Le passage du couvre-feu à 21 h 30 en zone rouge, dès mercredi, permettra surtout aux autorités de tester l’adhésion aux mesures sanitaires en vue des prochaines semaines qui devraient être « déterminantes », croient des experts.

Un test pour le Québec

Pour la professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Roxane Borgès Da Silva, l’extension du couvre-feu – qui sera fixé à 21 h 30 dès mercredi en zone rouge – est somme toute une bonne stratégie. « J’en comprends que le gouvernement relâche très légèrement pour tester l’adhésion de la population aux mesures, et voir si on peut réellement se permettre de relâcher », observe-t-elle.

« On parle d’un petit relâchement qui ne devrait pas avoir trop d’impact et qui donne un peu de répit aux gens. Cela dit, si ça commence à remonter, les autorités ne voudront plus relâcher », insiste Mme Da Silva. Elle souligne que l’Ontario, la France ou encore l’Italie devront probablement reconfiner pour éviter une troisième vague. « Si les gens ne respectent pas l’ordre de non-rassemblement, il y a encore ce risque que ça parte en fou, comme chez nos voisins », dit-elle.

Le premier ministre, François Legault, a imploré les Québécois de ne pas profiter de l’élargissement du couvre-feu pour se rassembler entre amis ou en famille.

Le 24 juin, une date réaliste ?

Si on se fie aux prévisions du gouvernement, chaque Québécois qui veut recevoir sa première dose pourra le faire d’ici le 24 juin. Une cible réaliste, pour autant que les doses continuent d’arriver en masse, croit le DMatthew Oughton, spécialiste des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif.

Il y a un mois, avec nos problèmes de distribution, on aurait dit que c’est une date très, très ambitieuse. Maintenant qu’on semble avoir passé ces obstacles, c’est possible. Mais il faudra accélérer substantiellement.

Le DMatthew Oughton

Selon lui, l’enjeu sera de minimiser les dégâts du débat autour de l’administration du vaccin d’AstraZeneca, que plusieurs pays européens ont suspendu après des cas de formation de caillots sanguins. « Quoi qu’on en pense, ce genre de choses peut affecter la confiance du public et, donc, notre capacité à vacciner, avance M. Oughton. Si on dit qu’il reste environ 12 ou 13 semaines jusqu’au 24 juin, ça veut dire qu’il faut augmenter la cadence à environ 45 000 doses par jour. »

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Un homme se fait vacciner à l’aréna Bill-Durnan, dans le quartier Côte-des-Neiges, à Montréal.

Soulagement en éducation, mais encore

Dans le milieu de l’éducation, on accueille avec optimisme l’autorisation pour les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire de retourner à l’école en tout temps, dès le 22 mars. « Ça faisait un bout qu’on le demandait. Maintenant, on se souhaite la même chose pour les zones rouges », dit le président la Fédération québécoise des directions d’établissement d’enseignement, Nicolas Prévost.

À l’Alliance des professeures et professeurs de Montréal, la présidente Catherine Beauvais-St-Pierre reste prudente. « Les derniers mois ont été difficiles pour les profs au front. […] Avec l’arrivée des variants, il vaut mieux être prudent et ne pas précipiter les choses. De gros défis attendent tout le monde au lendemain de la pandémie. Le gouvernement doit rapidement mettre en place un plan pour la prochaine rentrée », lance-t-elle.

« Ça va être un soulagement à la fois pour les profs et les élèves. C’est compliqué pour tout le monde, deux modes d’enseignement. Maintenant, ça rend encore plus urgent de s’assurer que les mesures sont au rendez-vous, y compris la ventilation et l’aération dans les écoles », soulève Sylvain Mallette, président de la Fédération autonome de l’enseignement.

Des critères à préciser

Les élus de l’opposition, eux, ont bien accueilli les nouveaux allégements, mais réclamé des précisions. « Nous sommes toujours dans le néant le plus complet quant aux critères scientifiques du système d’alerte par paliers. Nous demandons une fois de plus au gouvernement de rendre publics les critères associés à chacune des zones de couleurs », presse le porte-parole péquiste en santé, Joël Arseneau.

Dans les rangs libéraux, la critique en santé, Marie Montpetit, a aussi parlé d’annonces positives, en demandant toutefois au gouvernement « de demeurer vigilant face à la présence de variants ». « Nous souhaitons éviter à tout prix une troisième vague et un reconfinement. Pour ce faire, la campagne de vaccination doit s’accélérer », soutient-elle.

Chez Québec solidaire, le co-porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois a parlé de « nouvelles encourageantes » pour la vaccination. « Clairement, les efforts colossaux qu’a faits la population dans les derniers mois ont porté leurs fruits. Maintenant, c’est au tour du gouvernement de faire sa part et de mettre les bouchées doubles pour éviter une nouvelle vague de variants », juge-t-il.

« La situation s’améliore », dit Plante

Dans une enfilade de tweets publiés en soirée, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a accueilli positivement les nouveaux allégements concernant le couvre-feu, qui démontrent « que la situation s’améliore ». « Je nous invite à demeurer vigilants face aux variants, et à respecter les mesures sanitaires », a-t-elle également prévenu.

« Toutes les Montréalaises et tous les Montréalais qui voudront recevoir le vaccin pourront probablement le faire d’ici la fête nationale », a-t-elle ajouté. Son administration salue la réouverture des salles de spectacles et des théâtres dès le 26 mars. « Voilà qui fera un grand bien à la population, et à la culture, profondément ancrée dans l’ADN de Montréal », soutient Mme Plante.