Fatigue extrême, difficultés respiratoires, troubles neurologiques… Des personnes souffrent toujours de graves symptômes plusieurs mois après leur infection au coronavirus… voire un an plus tard ! Et le phénomène est loin d’être rare.

La vie d’Isabelle Jalbert a basculé le 21 novembre 2020. « Ça m’a frappée comme un autobus. » Ce jour-là, l’infirmière de 40 ans commence à avoir mal à la tête. Puis à la gorge. À tousser. Elle perd l’appétit. « J’avais des étourdissements et un brouillard dans la tête comme si je n’avais plus de concentration. »

Mme Jalbert reste au lit pendant les deux semaines après le début de la maladie. Mais à son retour au travail, trois semaines plus tard, rien ne va plus. « Je manquais de concentration et il m’arrivait de me heurter aux cadres de porte parce que j’étais étourdie. Entre mes patients, je fermais ma porte de bureau et je pleurais. Je n’étais plus moi. »

Les semaines passent, mais les symptômes s’estompent peu.

PHOTO FOURNIE PAR ISABELLE JALBERT

« Avant, je courais des 8 km et, maintenant, lorsque je marche, je m’essouffle rapidement », dit Isabelle Jalbert.

Si bien qu’encore aujourd’hui, trois mois après son infection, Isabelle a encore des séquelles. « À l’heure du midi, je dois retourner chez moi pour aller me coucher. Le soir, je ne fais rien. Je n’ai pas repris l’endurance et j’ai encore des étourdissements. Avant, je courais des 8 km et, maintenant, lorsque je marche, je m’essouffle rapidement. »

Sa performance au travail et sa qualité de vie sont touchées. « Je vois des voisins qui partent en ski de fond ou courir en revenant de travailler, mais moi, je n’ai plus l’endurance de faire ça. »

Vieillir de 10 ans

Sylvie Dolan a attrapé la COVID-19 le 29 avril 2020. « J’avais un mal de tête, un mal de sinus et j’étais faible. Je ne pouvais pas sortir du lit. » La deuxième journée, Mme Dolan a perdu le goût et l’odorat. Elle était essoufflée et elle toussait. « Ça a pris un gros mois avant que mes symptômes diminuent. »

À l’été, elle prend du mieux, mais contre toute attente, ses symptômes reviennent en force au mois de septembre. « J’ai recommencé à tousser et à être à bout de souffle. Encore aujourd’hui, quand je prends ma douche, je me mets à tousser sans arrêt à cause de la chaleur de l’eau. »

Passer la balayeuse, nettoyer ou aller pelleter me demandent un gros effort. J’ai l’impression que la COVID-19 m’a fait vieillir de 10 ans d’un coup.

Sylvie Dolan

Un mal fréquent

PHOTO FOURNIE PAR LA CLINIQUE AMBULATOIRE POST-COVID À SHERBROOKE

Le Dr Alain Piché, infectiologue au CIUSSS de l’Estrie–CHUS et directeur de la Clinique ambulatoire post-COVID à Sherbrooke, en consultation

Les études ont révélé qu’entre 10 et 35 % des patients atteints du coronavirus présentent des symptômes persistants plus de 4 à 12 semaines après l’infection, affirme la Dre Grace Lam, de la clinique post-COVID-19 d’Edmonton. « Un article d’origine chinoise suggère même que ça peut aller jusqu’à 76 % des patients », renchérit le Dr Alain Piché, infectiologue au CIUSSS de l’Estrie–CHUS et directeur de la Clinique ambulatoire post-COVID à Sherbrooke.

Les symptômes les plus courants sont la fatigue, les maux de tête, l’essoufflement, la douleur thoracique, l’insomnie, l’anxiété et diverses éruptions cutanées. La perte d’odorat, qui fait partie des symptômes les plus fréquents chez les personnes infectées par la COVID-19, perdure également dans environ 10 % des cas, affirme Johannes Frasnelli, professeur au département d’anatomie de l’Université du Québec à Trois-Rivières.

Des fraises au goût de shampoing

C’est le cas de Gabriel Gingras St-Aubin, 25 ans, qui a attrapé la COVID-19 le 13 mars 2020, au tout début de la pandémie. « Je mangeais de la pizza et ça ne goûtait rien, j’avais l’impression de mâcher du papier. Je pensais que j’avais un rhume », se remémore-t-il.

Les semaines passent et son goût tarde à revenir. « Ça a pris trois semaines avant que je recommence à goûter les aliments sucrés et salés », explique-t-il. Plusieurs aliments ne goûtaient toutefois plus comme avant. « Le café, la bière et le beurre d’arachides goûtaient la moisissure », dit-il.

Près d’un an plus tard, il n’a toujours pas retrouvé pleinement le sens du goût.

Aujourd’hui, le beurre d’arachides goûte encore la moisissure. Les framboises, les fraises et les autres fruits rouges goûtent le shampoing.

Gabriel Gingras St-Aubin

Afin d’améliorer sa capacité olfactive, M. Gingras St-Aubin s’entraîne à perfectionner son odorat. « J’ai remarqué que plus je me forçais à prendre un aliment, plus le goût revenait comme avant et plus j’étais capable de le l’apprécier de nouveau. »

L’entraînement olfactif peut être d’une grande aide pour les personnes qui ont perdu l’odorat, confirme le professeur Frasnelli. Plus l’odorat est sollicité de façon soutenue et répétée, plus les régions du cerveau qui sont associées au traitement de l’information olfactive deviennent fortes et gagnent en matière grise, explique le chercheur.

Des cliniques à la rescousse

Au cours des derniers mois, de nombreuses cliniques post-COVID-19 ont fait leur apparition au pays, notamment à Edmonton, à Vancouver, à Sherbrooke, à Saguenay et à Montréal. Bien qu’il n’existe pas de traitement universel pour ce que les scientifiques appellent la « COVID longue », les spécialistes tentent d’élaborer des traitements spécialisés pour chaque patient ayant des symptômes persistants.

À la Clinique ambulatoire post-COVID à Sherbrooke, les patients sont évalués dès leur arrivée. « On va faire un bilan sanguin, pour éliminer toutes les autres causes qui pourraient expliquer les symptômes. On peut ensuite les réorienter vers la réadaptation », indique le DPiché.

Face aux situations uniques des patients, les cliniques doivent recourir à des spécialistes diversifiés. « On a des médecins de famille, des neurologues, des cardiologues, des nutritionnistes et des physiothérapeutes. On communique aussi avec des experts dans d’autres pays si on a des questions », explique le DRon Damant, pneumologue à la clinique post-COVID-19 d’Edmonton.

La clé du succès, selon les spécialistes : l’écoute. « Nous rassurons beaucoup les patients et nous leur fournissons des informations sur la meilleure façon de traiter leurs symptômes individuels », renchérit le DZachary Schwartz, responsable de la clinique post-COVID-19 à l’Hôpital général de Vancouver. Le DDamant indique qu’au début de la pandémie, les personnes avec des symptômes persistants étaient souvent stigmatisées et se sentaient isolées. Les médecins prennent donc le temps d’écouter l’histoire des patients et de les rassurer.

Des jeunes particulièrement touchés

Bien que l’âge soit le principal facteur de risque de mortalité avec l’infection initiale, il ne semble pas prédire le développement de symptômes à long terme. « En fait, beaucoup de ceux qui présentent des symptômes de longue date n’ont jamais été hospitalisés. La gravité de la maladie initiale ne permet pas non plus de prédire qui sera symptomatique à long terme », indique le DSchwartz.

Les jeunes patients en bonne santé, même ceux dans la trentaine, qui étaient très actifs avant d’attraper la COVID-19, ont maintenant des symptômes importants ou ils ont un essoufflement en marchant quelques blocs, ont un brouillard cérébral et des difficultés avec leur mémoire, indique la Dre Lam. « C’est très anormal », renchérit-elle.

Dans le cas du DSchwartz, les jeunes patients qu’il a côtoyés l’ont particulièrement marqué. « J’ai vu plusieurs jeunes patients qui n’ont pas pu terminer leurs cours universitaires. » Plusieurs patients ont eu une rechute de leurs symptômes après leur retour au travail. « Cela peut indiquer que l’anxiété ou le stress post-traumatique sont des déclencheurs d’aggravation des symptômes. » Et chose certaine, on est encore bien loin de tout connaître sur ce mystérieux virus. « On apprend quelque chose de nouveau à propos du virus tous les jours ! », s’exclame le DDamant.