(Québec) Au moment où Québec s’apprête à ouvrir la vaccination aux travailleurs essentiels, des policiers de Montréal ont déjà pu être vaccinés pour éviter que des doses du vaccin soient perdues. Ailleurs dans le Grand Montréal, les vaccins restants à la fin de la journée sont administrés aux travailleurs de la santé.

Bien qu’ils ne soient pas considérés parmi les clientèles à prioriser pour l’instant, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et le CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal ont confirmé à La Presse que des policiers font partie des clientèles appelées en fin de journée pour recevoir des doses préparées restantes.

Le CUSM a indiqué que les policiers font partie « d’un groupe de travailleurs parmi beaucoup d’autres qui peuvent être interpellés » pour utiliser les doses préparées et non utilisées du vaccin. Selon nos informations, la situation se serait notamment produite au site de vaccination Glen qui relève du CUSM.

L’établissement n’a pas précisé combien de vaccins jusqu’à présent ont été administrés à des policiers. « Il n’y a pas de politique à proprement parler, mais nos équipes disposent de listes pour éviter de perdre des doses de vaccins », a indiqué la porte-parole du CUSM, Maude Samson.

Au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal, les doses restantes sont offertes à aux policiers depuis trois semaines déjà, indique-t-on. Cela survient « si aucun employé du réseau de la santé ne peut se déplacer », nuance l’établissement.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a indiqué qu’il s’agissait de « situations exceptionnelles où des doses prêtes à l’emploi n’auraient pas été administrées afin d’éviter qu’elles soient jetées ». L’initiative est « pilotée » par les centres de vaccination eux-mêmes, ajoute-t-on.

« Les policiers du SPVM peuvent donc se voir offrir des doses de vaccin inutilisées, notamment parce qu’ils sont mobiles et qu’ils peuvent se déplacer facilement vers les centres de vaccination de leur secteur. Ce n’est pas obligatoire et la démarche se fait sur une base volontaire », précise le service des communications.

Le SPVM affirme qu’il est encore trop tôt « pour dresser un bilan » du nombre de policiers qui ont pu bénéficier d’un vaccin. La Fraternité des policiers et policières de Montréal estime qu’entre 125 et 150 policiers ont obtenu une première dose de vaccins. Le syndicat indique ne pas « s’opposer » à cette démarche bien qu’elle « qu’il ne s’agisse pas de la façon la plus méthodique de vacciner les policiers et policières de Montréal, qui sont en première ligne depuis le début de la pandémie », souligne-t-on.

La Fraternité avait d’ailleurs fait des représentations auprès du gouvernement pour que leurs membres puissent être vaccinés en priorité. Ceux-ci doivent entrer dans les domiciles, contenir des contrevenants, administrer des premiers soins et faire respecter les consignes sanitaires auprès de clientèle « violente et imprévisible », énumère le porte-parole Martin Desrochers.

Des annonces mercredi pour les travailleurs essentiels

D’autres travailleurs essentiels sont d’ailleurs impatients d’être eux aussi conviés à être vaccinés.

Le ministre Christian Dubé doit donner mercredi plus de détails concernant la vaccination des prochains groupes prioritaires, soit les personnes de moins de 60 ans qui souffrent d’une maladie chronique (environ 500 000 personnes, selon l’estimation donnée par M. Dubé), et les travailleurs essentiels (environ 400 000 personnes).

Sur ce dernier groupe, le ministre Dubé a évoqué mardi « l’importance de définir les travailleurs essentiels », en énumérant notamment les « profs et éducatrices en garderie », les « pompiers, policiers, gardiens de prison », et les « travailleurs communautaires ».

À l’Ordre des dentistes du Québec, on dit d’ailleurs s’attendre à être appelés « dans les prochains jours » à prendre rendez-vous pour la vaccination.

Du côté de l’Ordre professionnel de la physiothérapie du Québec, le président Denis Pelletier déplore une certaine confusion sur l’accès à la vaccination des travailleurs essentiels. Par exemple, des membres de son organisation ont pu bénéficier de doses en surplus qui leur ont été offertes par des centres de vaccination, créant des frustrations chez d’autres membres qui n’y ont pas eu accès. « Le mécontentement ne sert personne, surtout quand on a besoin de monde pour faire la vaccination », dit Denis Pelletier. « Mais la consigne du ministère est claire : en ce moment, on ne peut pas s’inscrire pour avoir un rendez-vous. »

Le Dr Guillaume Fortin, de l’Association des optométristes du Québec, attend lui aussi un feu vert du ministère. Dans certaines régions, comme la Côte Nord, l’Outaouais et Lanaudière, des optométristes ont été invités à être vaccinés. Ailleurs, pas du tout. « C’est à géométrie terriblement variable », dit-il. « Ça crée beaucoup de tension et de frustrations. Nos membres sont un peu découragés. »

Avant d’élargir la vaccination à tous les travailleurs essentiels, une nouvelle logistique doit cependant être mise en place pour distribuer des rendez-vous.

Jusqu’ici, les personnes qui appartiennent aux groupes d’âge prioritaires doivent prendre rendez-vous sur Clic Santé, puis présenter une preuve d’âge admissible à leur arrivée au centre de vaccination. Dans le cas des travailleurs essentiels, cette preuve d’admissibilité passerait par l’accréditation à son ordre professionnel ou son association professionnelle, ou encore, par une lettre de son employeur. Par exemple, une dentiste pourrait présenter sa carte de l’Ordre des dentistes, tandis qu’une secrétaire médicale pourrait présenter une lettre de la clinique qui l’emploie.

Exceptions et travailleurs de la santé

Lorsqu’il est question de doses restantes prêtes à être injectées à la fin de la journée de vaccination, les établissements de santé qui ont répondu aux questions de La Presse assurent qu’il s’agit de quantités marginales. Mis à part le CIUSSS de l’Est et le CUSM, la vaccination n’est pas offerte aux policiers sur une base régulière ailleurs.

Le CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal affirme que si des policiers ont été vaccinés sur son territoire, « il s’agit d’exception » puisque l’établissement explique « suivre scrupuleusement la priorisation des clientèles identifiées » par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) pour la vaccination contre la COVID-19.

« Depuis l’ouverture des centres de vaccination populationnelle, il est rare qu’il reste des doses à la fin de la journée. S’il restait des vaccins, les équipes ont des listes de personnes prioritaires auxquelles les offrir », souligne-t-on. Par exemple, les personnes de 60 ans et plus qui se sont présentées sans rendez-vous sont inscrites sur une liste d’attente et « rappelées à la fin de la journée s’il y a des doses restantes », ajoute la porte-parole, Annie Charbonneau.

Au CISSS de Laval, on précise que les doses restantes sont administrées aux employés de l’établissement. Il y a eu une exception à la fin du mois de mars alors que toutes les plages de rendez-vous étaient comblées pour les 65 ans et plus et que la vaccination aux 60 ans et plus ne s’ouvrait que le lendemain, explique le CISSS. Lors de cette journée « exceptionnelle », environ 600 doses ont été administrées à des employés d’organismes communautaires ainsi qu’à des policiers, indique-t-on.

Au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, on précise qu’il est très rare qu’il reste des doses en fin de journée. « Ça arrive de façon exceptionnelle […] C’est géré de façon très serrée », assure le porte-parole, Jean-Nicolas Aubé. « On peut parler par exemple d’une seule fiole avec cinq doses à administrer », illustre-t-il. Le CIUSSS, qui a sur son territoire le site du Palais des congrès, dispose d’une liste de travailleurs de la santé « qui ne font pas partie des groupes » visés par la vaccination. Ceux-ci peuvent donc être appelés pour éviter de perdre des doses.

Au CIUSSS de l’Est-de-l’Île-de-Montréal ont a aussi offert des vaccins aux employés des sites de vaccination de masse (Stade olympique et aréna Martin-Brodeur). Par exemple, entre le 2 et 5 avril, ce sont 14 doses qui ont été administrées à ces employés spécifiquement.

Avec la collaboration de Judith Lachapelle