(Ottawa) La ministre des Services publics et de l’Approvisionnement, Anita Anand, affirme avoir pris les moyens qui s’imposent afin de protéger l’intérêt des contribuables en annulant les contrats d’achat de millions de masques qui ne répondaient pas aux critères de qualité du gouvernement fédéral.

La ministre a aussi affirmé que tous les efforts seront déployés afin de récupérer les 80 millions de dollars qui ont été versés à la firme Tango Communications Marketing, qui s’était vu octroyer les contrats pour importer ces masques fabriqués en Chine.

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Tango devait livrer au Canada 37 millions de masques répondant à la norme chinoise KN95.

Mme Anand a donné ces assurances à la Chambre des communes, mardi, en réponse une question du député conservateur Pierre-Paul Hus, même si la firme montréalaise est menacée de faillite.

La Presse a révélé mardi que des millions de masques commandés par Ottawa pour affronter la pandémie ont poireauté en Chine pendant un an, en raison d’une dispute sur la qualité du produit. Le gouvernement fédéral a finalement annulé les contrats lundi seulement et il exige remboursement des sommes qui ont été payées à l’avance.

« C’est parce que nous avons les contribuables en tête que nous avons annulé le contrat en question. Nous entreprenons des recours juridiques. Nous défendons les intérêts des contribuables. Nous n’allons pas payer pour des masques défectueux. C’est pour cela que nous avons annulé le contrat », a affirmé la ministre.

Selon le député Pierre-Paul-Hus, les révélations de La Presse constituent une autre preuve de la mauvaise gestion du gouvernement Trudeau,

« Le premier ministre croit peut-être que l’argent pousse dans les arbres, mais ce n’est pas le cas. La ministre peut-elle nous dire quand elle va récupérer ces 80 millions ? », a-t-il insisté aux Communes.

Au début de la pandémie, en mars 2020, le monde entier était engagé dans une course folle pour mettre la main sur des stocks suffisants de matériel de protection, notamment des masques. Il fallait souvent payer une grosse partie des commandes à l’avance.

« C’était la guerre, il n’y a pas d’autres mots », a indiqué à La Presse Michel Octeau, président de Tango. Au début de la pandémie, il a répondu à un appel lancé par le gouvernement canadien aux entreprises qui pouvaient aider à éviter des pénuries de matériel médical.

Dans cette folle course, le gouvernement fédéral a accordé trois contrats en vertu des pouvoirs d’urgence liés à la pandémie à la firme Tango. Celle-ci devait livrer 37 millions de masques pour 111 millions de dollars (cette somme inclut toutefois les taxes qui sont retournées au gouvernement, selon Tango). Plus de 80 millions de dollars ont été versés en paiements anticipés.

Tango a bien réussi à faire produire 37 millions de masques. La commande concernait des masques répondant à la norme chinoise KN95, destinés à filtrer 95 % des particules en suspension (l’équivalent chinois de la norme N95 américaine). Michel Octeau affirme avoir toujours été clair sur le fait qu’il s’agissait d’un modèle « civil », sans test d’ajustement sur le visage.

Mais quand les masques ont commencé à arriver au Canada, les fonctionnaires fédéraux les ont soumis à des inspections minutieuses. C’est là que les problèmes ont commencé. Le gouvernement canadien trouvait que les masques ne répondaient pas aux critères de qualité attendus.

« Une part importante des quelque 11 millions de respirateurs KN95 initialement expédiés au Canada par le fournisseur ne répondait pas aux exigences énoncées dans les contrats. Par conséquent, au début du mois de mai 2020, le Canada a pris des mesures pour suspendre toute nouvelle expédition de respirateurs KN95 en provenance du fournisseur. Aucun des respirateurs KN95 qui ont échoué aux tests n’a été distribué à des fins médicales », a expliqué à La Presse Jean-François Létourneau, porte-parole de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC).

Les dirigeants de Tango croient de leur côté que les fonctionnaires ne testent pas bien les masques et qu’ils regrettent peut-être d’avoir passé une gigantesque commande pour un modèle de masque « civil » qui coûtait moins cher que d’autres modèles offerts sur le marché.

« On pense que le Canada s’est trompé et qu’il essaie de nous faire porter l’odieux », affirme l’homme d’affaires.

Tango n’a pas conservé l’argent versé par Ottawa dans ses comptes. Elle l’a utilisé pour payer ses fournisseurs en Chine et ses autres dépenses. L’entreprise montréalaise a livré 12 millions de masques au Canada. À la suite à la suspension des livraisons, environ 17 millions de masques seraient restés dans des entrepôts d’un sous-traitant en transport et logistique embauché par Ottawa en Chine, où ils ont poireauté pendant près d’un an, selon Michel Octeau. Une partie des masques a aussi été laissée à l’usine.

Résultat : les chances sont minces que l’usine chinoise retourne l’argent reçu pour produire les masques jugés non conformes par Ottawa.

Avant l’annonce de la résiliation du contrat, La Presse avait demandé aux dirigeants de Tango ce qui se passerait si on leur demandait de rembourser les sommes reçues du gouvernement fédéral. Marie-Chantal Renaud, la conjointe de Michel Octeau, envisageait un seul scénario.

« On fait faillite. C’est pas plus compliqué que ça », avait-elle laissé tomber.