(Québec) Québec entend s’inspirer de la Saskatchewan et présenter un plan de déconfinement estival détaillé d’ici le 24 juin, tout en gardant un œil sur la transmission par régions. Mais si l’idée est excellente sur papier, des experts préviennent qu’il faudra adopter une large perspective, alors que la situation de la COVID-19 reste instable dans plusieurs provinces.

« Présenter à la population ce qui va se passer, c’est en soi très encourageant. Tout le monde est tanné, tout le monde veut voir où est le bout du tunnel. Cela dit, c’est sûr qu’il faut lier ça au taux de transmission. C’est du sur-mesure qu’il faudra faire, avec beaucoup de surveillance », souligne l’épidémiologiste Nimâ Machouf.

Cette surveillance, dit l’experte, passe notamment par des mesures plus fortes sur la qualité de l’air. « Tant que le gouvernement va nier l’importance de la transmission par aérosols, dans les écoles et les lieux de travail, on ne sera pas plus avancés. Il faut introduire dans ce plan un élément de mesure et de vérification de la qualité de l’air », insiste Mme Machouf, en parlant de mesures « somme toute assez simples » à implanter, comme des capteurs d’air et l’ouverture des fenêtres.

« Dans des restaurants ou des bars, où les gens enlèvent le masque, je pense qu’il faudra ouvrir intelligemment, donc d’abord à l’extérieur, avec des terrasses le plus rapidement possible, en accompagnant tout ça d’une éducation sur la notion d’aérosols », insiste Mme Machouf, pour qui l’essentiel n’est pas de donner aux Québécois une « date précise », mais d’établir des « critères clairs à atteindre » pour la suite.

À l’UQAM, le virologue et professeur Benoit Barbeau abonde dans son sens. « Quand on parle de déconfinement, on devrait réorienter certaines mesures. Ça veut dire se diriger vers des actions préventives dans différents milieux pour décontaminer l’air. »

En ce moment, il y a plusieurs entreprises qui travaillent à développer des technologies de purification qui permettraient d’atteindre un certain niveau de désactivation du virus. Ça devrait être dans la mire du gouvernement.

Benoit Barbeau, virologue

En bout de piste, tout est une question de cas par cas, selon M. Barbeau. « C’est logique de déconfiner région par région, comme on le fait depuis le début avec le code de couleurs. Il faudra avoir des approches ciblées, notamment pour les secteurs où la vaccination progresse moins rapidement », rappelle-t-il. En Saskatchewan, des experts ont aussi rappelé que le plan de réouverture restait un « énorme pari », dans la mesure où la progression des variants pourrait faire dérailler celui-ci.

Ce qu’en dit Québec

Disant vouloir s’inspirer de la Saskatchewan, le premier ministre François Legault dit avoir envoyé le plan de Scott Moe à Christian Dubé lundi soir. « Je lui ai dit : « Je veux la même chose » », a-t-il expliqué en mêlée de presse, jeudi, misant sur la présentation d’un plan formel « dans les prochaines semaines, avant le 24 juin ».

« Ce que nous dit la Santé publique, c’est qu’il faut quand même qu’il y ait deux séries de critères : le pourcentage de la vaccination, mais aussi l’état de la contagion dans chacune des régions », a-t-il ajouté, en précisant vouloir aller plus loin que le code de couleurs. « Il va aussi y avoir la rencontre de deux bulles, mais je veux aller plus loin que ça. D’abord [le code des] couleurs, ensuite le déconfinement total. »

En conférence de presse jeudi, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, a aussi dit souhaiter « plus de flexibilité que d’être uniquement sur un facteur » comme la vaccination. « On va prendre un petit peu plus de temps pour arrimer tous ces plans-là, et adopter les meilleures pratiques », a-t-il toutefois nuancé.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux

« On travaille là-dessus pour arriver avec quelque chose de solide avec l’équipe du DHoracio Arruda » (directeur national de santé publique), a assuré M. Dubé, faisant aussi référence aux Centers for Disease Control and Prevention (CDC), qui ont dévoilé mercredi, aux États-Unis, des balises pour la reprise de certaines activités une fois vacciné.

Le milieu des affaires enthousiaste

La forte majorité des PME québécoises (90 %) se disent actuellement favorables à l’idée d’un « plan précis pour la réouverture », affirme de son côté le vice-président Québec de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI), François Vincent. « En affaires, la prévisibilité est névralgique, mais avec la pandémie, de nombreux entrepreneurs ont été plongés dans une grande incertitude. Beaucoup de commerces sont fermés depuis plus de 200 jours », explique-t-il.

« Pour donner de l’espoir aux entreprises et à la population, projeter un peu de lumière au bout du tunnel aiderait beaucoup », ajoute M. Vincent, en insistant sur le fait qu’un plan de réouverture de l’économie aurait des conséquences directes sur les revenus pouvant être engrangés par les commerçants. La FCEI affirme qu’il en va d’une « demande forte des dirigeants de PME ». « Neuf sur dix demandent un plan précis pour la réouverture », assure son porte-parole.

Dans sa « feuille de route pour la réouverture », le gouvernement de la Saskatchewan précise notamment que les restaurants et les bars pourraient accueillir jusqu’à six personnes à table, trois semaines après l’atteinte d’une couverture vaccinale de 70 % chez les 40 ans et plus.