Les responsables fédéraux de la santé des États-Unis ont déclaré mardi dans un communiqué que les résultats annoncés par AstraZeneca au sujet de son vaccin COVID-19 pourraient avoir été basés sur des informations obsolètes et incomplètes sur l’efficacité du vaccin. Les spécialistes consultés par La Presse n’y voient toutefois rien d’inquiétant pour le moment.

« Le communiqué est très vague. Leur message laisse supposer que la compagnie cache des choses, alors que, jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas le cas. L’agence réglementaire veut probablement seulement avoir plus de données ou plus de données récentes », soutient Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS).

AstraZeneca a indiqué lundi que son vaccin était efficace à 80 % contre la COVID-19 chez les personnes âgées et n’augmentait pas le risque de caillots, après une étude de phase III menée aux États-Unis. Toutefois, ces résultats sont basés sur des données datant du 17 février.

Depuis la troisième semaine de février, les données ont évolué et ce qu’on voit maintenant est peut-être un peu différent de ce qui a été annoncé lundi, soutient le médecin épidémiologiste de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), Gaston De Serres.

Le Conseil de surveillance des données et de la sécurité (DSMB) des États-Unis a indiqué lundi soir qu’il était préoccupé par le fait que l’entreprise ait inclus des informations obsolètes issues de cet essai, qui « pourraient avoir fourni une vue incomplète des données d’efficacité », peut-on lire dans le communiqué.

Des données qui datent

Étant donné que les résultats datent du 17 février, le DSMB estime sûrement que ce sont des données trop vieilles, soutient M. Lamarre. « Ils doivent considérer que les données n’incluent pas suffisamment de cas de variants pour refléter l’épidémie qu’on voit en ce moment aux États-Unis. » Selon lui, les responsables fédéraux souhaitent qu’AstraZeneca leur fournisse les données les plus récentes.

Il y a juste eu un mauvais canal de communication entre AstraZeneca et les Instituts nationaux de la santé et ils mettent de la pression pour avoir les données à jour pour évaluer le vaccin.

Denis Leclerc, professeur de biologie médicale à la faculté de médecine de l’Université Laval

M. Lamarre soutient qu’il n’y a rien d’inhabituel dans cette démarche, puisque les agences réglementaires demandent fréquemment des données plus récentes. Par contre, les discussions se font normalement entre l’agence et la compagnie et non pas par communiqué public. « Ce qui me préoccupe, c’est que ça envoie des messages bizarres à la population pour ce vaccin-là qui a déjà mauvaise presse », affirme-t-il.

Un nouveau pavé dans la mare

Cette annonce s’ajoute aux nombreux évènements liés à des caillots sanguins suivant l’inoculation avec le vaccin AstraZeneca, notamment le décès d’un jeune étudiant en médecine dans la vingtaine. M. Leclerc rappelle que des situations indésirables comme celles-ci ne sont pas surprenantes. « Plus on vaccine, plus on augmente la probabilité qu’il y ait un évènement non relié au vaccin qui survienne après la vaccination. »

Au cours des dernières semaines, de nombreux pays ont également interrompu temporairement l’utilisation du vaccin. Selon M. Leclerc, il est tout à fait normal d’arrêter temporairement la vaccination en cas de doute, pour analyser la situation et prendre une décision. « Ça veut seulement dire que les organismes réglementaires font leur travail. S’ils continuent d’utiliser le vaccin d’AstraZeneca en Europe, c’est parce qu’il n’y a pas de lien entre la formation de caillots et la vaccination », soutient le professeur qui se dit prêt à se faire vacciner à n’importe quel moment si on lui offre le vaccin d’AstraZeneca.

Jeudi dernier, l’Agence européenne des médicaments a indiqué que les données ne sont pas suffisantes pour conclure si ces évènements indésirables sont causés par le vaccin ou non. Le lendemain, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a encouragé les pays à utiliser le vaccin AstraZeneca après que ses experts eurent conclu que ses bénéfices l’emportent sur les risques.