68 %. C’est la proportion de travailleurs de la santé qui ont jusqu’ici été vaccinés en milieu hospitalier au Québec, en moyenne. Des données jugées encourageantes, mais encore « trop faibles » par des experts. Pendant ce temps, l’engouement pour l’AstraZeneca force la Santé publique de Montréal à interrompre sa campagne de vaccination sans rendez-vous auprès des 45 ans et plus, du moins pour le moment.

Selon des données de l’Institut national de santé publique (INSPQ), allant jusqu’au 20 avril 2021, près de 7 travailleurs sur 10 (67,8 %) ont déjà reçu leur première dose du vaccin en milieu hospitalier au Québec. Dans le Nord-du-Québec, on atteint d’ailleurs plus de 80 % de couverture vaccinale.

Pour ce qui est des CHSLD, ce chiffre est d’environ 63 % dans le réseau public, alors que dans les établissements privés, il frise les 57 %. « Tout ça, c’est relativement positif, et mieux que je ne l’aurais cru, mais il reste que c’est encore insuffisant. Un seul travailleur non vacciné peut facilement en contaminer plusieurs autres. Il faut viser le 100 %, surtout pour ceux et celles qui sont en contact direct avec les patients », estime le DDavid Lussier, médecin à l’Institut universitaire de gériatrie (IUGM). Il souligne aussi que ces chiffres incluent tous les travailleurs du réseau, dont ceux de l’administration.

C’est chez les travailleurs à domicile que le taux de vaccination (69,4 %) est le plus grand. Mais selon M. Lussier, le manque de données est encore flagrant pour bien d’autres groupes. « On ignore par exemple ce qui se passe dans les agences de placement. Il reste encore beaucoup à faire dans le réseau », juge-t-il.

Gériatre au CHUM, le DQuoc Nguyen est du même avis. « C’est sûr qu’il faut se rendre plus haut. Les travailleurs du réseau sont en quelque sorte la courroie entre la transmission communautaire, qui peut encore exploser, et les milieux de soins. Et on voit encore des éclosions dans certains milieux, notamment en Chaudière-Appalaches. Il faut se rendre à 80-85 %, comme dans la population d’ailleurs », dit-il.

Dans le réseau, il y a encore certaines barrières, dont l’hésitation vaccinale et les craintes, mais ça s’amenuise au fur et à mesure. Je pense qu’il y a aussi des barrières d’accès. Ce n’est pas partout qu’on vaccine sur place, mais quand on le fait, on voit que le taux monte beaucoup.

Le DQuoc Nguyen, gériatre au CHUM

L’INSPQ, de son côté, affirme que ses données de vaccination seront actualisées fréquemment dans les prochains jours. « Nous en sommes à préparer une version simplifiée qui sera publiée prochainement de façon hebdomadaire », assure sa porte-parole, Isabelle Girard. Début avril, Québec adoptait un décret ministériel ordonnant que les travailleurs du réseau n’ayant pas reçu une première dose de vaccin depuis au moins 14 jours ou qui refusent de fournir une preuve de vaccination doivent se soumettre à un dépistage récurrent, à savoir environ trois fois par semaine.

Le sans rendez-vous terminé

« Tous les établissements de Montréal ont écoulé leurs doses de vaccin d’AstraZeneca au courant des deux derniers jours pour la vaccination sans rendez-vous », ont annoncé les cinq CIUSSS ainsi que le Centre universitaire de santé McGill, dans un communiqué conjoint diffusé vendredi.

Ceux-ci rappellent néanmoins que les personnes qui se sont inscrites en ligne « pourront toujours se présenter à l’heure prévue de leur rendez-vous » dans les prochains jours. « Une dose leur est réservée », promet-on, invitant les gens à se présenter.

La décision a d’ailleurs été prise « en raison des doses réservées pour la population qui a pris un rendez-vous ». « Avec les rendez-vous confirmés dans la prochaine semaine, ce seront plus de 20 000 vaccins d’AstraZeneca qui auront été administrés dans la métropole », assurent les CIUSSS.

« Notre but, c’était vraiment d’éviter qu’il y ait des citoyens frustrés de ne pas pouvoir être vaccinés en se présentant sans rendez-vous ce week-end. On veut aussi éviter les goulots d’étranglement. Aujourd’hui, il y a des personnes qui se sont présentées qu’on ne pouvait pas vacciner, et on ne voulait pas que ça se reproduise en fin de semaine », a expliqué la porte-parole du CIUSSS Centre-Sud, Annie Dufour.

À savoir si le sans rendez-vous reprendra plus tard, Mme Dufour demeure prudente pour le moment. « On va faire le bilan en début de semaine. Pour l’instant, il n’y en aura plus au moins jusqu’à dimanche soir. La suite dépendra des quantités qu’on reçoit du Ministère, soulève-t-elle. La bonne nouvelle, c’est que ça a été tout un succès, et ça s’est bien passé partout. »

De son côté, le directeur général de l’Association des bannières et des chaînes de pharmacies du Québec (ABCPQ), Hugues Mousseau, rappelle néanmoins qu’à l’échelle du Québec, près de 300 pharmacies ont reçu des doses de vaccins d’AstraZeneca. « Quelques milliers de rendez-vous sont disponibles en pharmacie dans les jours à venir pour les personnes admissibles. Il s’agit de visiter le portail Clic Santé pour prendre rendez-vous », assure-t-il.

À l’extérieur du Grand Montréal, le sans rendez-vous se poursuit toutefois dans la plupart des régions. Notamment, le CISSS de la Montérégie-Est continuera d’offrir la vaccination avec AstraZeneca aux personnes de 45 ans et plus pendant tout le week-end, entre autres à Boucherville.

Forte baisse des hospitalisations

Pendant ce temps, vendredi, on a recensé 27 hospitalisations de moins dans le réseau, pour un total de 684 personnes hospitalisées. De ce nombre, 172 se trouvent aux soins intensifs, deux de moins que la veille.

Le nombre de cas continue à diminuer rapidement. Le Québec en rapporte vendredi 1043 supplémentaires, ce qui porte la moyenne quotidienne calculée sur une semaine à 1230. La tendance a ainsi diminué de 21 % depuis une semaine.

Par contre, le Québec a déploré 15 nouveaux décès. Ceux-ci portent la moyenne à 11 par jour, ce qui est en hausse par rapport à la semaine dernière. La région de Québec est particulièrement éprouvée. Des 15 décès, 7 sont survenus dans la Capitale-Nationale et 3 dans Chaudière-Appalaches. On rapporte également 3 morts à Montréal et 2 en Outaouais.

La campagne de vaccination contre la COVID-19, elle, continue à un rythme accéléré. Pas moins de 90 225 doses ont été administrées jeudi, pour un total de 2,7 millions, ce qui constitue un nouveau sommet. Un peu plus de 30 % de la population a reçu au moins une première dose.

Mais si on tient compte seulement des 16 ans et plus, les seuls admissibles à la vaccination, le Québec devrait franchir ce samedi la moitié de son objectif d’offrir une première dose à 75 % d’entre eux. À noter : 45 261 personnes ont reçu deux doses à ce jour, soit 0,5 % de la population.

Avec Pierre-André Normandin, La Presse