Québec simplifiera l’accès aux tests rapides de dépistage destinés aux entreprises. Décrié pour sa lourdeur, le processus pour mettre la main sur ces fameux tests sera considérablement allégé, a appris La Presse. Alors qu’une éclosion sur deux est en milieu de travail, on espère mousser leur utilisation rapidement.

Entrepreneurs, experts et organisations patronales ont montré du doigt la complexité des étapes à franchir pour obtenir des tests rapides de dépistage. Si certains ont pu y arriver, comme la Banque Nationale — qui a même choisi d’étendre sa stratégie à l’extérieur de Montréal —, d’autres parcourent encore un chemin parsemé d’écueils.

Or, selon nos informations, le gouvernement Legault allégera dès cette semaine la marche à suivre. Une entreprise n’aurait plus, entre autres, à fournir à la Santé publique un protocole détaillé de son utilisation des tests rapides, a-t-on appris. Cette étape causait bien des maux de tête aux entrepreneurs. Ce protocole devait réunir une vingtaine de critères pour obtenir l’aval des autorités. On exigeait notamment d’acheminer à la Santé publique le résultat des 60 premiers tests effectués pour en valider la « qualité d’application ».

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a brièvement indiqué la semaine dernière que la Santé publique avait accepté d’apporter des changements aux exigences pour le déploiement de tests rapides. « Les entreprises qui nous ont demandé des tests rapides [le message], c’est : ‟Occupez-vous pas de nous envoyer le résultat” », avait-il évoqué. « On ne veut pas savoir le résultat, on veut juste savoir si la personne est testée positive. […] Ça n’a l’air de rien, mais c’est une très, très grosse différence », avait-il ajouté.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a, pour sa part, confirmé à La Presse qu’il procède « actuellement à la révision des exigences » afin de proposer un « nouveau processus simplifié » aux entreprises « afin d’en faciliter le déploiement et de l’accélérer, à la demande du ministre [Dubé] ».

Le contexte actuel de l’arrivée de la troisième vague et de la circulation des variants plus contagieux nous amène effectivement à revoir le contexte dans lequel les tests rapides sont offerts aux entreprises, et les exigences.

Marie-Hélène Émond, porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux

« Le souhait est que davantage d’entreprises puissent obtenir des tests rapides pour dépister leurs employés », ajoute Mme Émond.

Le MSSS souligne que les milieux de travail demeurent à ce jour « un des principaux lieux de transmission » de la COVID-19. Ils valent pour la moitié des éclosions actives au Québec (54,7 %).

En date du 16 avril, 86 entreprises seulement ont obtenu le feu vert de la Santé publique pour déployer les tests rapides en leurs murs. Le MSSS a reçu 167 demandes pour en obtenir. Une quarantaine de dossiers sont toujours en analyse, et 41 demandes ont été rejetées, a indiqué le MSSS.

Il y a une dizaine de jours, La Presse rapportait le témoignage d’entrepreneurs qui expliquaient se perdre dans les dédales administratifs pour avoir accès à ces tests qui permettent d’avoir un résultat en quelques minutes. Voilà deux mois maintenant que Québec offre aux entreprises de s’en procurer.

Le gouvernement Legault a toujours affirmé que les tests rapides sont un « outil complémentaire », mais il privilégie les tests de dépistage traditionnels (PCR), soulignant que la capacité de laboratoire est suffisante.

« Le moment de bouger »

La Banque Nationale a pu commencer à utiliser les tests rapides dans ses bureaux du 600, rue De La Gauchetière, le 6 avril dernier. Elle a répondu à l’appel du gouvernement à la mi-février. « C’est vrai que ce n’est pas simple à mettre en place au début. Il faut être sérieux, ça prend de la préparation », a fait valoir le vice-président du Centre-conseil expérience employés de la Banque Nationale, Danny Déry.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Danny Déry, vice-président du Centre-conseil expérience employés de la Banque Nationale

On n’a pas vécu cette expérience [difficile] de notre côté, mais le fait qu’on était bien préparés et qu’on avait parlé à des entreprises qui [les utilisaient], ça nous a aidés.

Danny Déry, vice-président du Centre-conseil expérience employés de la Banque Nationale

Les employés se soumettent — sur une base volontaire — à un test de dépistage rapide deux fois par semaine. On utilise le test nasal Panbio. M. Déry estime que l’opération pour un employé dure environ 10 minutes. L’employé est ensuite avisé de son résultat par courriel ou message texte une fois de retour à son bureau.

Devant la propagation des variants, la Banque Nationale a d’ailleurs choisi d’étendre l’utilisation des tests rapides à six autres succursales de Montréal et de mettre sur pied des équipes mobiles qui pourront se déplacer dans les points chauds de la pandémie, comme à Québec et à Gatineau.

« C’est le moment de bouger », affirme M. Déry. « Avec l’augmentation du nombre de cas un peu partout au Canada, on s’est dit que c’était le bon moment pour mettre en branle la stratégie. L’appréciation est très, très bonne auprès de nos employés. C’est une mesure additionnelle, elle ne remplace rien d’autre », dit-il.

Encore des écueils

Mais d’autres entrepreneurs peinent toujours à mettre en branle leur stratégie de dépistage. Après un mois de démarches, un pharmacien de la région de la Montérégie a finalement pu obtenir un millier de tests de marque BD Veritor pour dépister les employés de ses trois succursales.

À la mi-mars, il a été autorisé à récupérer les tests dans un centre de distribution. À son retour à la pharmacie, il a constaté en ouvrant les boîtes qu’il avait les tests, mais pas l’appareil pour valider le résultat. La semaine dernière, les autorités n’avaient toujours pas été en mesure de lui acheminer l’appareil nécessaire. « Je trouve ça dommage », a expliqué le pharmacien-propriétaire. Ce dernier n’a pas voulu être nommé puisque ses entreprises collaborent sur une base régulière avec le MSSS.

« Comme entreprise, on avait ce double enjeu d’éviter un éventuel bris de services en cas d’éclosion, mais aussi celui de contribuer à la société en évitant que nos employés puissent potentiellement infecter des gens sans le savoir, de continuer à envoyer leurs enfants à l’école, par exemple », a-t-il confié.

Ottawa a envoyé quelque 4,56 millions de tests rapides au Québec, qui en fait peu usage. En date du 29 mars, environ 1,3 % des stocks avaient été écoulés. Il a été impossible d’obtenir un bilan plus récent.