Une clinique de vaccination mobile a été déployée afin d’inoculer des Autochtones en milieu urbain, à Montréal.

Ils y ont reçu une dose de vaccin contre la COVID-19 ainsi qu’un symbole de leurs origines : des herbes médicinales traditionnelles. La Presse Canadienne a pu suivre vendredi l’équipe de l’une de ces cliniques mobiles qui sillonnent la métropole, et qui ont offert aux membres de Premières Nations un service plus adapté à eux et à leur culture.

Le sachet d’herbes était une touche spéciale de l’organisme Montréal Autochtone, qui a été l’initiateur de cette clinique et qui a travaillé avec le CIUSSS du Centre-sud-de-l’Île-de-Montréal et d’autres organisations des Premières Nations afin de la concrétiser.

« Ça représente la guérison », a expliqué le directeur général de Montréal Autochtone, Philippe Meilleur, tout en gardant un œil attentif sur le gymnase du centre communautaire, converti ce jour-là en centre de vaccination spécial.

Autour de lui, des travailleurs s’affairaient à vacciner les premiers arrivés sur place, membres de diverses nations comme des Innus, des Cris, des Hurons-Wendat et des Malécites.

L’organisme Montréal Autochtone, qui a préparé la campagne, s’est assuré de faire la promotion de la clinique et de prendre les rendez-vous avec son propre système d’inscription, déjà utilisé pour d’autres d’activités, a expliqué M. Meilleur.

« On est l’organisme qui peut rejoindre les Autochtones ». Et puis, de voir des visages familiers peut rassurer ceux qui sont inquiets, ajoute-t-il. La clinique mobile a commencé ses activités la semaine dernière et déjà, des centaines de membres des Premières Nations ont été vaccinés.

Procéder de cette façon présente plusieurs avantages, a expliqué Carole Gesseney, cheffe de la vaccination mobile au CIUSSS-du-Centre-sud-de-l’Île-de-Montréal,

« On essaie de donner un service culturellement adapté, dans les murs de leurs organismes, car on sait que les populations autochtones ont une méfiance envers le système de santé », a-t-elle expliqué dans le camp de base de la vaccination pour son secteur, au Palais des congrès.

« Avec un service sur mesure, on essaie de rejoindre le plus grand nombre de personnes possible », a dit celle qui est responsable de bien d’autres cliniques de vaccination mobiles déployées pour rejoindre, par exemple, des résidants de CHSLD, des résidences privées pour aînés, des centres jeunesse et des HLM sur l’île de Montréal. Elle ajoute que le CIUSSS voulait aussi répondre à un besoin exprimé, celui de ne pas avoir d’agents de sécurité sur le site de vaccination.

Le CIUSSS est « allé “au bat” pour nous », juge d’ailleurs M. Meilleur, qui qualifie la collaboration d’exceptionnelle.

Sur le terrain

Les coulisses du centre de vaccination au Palais des congrès ressemblaient vendredi matin à une fourmilière.

Les employés affectés à divers postes arrivaient par dizaines. Dans une salle créée par des panneaux blancs, les huit travailleurs affectés à la clinique mobile pour les Autochtones rassemblaient leur matériel informatique et organisaient des trousses de vaccination. Ce matin-là, les précieuses doses de vaccin les attendaient sur place.

Un minibus est venu les chercher. Malgré la pluie froide d’avril, la bonne humeur y régnait et plusieurs bavardaient en route, dans une odeur de gel antiseptique, vers leur « mission du jour ».

Il s’est stationné tout près du centre communautaire CÉDA, dans la Petite-Bourgogne, à quelques rues du marché Atwater, qui s’est transformé pour la journée en clinique mobile de vaccination. C’est la préférée de José Marchand, un infirmier retraité.

« Ça bouge beaucoup plus dans les cliniques mobiles, dit-il. Et ici, c’est bien organisé, et les gens respectent leurs rendez-vous ».

Et puis, confie-t-il, cela lui permet de travailler avec son épouse, Martine, une infirmière comme lui qu’il a rencontrée « sur les bancs d’école ».

Comme plusieurs travailleurs de la clinique mobile visitée vendredi, M. Marchand a donné son nom sur le site « Je contribue ». C’est le cas aussi de Hall Anterson Luc, un médecin formé en Haïti, habituellement à l’œuvre dans un laboratoire d’électrophysiologie médicale, mais qui était là, seringue à la main vendredi, et de Mélanie Maheux dont le domaine est la restauration, mais qui donne actuellement un coup de main comme agente administrative.

José Marchand est responsable de « reconstituer le vaccin ». L’infirmier d’expérience doit diluer les doses de vaccin Pfizer et préparer les seringues pour ses collègues qui vont insérer les aiguilles dans les bras.

À leur arrivée, sans perdre un instant, les membres de l’équipe ont immédiatement revêtu une tenue médicale bleu pâle, nettoyé leurs tables pour la vaccination, puis déballé et organisé devant eux leur matériel : tampons désinfectants, boules de coton, pansements et seringues. Leur liste comportait 114 personnes ce jour-là, des adultes autochtones de tous âges, ainsi que des membres de leur famille.

Une travailleuse sociale était sur place. La traduction en langues autochtones est offerte à l’autre site où se rend le minibus de la vaccination mobile, au centre d’Amitié autochtone du centre-ville de la métropole, mais pas à celui de la Petite-Bourgogne visité vendredi. Des travailleurs sont toutefois présents pour expliquer les documents à signer. Certaines personnes plus réticentes à l’inoculation, dont des aînés, avaient parfois besoin de plus d’accompagnement, note M. Meilleur.

Parmi le personnel vaccinateur se trouvaient quatre infirmières à l’emploi de Services aux Autochtones Canada.

« On est des bras de plus », a lancé l’une d’entre elles, Valérie Bérard, heureuse de participer à l’effort de vaccination des gens auprès desquels elle travaille. Et puis, selon Mme Gesseney, ces infirmières ont une expérience de travail fort utile auprès des Premières Nations.

Fin prêts, chacun à sa table, les vaccinateurs ont attendu. Le premier client s’est montré le bout du nez à 9 h 45 pile dans le gymnase de cette ancienne école.

Les Autochtones rencontrés vendredi étaient unanimes : c’est rapide et efficace, ont lancé d’emblée plusieurs personnes fraîchement vaccinées, telles que Kateri Aubin Dubois, une membre de la Première Nation malécite de Viger, qui laissait entrevoir ses yeux rieurs juste au-dessus de son couvre-visage. Plusieurs étaient aussi contents d’être inoculés plus rapidement, avant l’opération de vaccination de masse.

Travis Heritage, de la Nation crie de Mistissini, a trouvé l’initiative de clinique mobile pour les Autochtones importante et rassurante : « On s’approprie l’exercice », a-t-il souligné.

Quant à Soleil Launière, de la Nation innue Mashteuiatsh du Lac-Saint-Jean, elle était heureuse d’avoir pu se faire vacciner lors de la clinique mobile. Avec Montréal Autochtone, « on se sent en confiance. Et on se sent ensemble ».

« On a vraiment aimé la touche de Montréal Autochtone d’avoir de la médecine traditionnelle pour supporter la médecine contemporaine. Les deux se balancent », a-t-elle dit d’une voix douce.

Ces herbes sont « un rappel de notre propre médecine sur le plan identitaire et sur le plan mental », a expliqué M. Meilleur.

Il qualifie l’entreprise de vaccination de « grand succès ».

Il s’inquiète toutefois que les membres les plus vulnérables des Premières Nations, dont ceux en situation d’itinérance, ne soient pas rejoints par cette clinique qui nécessite une prise de rendez-vous. Pour eux, il est en train de discuter afin de trouver des solutions avec le CIUSSS et la Direction de la Santé publique de Montréal.