De nombreux Québécois en zone orange renouent avec un semblant de normalité sur le tapis roulant du gym ou à table dans leur restaurant favori. Mais attention : pas question de baisser la garde pour le moment, plaident-ils.

Les salles à manger bondées où les éclats de rire résonnent autour de la table sont encore chose du passé même si depuis lundi dernier, toute la province est passé au palier orange, à l’exception du Grand Montréal. Les clients venus s’attabler dimanche à Bromont profitaient plutôt d’un repas intime, chacun dans leur bulle. Malgré tout, le restaurant Verger Johanne & Vincent affichait presque complet à l’heure du midi.

« Traumatisés » par la flambée de cas l’automne dernier au Québec après un été de liberté, Lise Bouchard et son mari Christian Niquet demeurent vigilants. « C’est là qu’on voit que la deuxième vague nous a marqués. On est contents, mais ce n’est pas le party non plus. On n’irait pas luncher avec une autre bulle pour l’instant », a expliqué Mme Bouchard, dont la mère a succombé à la COVID-19.

« Tant qu’une bonne partie de la population n’est pas vaccinée, c’est risqué, les soupers entre amis. Ça nous sécurise de voir que les propriétaires [de restaurants] s’assurent que les clients viennent tous de la région », a ajouté M. Niquet.

Le restaurant accueille de nouveau des clients pour un repas sur place depuis samedi seulement.

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Chantal Racine, propriétaire du café le Garde-manger

On ne voulait pas ouvrir à moitié. Il a fallu rapatrier le personnel, s’occuper des livraisons et des commandes, établir la logistique pour faire respecter les mesures…

Chantal Racine, copropriétaire du café le Garde-manger

L’endroit chaleureux comporte 12 places assises au lieu de 26, pour assurer une bonne distanciation entre les tables. La boutique de prêt-à-manger permet à Mme Racine d’assurer une rentabilité en ces temps difficiles, a-t-elle admis avant d’être interrompue par une cliente.

Elle lui a demandé sans tarder une preuve de résidence et son nom, pour l’ajouter au registre.

« C’est le rêve. Je travaille à temps plein. Avec trois enfants, c’est un calvaire pour me concentrer. J’ai amené mon ordinateur pour m’avancer », a expliqué Josée Mailhot, impatiente et ravie de pouvoir s’attabler.

Chantal Racine lui a indiqué qu’elle ne pouvait laisser les clients s’éterniser à table. La mère de famille s’est montrée compréhensive. « C’est normal, ils prennent leurs précautions et veulent laisser la chance à tout le monde. »

Plusieurs établissements de la rue Shefford demeuraient fermés. Quelques affiches placardées sur les vitrines annonçaient une réouverture prochainement.

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Raphaëlle Tétreault, propriétaire du café 1792

La salle à manger du café 1792 est ouverte en semaine seulement, a précisé Raphaëlle Petreault, propriétaire de l’endroit. Comme bien des occupants de la zone orange, elle est heureuse de la levée de certaines restrictions, mais pas euphorique. « L’annonce [de réouverture] était soudaine. Ça demande beaucoup de gestion et les week-ends, il y a tellement de monde de l’extérieur de la région. »

Du lundi au vendredi, c’est plus facile à gérer : seuls les habitants du coin viennent siroter leur café assis.

La fin de semaine, il y a trop d’achalandage. Je ne peux pas faire la police. Les clients sont super compréhensifs.

Raphaëlle Tétreault, propriétaire du café 1792

Si les habitués étaient heureux de retrouver leurs restaurants fétiches, les employés étaient toujours enchantés de revoir leur clientèle après une période difficile pour le domaine de la restauration. C’était le cas au resto-pub Edgar Hyperlodge.

L’endroit autrefois bondé fonctionnait à capacité réduite, sans son habituel chansonnier pour animer les soirées arrosées. On ferme plus tôt, couvre-feu oblige. L’atmosphère festive a donc laissé place à une ambiance plus familiale.

« Presque tout le staff est revenu et les clients viennent nous encourager. Ce n’est pas l’ambiance d’avant, mais on se trouve quand même chanceux », a souligné Tristan Pratte, un employé qui préfère voir la pinte à moitié pleine.

De retour au gym

Les sportifs étaient au rendez-vous au centre d’entraînement Concept Action de Bromont. Un peu moins de 40 personnes s’activaient avant l’heure de fermeture.

Le bonheur pour André Côté, Bromontois de 72 ans.

Le sport me manquait tellement ! À mon âge, la machine a besoin d’être entretenue pour rester en forme.

André Côté, Bromontois de 72 ans

Il est venu s’entraîner « sans crainte, mais avec prudence ».

Difficile de s’habituer au port du masque pendant une séance de musculation, plaide Daniel Cantin. « C’est un ajustement, mais on s’adapte. Il était vraiment temps que ça rouvre, car avec la pandémie, on a pris du poids », a expliqué le résidant de Lac-Brome en tapotant son ventre.

Les allées et venues dans l’établissement sont plus faciles à gérer qu’au resto. « Si les gens sont abonnés, c’est qu’ils vivent dans les alentours. On n’a pas besoin de vérifier », a indiqué Sandrine Krans, entraîneuse et employée.

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Les sportifs étaient au rendez-vous au centre d’entraînement Concept Action de Bromont.

Les machines, les poids, les toilettes et les vestiaires sont désinfectés trois fois par jour, assure Mme Krans.

Chaque client doit nettoyer les surfaces touchées avant et après son passage.

« Les clients sont vigilants. On leur fait confiance. »

Il semblait toutefois difficile de garder ses distances, puisque les machines sont assez rapprochées, a constaté La Presse.

Les séances d’entraînement se déroulent sans rendez-vous et le vestiaire demeure accessible. Le masque est obligatoire partout, sauf sur les machines comme le tapis roulant ou le vélo stationnaire.

Pendant ce temps, les Québécois du Grand Montréal se trouvent toujours en zone rouge. La semaine dernière, le premier ministre François Legault a laissé entendre qu’ils pouvaient s’attendre à des assouplissements « prochainement » et que la situation « sera réévaluée » mardi.