Vous avez des questions sur la COVID-19 et la vaccination ? Chaque semaine, des journalistes de La Presse répondent directement à vos interrogations sur le sujet.

Des centaines de milliers de premières doses seront administrées à la population au cours du mois de mars. Et des milliers de secondes doses devraient aussi être distribuées aux personnes qui ont reçu leur première dose en décembre.

Mais compte tenu de la crainte que l’approvisionnement joue encore au yo-yo, est-il possible qu’on offre aux vaccinés une seconde dose qui ne proviendrait pas du même fabricant ? « Existe-t-il une contre-indication ? », nous demande une lectrice, Marjolaine Rivard. « La protection sera-t-elle aussi efficace ? »

Utilisons ici une analogie vinicole : au cours d’un bon repas, deux bouteilles de vin rouge sont débouchées, soit un vin français plus léger et un vin espagnol plus corsé. On évitera évidemment de mélanger les deux vins dans le même verre (sacrilège !), mais on peut tout à fait prendre deux vins différents au cours du même repas, l’un après l’autre, pour prolonger efficacement le plaisir de l’alcool…

Est-ce la même chose avec les vaccins contre la COVID-19 ?

C’est possible, mais la réponse définitive n’existe pas encore, parce que les données ne sont pas disponibles. C’est pourquoi Santé Canada « recommande » que les deux doses proviennent du même fabricant. Mais le Comité consultatif national sur l’immunisation (CCNI), dont la Dre Caroline Quach est la présidente, n’interdit pas la pratique.

Pour le moment, l’avis du CCNI est qu’idéalement, la deuxième dose doit être du même fabricant.

La Dre Caroline Quach, microbiologiste

« Toutefois, si le vaccin du fabricant n’est pas disponible, ou si on ignore quel était le fabricant de la première dose, on essaie au moins de donner un vaccin du même type », ajoute la microbiologiste

Deux des quatre vaccins actuellement homologués au Canada, celui de Pfizer-BioNTech et celui de Moderna, sont du même type (vaccins à ARN messager). « Ce sont deux vaccins qui fonctionnent de façon très similaire et qui ont des composants très semblables », dit la Dre Quach. Quelques personnes au Canada, dont une Montréalaise qui avait été transférée d’un CHSLD à un autre après avoir reçu sa première dose, ont reçu par erreur une seconde dose d’un fabricant différent. Mais rien n’indique que de recevoir une dose de Pfizer et une seconde de Moderna, ou vice versa, soit « dangereux », dit la spécialiste.

C’est aussi l’avis du professeur Benoît Barbeau, du département des sciences biologiques de l’UQAM. « On ne s’attend pas à ce que ce soit dangereux », dit-il. « Et on pense que ce sera aussi efficace, mais il faudra attendre les données à ce sujet. Donc, tant qu’on n’a pas de données, et tant qu’on n’a pas de pénurie, mieux vaut utiliser les mêmes vaccins. »

La réponse chez les Britanniques

Les scientifiques manquent donc de données pour répondre à la question, mais justement, le Royaume-Uni devrait fournir l’été prochain des éléments intéressants à ce sujet.

Au début de février, les autorités sanitaires britanniques ont lancé une étude auprès de 800 volontaires pour évaluer l’efficacité d’une protection vaccinale composée d’une dose de vaccin de Pfizer et d’une dose de vaccin d’Oxford-AstraZeneca. Les résultats ne sont pas attendus avant l’été et, en attendant, les consignes demeurent les mêmes qu’au Canada, soit une recommandation de compléter sa vaccination avec une seconde dose du même fabricant.

Mais l’étude britannique sera notamment intéressante parce qu’elle implique deux vaccins de type différent. Le vaccin d’Oxford-AstraZeneca (qui a été approuvé le 26 février par Santé Canada) est un vaccin à adénovirus. Il utilise ces virus inoffensifs pour infecter des cellules humaines avec les instructions génétiques pour créer la protéine S du SARS-CoV-2 (virus responsable de la COVID-19), sans pour autant répliquer ces cellules infectées. Le système immunitaire repère alors ces cellules aux protéines indésirables, puis apprend à les combattre. Le vaccin à ARN messager de Pfizer accomplit essentiellement la même chose en utilisant un autre véhicule (une nanocapsule lipidique) et des instructions codées sous forme d’ARN plutôt que d’ADN.

La combinaison de ces deux vaccins pourrait notamment être bénéfique dans le cas du vaccin d’Oxford-AstraZeneca, croit Benoît Barbeau.

En effet, le véhicule utilisé par ce vaccin, l’adénovirus, engendre lui-même une réponse immunitaire « qui pourrait bloquer l’efficacité de la deuxième dose ». En utilisant une technologie différente pour la seconde dose, la protection vaccinale du vaccin à adénovirus s’en trouverait augmentée.

De fait, des scientifiques croient qu’il est possible que la combinaison de deux technologies différentes soit tout à l’avantage du vacciné, surtout avec l’émergence de variants. En entrevue avec le magazine Maclean’s le 22 février, le DAlan Bernstein, membre du Groupe de travail sur les vaccins contre la COVID-19, estimait qu’en sollicitant le système immunitaire de façon différente, on lui permet de multiplier ses façons de combattre le virus. Un peu comme si l’un des vaccins était une « armée de l’air » et l’autre une « armée de terre », la force de frappe contre l’ennemi s’en trouvant doublée.

Mais tout cela devra être confirmé par des études, rappelle Benoît Barbeau. Cette stratégie de l’interchangeabilité des vaccins est d’ailleurs déjà possible dans certains programmes d’immunisation. Au Canada, les vaccins des différents fabricants homologués contre le virus du papillome humain, l’hépatite, la rougeole, la rubéole et les oreillons sont parmi ceux qui sont reconnus comme interchangeables pour compléter sa série vaccinale.