La campagne de vaccination contre la COVID-19 est une véritable course contre la montre pour freiner l’augmentation du nombre d’infections par des variants. Et le Québec doit continuer d’accélérer la cadence et de respecter les mesures de protection pour espérer limiter le nombre de cas, selon les experts.

En Ontario, de 30 % à 40 % des nouveaux cas de COVID-19 sont liés aux variants. Au Québec, 18 % des nouveaux cas enregistrés dans la dernière semaine sont liés aux variants, contre 13 % la semaine précédente. À Montréal, c’est 20 % des nouveaux cas qui sont liés au variant du Royaume-Uni. Et en Abitibi-Témiscamingue, 80 % des 36 nouveaux cas constatés dans la dernière semaine sont des cas suspectés du variant sud-africain.

« Oui, il y a une course vaccins-variants. Et on n’est pas encore sûr qu’on va la gagner. Plus les semaines avancent, meilleures sont nos certitudes. Mais on n’a pas encore gagné », résume la Dre Marie-France Raynault, chef du département de santé publique et médecine préventive du CHUM.

Pour contrer la propagation des variants, « il faudrait que le taux de croissance des personnes vaccinées soit supérieur au taux de croissance du variant », explique la professeure de l’École de santé publique de l’Université de Montréal, Roxane Borgès Da Silva. Pour elle, il est « difficile de dire » si la vaccination va assez vite actuellement dans la province.

Mercredi, 18 659 personnes ont été vaccinées au Québec, soit environ le même nombre que la veille. Pour le chef de la division des maladies infectieuses à l’Hôpital général juif, le DKarl Weiss, « il faut accélérer la cadence », sous peine de voir le variant gagner du terrain. « C’est mathématique », dit-il. Selon les projections du gouvernement, 1,7 million de Québécois de 70 ans et plus et de travailleurs de la santé doivent être vaccinés en priorité. « Il reste 1,1 million de doses à administrer à ce groupe. Et on ne parle même pas d’une deuxième dose », souligne le DWeiss.

Le variant britannique plus mortel

Selon Mme Borgès Da Silva, la population « mesure difficilement le risque associé aux variants ». « [Les gens] ont une lassitude par rapport aux mesures », dit-elle. Or, le variant britannique est « plus contagieux ». Et les enfants ne sont pas épargnés. « C’est un enjeu important. Parce qu’on a décidé de garder les écoles ouvertes. Une décision que j’appuie. Mais c’est le seul endroit où on ne peut pas respecter les mesures barrières », dit-elle.

L’Agence France-Presse rapportait que le variant britannique est non seulement plus contagieux, mais aussi 64 % plus mortel que le coronavirus classique, selon une étude anglaise publiée mercredi, qui confirme de premières observations faites fin janvier.

Sur 1000 cas détectés, le variant anglais provoque 4,1 morts, contre 2,5 pour le coronavirus « classique », ont conclu les auteurs de ces travaux publiés dans la revue médicale BMJ.

La Dre Raynault estime que s’il faut s’inquiéter des variants, reste qu’ils répondent bien à nos mesures de protection et aux vaccins. Elle souligne que l’Angleterre est récemment parvenue à contenir son épidémie malgré leur présence.

On n’est pas complètement démunis face au variant. Il se transmet plus. Mais ce n’est quand même pas la peste noire. Ce n’est pas une autre maladie […] Donc tout va dépendre de la façon dont la population va continuer d’appliquer les mesures ou pas.

Dre Marie-France Raynault, chef du département de santé publique et médecine préventive du CHUM

Pour la Dre Raynault, « quand on aura vacciné toutes nos personnes vulnérables, même si le variant prend plus de place, on pourrait être plus détendus ».

Approche agressive

Professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM et expert en virologie, Benoit Barbeau souligne que Montréal a pris des mesures plus agressives dernièrement pour contenir les variants et affirme que la Santé publique a bon espoir de « limiter la représentativité du variant ». « Si on peut garder les variants le plus bas possible, avec le temps qui s’adoucit, les gens seront moins à l’intérieur. Ça va mettre les chances de notre côté », dit-il.

En Abitibi-Témiscamingue, on adopte aussi une approche agressive pour limiter la progression du variant. Là-bas, 94 cas du variant sud-africain ont été confirmés jusqu’à maintenant. La province compte aussi 56 cas de variants présomptifs (variants repérés par criblage mais non séquencés), et la majorité des nouveaux cas de COVID-19 sont suspectés d’être liés au variant sud-africain. « Le variant est prédominant dans notre région, mais on ne lui laisse pas la place », a affirmé en conférence de presse jeudi la Dre Omobola Sobanjo, médecin spécialiste en santé publique et médecine préventive à la direction de santé publique.

Signe que le variant doit être pris au sérieux, en soirée jeudi, la direction de la santé publique du Bas-Saint-Laurent a lancé un appel au dépistage à tous les clients et employés qui ont fréquenté le restaurant Bon voyage de Rivière-du-Loup le 5 mars entre 6 h et midi, le restaurant Normandin de Rivière-du-Loup le 8 mars entre 6 h et midi, le Big Stop Irving de Saint-Antonin le 6 mars entre 8 h et 20 h, le 7 mars entre 8 h et 20 h et le 9 mars entre 8 h et 20 h. « Dès ce soir, vous devez prendre rendez-vous en ligne », a écrit la Santé publique.

Microbiologiste au CUSM, le DRaymond Tellier estime qu’on vit actuellement une « période palpitante » de la pandémie. « La question, c’est de savoir si on va être capable de contrôler les éclosions pour donner une chance à la vaccination de rattraper », dit-il. Le DTellier estime qu’il faut être « très rigoureux » en ce moment dans l’application des mesures de protection. Puisque les variants sont plus contagieux, « la marge d’erreur est plus petite », dit-il.