(Québec) Le gouvernement Legault attendra l’avis des experts québécois avant d’aller de l’avant avec l’administration du vaccin de Pfizer aux jeunes de 12 à 15 ans, malgré le feu vert de Santé Canada. Québec assure préparer l’opération en parallèle. Les établissements d’enseignement plaident pour une vaccination avant la fin de l’année.

Le directeur national de santé publique, le DHoracio Arruda, évoquait encore mardi la possibilité d’administrer une première dose aux adolescents « au cours de l’été », puis la seconde « quelque part à la rentrée » scolaire si le vaccin de Pfizer obtenait les autorisations nécessaires.

Depuis quelques jours, la Santé publique dit plancher sur différents scénarios pour vacciner cette clientèle avant la rentrée, notamment avec le ministère de l’Éducation.

« C’est une bonne nouvelle. On doit vacciner le plus de Québécois possible », a réagi le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, dans un tweet, après l’annonce de Santé Canada. Il a assuré que le « réseau sera prêt » et que « les opérations se préparent en parallèle » des travaux du Comité sur l’immunisation du Québec (CIQ). Le gouvernement veut attendre son avis — qui pourrait venir « dans quelques semaines » — avant de trancher.

Le ministre Dubé doit faire le point sur la vaccination au Québec en compagnie du DArruda et du directeur de la campagne québécoise, Daniel Paré, ce jeudi.

Aux provinces de jouer

Le vaccin de Pfizer-BioNTech pourra être administré dès l’âge de 12 ans, a confirmé Santé Canada, mercredi. Une étude portant sur 2000 participants âgés de 12 à 15 ans a été menée aux États-Unis. C’est sur les conclusions de cette étude que Santé Canada s’appuie pour autoriser la vaccination avec des doses de Pfizer chez ce groupe d’âge.

« L’essai portait sur le même schéma à deux doses et la même dose de vaccin que ceux ayant été autorisés pour les adultes », a précisé Marc Berthiaume, directeur du Bureau des sciences médicales de Santé Canada.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Marc Berthiaume, directeur du Bureau des sciences médicales de Santé Canada, en conférence de presse, mercredi

Les données de l’essai clinique ont montré qu’après la deuxième dose, l’efficacité de prévention de la COVID-19 dans cette tranche d’âge plus jeune était de 100 %.

Marc Berthiaume, directeur du Bureau des sciences médicales de Santé Canada

Les provinces auront maintenant à décider de la façon de déployer les campagnes de vaccination des enfants. Les autorités de l’Alberta, où la troisième vague frappe fort, ont quant à elles fait savoir quelques heures après l’annonce qu’elles ouvraient la vaccination aux 12 ans et plus dès lundi.

Québec donnera son feu vert uniquement après l’obtention de l’avis du CIQ, comme il l’a fait à chaque étape depuis le début de la campagne de vaccination.

« Dans la séquence, le gouvernement y va des plus âgés vers les plus jeunes parce que plus on avance en âge, plus on a de risques d’être hospitalisé. Alors, il nous reste quand même un peu de temps pour bien faire les choses et regarder la question », a expliqué le président du CIQ, le Dr Nicholas Brousseau.

Dans les écoles ?

Québec a ouvert la vaccination à la population adulte il y a une semaine. Le groupe des 18 à 24 ans — le dernier appelé pour l’heure — pourra prendre rendez-vous à partir du 14 mai. Bien que le CIQ ait déjà donné son aval à la vaccination des 16-17 ans avec le produit de Pfizer, Québec n’a pas inclus ce groupe à son calendrier. Le DArruda expliquait la décision par le fait que cette clientèle « pourrait être rejointe en milieu scolaire ».

Selon nos informations, les discussions avec le ministère de l’Éducation sont encore embryonnaires. Une vaccination d’ici la fin de l’année n’est pas exclue, mais l’échéancier commence à être serré. Les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire sont en présentiel une journée sur deux, faut-il rappeler.

La Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement (FQDE) a pour sa part indiqué mercredi n’avoir été informée d’aucun scénario de vaccination d’ici la fin de l’année scolaire, mais estime que le réseau serait prêt à y répondre.

« Idéalement, il faudrait être capable de le faire d’ici la fin juin ou dans la première semaine de juillet maximum », explique le président de la FQDE, Nicolas Prévost. Il croit que vacciner les 12 à 17 ans dans les écoles serait « facilitant » pour les autorités québécoises, le réseau ayant l’habitude des campagnes de vaccination.

Ce serait plus facile pour rejoindre l’ensemble des élèves [à l’école]. On a leurs coordonnées, on peut aussi bien transmettre l’information aux parents. On a quand même cette structure-là qui est bien installée.

Nicolas Prévost, président de la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement

Une vaccination en plein été avec la contribution du réseau scolaire serait plus compliquée à organiser, dit-il. Il cite la période des vacances, évidemment, mais aussi celle des travaux de rénovation et de construction des écoles qui se met en branle dès la fin des classes.

Assez de doses

Sur papier, le Québec disposera d’assez de doses pour vacciner les 12 à 17 ans d’ici le 24 juin, soit quelque 516 000 personnes. Ainsi, la province recevra 546 000 doses du vaccin de Pfizer par semaine pendant tout le mois de juin. Québec doit avoir reçu 7,7 millions de doses d’ici la fête nationale.

Québec aurait donc ce qu’il faut pour vacciner 75 % de ce groupe, en plus de vacciner les trois quarts des Québécois adultes et d’administrer les deuxièmes doses prévues comme le prévoyait son objectif. Le ministère de la Santé et des Services sociaux confirme que la province aurait assez de doses pour vacciner « 100 % de la population adulte », ce qui lui laisse effectivement une marge de manœuvre.

Ça semble assez confirmé que [le Québec] va pouvoir respecter la vaccination au mois de juin, alors il y a peut-être une fenêtre d’opportunité [ensuite pour les adolescents], mais je ne peux pas m’avancer.

Le Dr Nicholas Brousseau, président du Comité sur l’immunisation du Québec

« En date d’aujourd’hui [mercredi], il n’y a pas de plan d’inverser la séquence et d’y aller avec les jeunes avant [les autres groupes appelés] », a ajouté le Dr Brousseau.

Avant de donner son feu vert, le CIQ devra s’assurer que « les bénéfices » de la vaccination des 12 à 15 ans « dépassent largement » les risques. « Les études disponibles jusqu’à présent sont très encourageantes », dit-il. Les adolescents peuvent consentir à l’administration d’un vaccin à partir de 14 ans.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse, et La Presse Canadienne