendus dans une semaine ou deux.

Au 1er mai 2021, 1 553 160 doses du vaccin d’AstraZeneca ainsi que 496 615 doses du même vaccin, mais appelé COVISHIELD (en provenance de l’Inde) avaient été administrées au pays, selon les données de Santé Canada.

Dans les prochaines semaines, Ottawa s’attend à une livraison de 655 000 doses puisées dans le programme COVAX, initiative visant un accès mondial aux vaccins, et à un arrivage d’un million de doses supplémentaires dans le cadre d’un accord conclu avec le Serum Institute of India.

En parallèle, le gouvernement Trudeau continue à discuter avec les États-Unis de la possibilité de recevoir des doses d’AstraZeneca dans le cadre d’un accord d’échange similaire à celui qui avait été conclu en mars dernier, et qui avait permis au Canada de mettre la main sur 1,5 million de doses.

Mais pour l’heure, ce sont les vaccins de Pfizer et de Moderna qui inondent le marché canadien, des produits qui ont la préférence du Comité consultatif national pour l’immunisation (CCNI), car ils ne sont pas associés à des risques de TIPIV. Le comité s’est fait abondamment reprocher d’avoir émis cet avis préférentiel.