Le vaccin d’AstraZeneca est sécuritaire, assure le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, en relayant sagement l’avis des médecins experts, entre autres, du Québec, du Canada et de l’Organisation mondiale de la santé.

Mais c’est connu, les sceptiques sont difficiles à confondre. Pour citer un autre humoriste, la confiance du ministre dans le vaccin, on ne veut pas la savoir, on veut la voir !

Ce sera bientôt le cas.

M. Dubé, qui est né en 1956 et habite à Montréal, peut se faire vacciner selon les critères actuels. Son rendez-vous est pris pour jeudi, m’a-t-on confirmé.

En conférence de presse, mardi, il a dit ne pas vouloir « en faire un spectacle ». Mais sa réflexion évolue. Son cabinet pourrait convoquer les médias. Par contre, il fera comme les autres Québécois et acceptera le vaccin qu’on lui donne, peu importe lequel.

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Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, se fera vacciner jeudi, puisqu’il est né en 1956 et habite Montréal.

Je comprends M. Dubé de vouloir donner l’exemple. Personne n’a le droit de choisir son vaccin. Mais personne ne demande celui d’AstraZeneca non plus. De 1 % à 2 % des gens avec un rendez-vous retourneraient chez eux plutôt que de le recevoir. En le prenant, le ministre marquerait les esprits.

Les États-Unis, eux, ont compris la force de l’image. Même s’il avait 61 ans, le vice-président Mike Pence s’était fait vacciner devant les médias au début de la campagne, le 19 décembre. Son message : n’ayez pas peur, les vaccins sont sécuritaires.

Mais chez nous, les politiciens ont peur d’être accusés de couper la file.

« Je veux respecter puis attendre mon tour comme tout le monde, a dit mardi François Legault. J’ai 63 ans, donc, quand on va être rendus à ce groupe-là, je vais [y] aller. »

Il n’a « aucun problème » à recevoir n’importe lequel des trois vaccins.

Justin Trudeau tient le même discours.

Je ne doute pas une seule seconde qu’ils soient sincères et croient faire la bonne chose.

Ils craignent les critiques, et ils n’ont pas tort. Certains trouveraient sans doute le moyen de s’indigner. Mais cela signifie que le chialage de la minorité indignée a gagné. Quelle tristesse…

Le premier ministre n’est pourtant pas un citoyen comme les autres. Et à cette étape de la campagne de vaccination, il ne priverait pas une personne âgée d’une précieuse dose.

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François Legault

D’ailleurs, fait trop peu médiatisé, le bras droit du Dr Horacio Arruda, le DRichard Massé, de la Direction nationale de santé publique, a été vacciné. Et il a reçu celui d’AstraZeneca.

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« Ce vaccin est sécuritaire », soutient le DNicholas Brousseau, président du Comité sur l’immunisation du Québec.

Pour prévenir les hospitalisations et les morts, le vaccin d’AstraZeneca est d’une « efficacité comparable » à celle des vaccins de Pfizer et de Moderna. Il l’est un peu moins, ajoute-t-il, pour réduire les symptômes plus légers, comme la fièvre.

Autre fait important : le lot de vaccins qui inquiètent en Europe n’est pas celui qui a été reçu au Canada.

Bien sûr, la science est évolutive, et le risque doit être suivi attentivement. C’est ce que font justement le DBrousseau et ses collègues. Si les données changent, ils s’ajusteront vite.

L’Agence européenne des médicaments dévoilera son enquête à ce sujet jeudi. Si elle conclut à l’absence de risque, j’aimerais croire que cela suffira à rassurer les gens, mais j’en doute.

Certains refuseront de croire toute étude scientifique officielle. Pour eux, il n’y a pas grand-chose à faire. Mais beaucoup de personnes de bonne foi restent sincèrement préoccupées. Elles ne demandent qu’à être rassurées, et une image de nos dirigeants la manche retroussée ne nuirait pas. Avec, pourquoi pas, les chefs de chaque parti pour être rassembleurs.

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Il serait dommage que ce qui se passe en Europe fasse oublier la bonne nouvelle : d’ici quelques jours, tous les cours au secondaire se donneront en présentiel en zone orange (22 mars), les spectacles seront enfin permis en zone rouge (26 mars) et le couvre-feu commencera désormais à 21 h 30 en zone rouge.

Et surtout, tous les Québécois qui veulent être vaccinés devraient avoir reçu leur première dose avant le 24 juin.

On s’en doutait depuis des semaines, avec la hausse des livraisons prévues de vaccin. Mais Justin Trudeau, qui a intérêt à baisser les attentes pour mieux surprendre en cette période préélectorale, a pris du temps à le dire.

Depuis décembre, les provinces critiquent le fédéral à cause de la lenteur de l’arrivée des vaccins. La pression se déplace maintenant sur leurs épaules.

À la fin de mars, le Canada aura reçu près de 8 millions de doses. Le rythme triplera d’ici juin, puis triplera à nouveau d’ici septembre. Le défi logistique sera énorme.

Cette accélération de la campagne explique le très lent début de déconfinement, qui n’ose pas dire son mot. Mais une dernière bataille doit être livrée pour que les variants ne provoquent pas de troisième vague ce printemps, comme ç’a été le cas en Europe.

Et pour cela, Québec n’a pas le choix. Il faut qu’un maximum de personnes se fassent vacciner. Pour leur propre bien, et pour celui du reste de la population.