Plusieurs pays européens ont suspendu momentanément la distribution du vaccin d’AstraZeneca après quelques cas de formation de caillots sanguins chez des personnes vaccinées. Tempête dans un verre d’eau ou simple principe de précaution ? Explications.

Qui a suspendu la vaccination avec AstraZeneca ?

Lundi, l’Allemagne, la France, l’Espagne, l’Italie, le Portugal, la Slovénie et la Lettonie ont annoncé leur décision de « suspendre par précaution » la distribution du vaccin d’AstraZeneca. Ces nations ont rejoint notamment l’Autriche, la Norvège, le Danemark et les Pays-Bas, qui avaient déjà mis sur pause l’utilisation du vaccin britannique. À ce jour, 37 cas de thrombose ont été déclarés parmi les quelque 17 millions de personnes qui ont été vaccinées en Europe. Mardi, l’Autorité européenne du médicament (EMA) doit rendre public un avis sur le recours à ce vaccin. L’Agence soutient toutefois que les bénéfices de la vaccination sont plus grands que les risques d’effets secondaires. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a aussi invité les pays européens à poursuivre les efforts de vaccination avec le sérum d’AstraZeneca.

Une décision politique ?

D’un point de vue scientifique, les experts consultés par La Presse n’ont toujours pas changé d’avis : le vaccin d’AstraZeneca est sécuritaire. « Ça me semble une décision [des pays européens] prise pour des considérations politiques plus que scientifiques », avance Alain Lamarre, professeur-chercheur spécialisé en immunologie et virologie à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Il se dit néanmoins conscient que certains pays ont des défis différents en matière « d’acceptabilité sociale » par rapport à la vaccination. Maryse Guay, médecin-conseil à la Direction de santé publique et à l’Institut national de santé publique du Québec, reconnaît elle aussi que tout le monde est à cran, « mais on n’a pas le luxe de laisser des doses de vaccin au frigo ». « Les risques d’attraper la COVID sont plus grands que les risques potentiels d’une thrombose », ajoute-t-elle.

AstraZeneca : des lots différents

Le vaccin d’AstraZeneca distribué au Canada s’appelle en réalité Covidshield. Il est fabriqué en Inde. Il diffère des lots qui sont offerts en Europe et qui proviennent d’autres sources d’approvisionnement. Tout le monde applique la même recette, explique le professeur Alain Lamarre. « C’est le même vaccin. Est-ce qu’il pourrait y avoir un problème avec un lot [celui utilisé en Europe] ? Ça reste à voir. »

Une pause contestée

Malgré le principe de précaution, l’annonce de la France a néanmoins suscité de vives réactions dans la communauté médicale. « Ça n’a aucun sens [de] procéder à des arrêts de vaccination, a affirmé Bruno Riou, cadre de l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris, sur France Inter. C’est comme si on disait : ‟Il y a eu un accident de voiture chez un vacciné, on va interdire la conduite ou supprimer la vaccination !” » De nombreux experts ont signalé que rien n’indique qu’il y aurait un lien de cause à effet entre l’injection du vaccin d’AstraZeneca et les problèmes de coagulation chez certains patients. Le nombre de cas de thrombose rapportés en Europe n’est d’ailleurs pas supérieur à celui qu’on retrouve dans la population en général, soutient AstraZeneca.

Des effets secondaires rarissimes

Au Canada, les effets secondaires sont plutôt rares après l’administration d’un des vaccins offerts contre la COVID-19. Des données de Santé Canada montrent que 0,085 % des doses administrées au pays entre la mi-décembre et le 5 mars ont entraîné un effet « indésirable », 0,009 % étant considérés comme « grave ». La douleur, les rougeurs et l’enflure au site de vaccination étaient les effets les plus courants. La plupart des doses administrées pendant cette période auraient été des vaccins à ARNm (ceux de Pfizer et de Moderna), qui provoquent généralement des réactions plus fortes que les vaccins à vecteur viral comme celui d’AstraZeneca.

Avec l’Agence France-Presse et La Presse Canadienne