(Québec) Le gouvernement Legault dépensera au moins 21 milliards de dollars en quatre ans pour faire face à la pandémie de COVID-19 et contrer ses impacts économiques, estime la vérificatrice générale Guylaine Leclerc. Elle passera au crible une série de mesures au sujet desquelles elle a des « préoccupations », dont l’achat d’équipements de protection individuelle, le délestage d’interventions chirurgicales et la planification de l’hébergement des personnes âgées.

Après le Protecteur du citoyen, le Commissaire à la santé et au bien-être et le Bureau du coroner, c’est donc au tour du Vérificateur général du Québec de mener sa propre enquête sur la gestion de la pandémie par le gouvernement Legault, qui rejette toujours la demande des partis de l’opposition de déclencher une enquête publique indépendante.

En juin 2020, Guylaine Leclerc avait manifesté son intention de se pencher sur les dépenses du gouvernement dans la lutte contre la COVID-19, sans toutefois donner de détails.

Dans le deuxième tome de son rapport annuel déposé à l’Assemblée nationale mercredi, elle confirme la tenue de son enquête et en précise les contours.

Elle chiffre à 21 milliards de dollars en quatre ans, de 2019-2020 à 2022-2023, le coût des diverses mesures mises en place par le gouvernement Legault jusqu’ici pour faire face à la pandémie. Ces mesures prennent différentes formes – prêts, subventions et achat d’équipements, par exemple.

« Compte tenu de l’ampleur des sommes prévues par le gouvernement du Québec pour faire face aux conséquences de la pandémie de COVID-19, ainsi que de l’incidence de cette dernière sur les services à la population », la VG mènera une enquête sur une bonne partie des dépenses en question.

Elle a retenu neuf sujets d’audit « ayant une plus grande valeur ajoutée ». Elle enquêtera là où elle soupçonne qu’il y a des problèmes. « C’est certain que tous les mandats qu’on fait, c’est parce qu’on a des préoccupations », a soutenu Guylaine Leclerc en conférence de presse.

Son enquête portera donc sur :

• les équipements de protection individuelle ;

• la planification de l’hébergement de longue durée ;

• la gestion des délais d’attente en chirurgie ;

• les mesures d’aide aux entreprises ;

• l’enseignement à distance ;

• la santé mentale (dont l’accès aux services) ;

• la télésanté (l’accès aux médecins durant la pandémie) ;

• la cybersécurité (protection des renseignements personnels) ;

• la gestion des centres des congrès (sous l’angle de la relance du tourisme d’affaires).

La VG a voulu éviter des sujets qui feront l’objet des enquêtes du Bureau du coroner, du Commissaire à la santé et au bien-être et du Protecteur du citoyen.

Elle retient déjà quelques « axes d’intervention potentiels » dans chacun des neuf sujets d’audit. Par exemple, elle veut se pencher sur l’attribution des contrats pour l’achat d’équipements de protection individuelle. Elle vérifiera s’il y a eu « un inventaire adéquat d’équipements en fonction du risque » et si ceux-ci étaient « conformes aux normes de qualité ». Y a-t-il eu distribution équitable des équipements en fonction des besoins ? se demande-t-elle également.

On veut s’assurer, malgré qu’on soit en situation d’urgence, que des contrôles aient été mis en place pour s’assurer, un, qu’on avait le bon matériel, et deux, qu’on le payait à un prix qui était acceptable.

Guylaine Leclerc, vérificatrice générale du Québec

Sur le front économique, elle veut savoir si les critères d’admissibilité aux mesures d’aide aux entreprises assurent un traitement équitable des demandes. Elle s’étonne qu’une petite partie seulement de l’aide annoncée aux entreprises ait été versée en date du 30 octobre – à peine 11 %. Autre sujet de préoccupation : est-ce que le gouvernement a assuré un équilibre entre la nécessité d’assouplir les règles pour verser l’aide rapidement et le maintien d’un contrôle suffisant des demandes ? Elle s’intéressera également à la « planification de mécanismes de reddition de comptes pour s’assurer que [les mesures d’aide] atteignent leurs objectifs ».

Impacts du délestage

La VG évaluera le délestage des activités chirurgicales. Elle se penchera sur l’augmentation des listes d’attente et des délais, sur l’impact des reports sur la qualité de vie des patients et sur la planification du rattrapage des opérations.

Le ministère de l’Éducation n’échappera pas à l’enquête. « Le taux d’échec pour les secondaires IV, secondaires V, on voit que c’est une préoccupation, donc on a voulu voir dans quelle mesure est-ce que l’éducation à distance avait été mise en place de façon appropriée », a affirmé Guylaine Leclerc. Elle s’intéressera à l’augmentation du taux d’échec scolaire, mais aussi aux « disparités des pratiques d’enseignement à distance entre les établissements » et aux mesures prises pour rattraper les retards causés par la fermeture des écoles.

Au chapitre de l’hébergement des personnes âgées, la VG se demande si le gouvernement a fait une planification digne de ce nom avant de se lancer dans la construction de maisons des aînés, promesse électorale de la Coalition avenir Québec. « Est-ce qu’on a encore besoin d’autant de CHSLD et de maisons des aînés ? C’est quelque chose qu’on va regarder. Est-ce qu’ils ont planifié en tenant compte des besoins futurs ? Est-ce qu’on s’en va plus vers des soins à domicile ? Ce sont des questions qu’on va souhaiter qu’elles soient répondues avant de débuter la construction des infrastructures », a-t-elle indiqué.

Les premières conclusions de son enquête seront présentées cet automne – sur l’aide aux entreprises, la télésanté et la cybersécurité. Les autres seront dévoilées au printemps 2022, puis à l’automne 2022 – donc, dans ce dernier cas, après les prochaines élections générales.

Les 21 milliards de dépenses en quatre ans se déclinent ainsi :

• 5,2 milliards en prêts et en subventions aux entreprises ;

• 4,3 milliards dans l’achat d’équipements de protection individuelle ;

• 2,9 milliards pour le devancement de projets d’infrastructures ;

• 2,5 milliards pour du soutien financier aux particuliers et aux travailleurs ;

• 2,4 milliards dans l’embauche de personnel et les primes aux travailleurs de la santé ;

• 2,2 milliards en subventions aux municipalités ;

• 466 millions pour augmenter la capacité de dépistage ;

• 275 millions pour les mesures de protection et de sécurité pour le personnel de la santé ;

• 151 millions en publicités liées à la pandémie (seulement de mars 2020 à janvier 2021) ;

• 108 millions pour soutenir les organismes communautaires ;

• 100 millions pour augmenter le financement des services en santé mentale ;

• 166 millions dans diverses autres dépenses destinés à « renforcer le système de santé ».

Au total, pour le secteur de la santé, on parle de 8 milliards de dollars de dépenses en quatre ans.