(Sherbrooke) Les données sont claires, la santé mentale des Québécois est en piteux état depuis le début de la pandémie de COVID-19 et l’imposition de nombreuses consignes contraignantes qui a suivi pour la combattre. Dans l’espoir d’apaiser les cœurs et les esprits, des « éclaireurs » seront déployés dans toutes les régions avec la mission de reconnecter les gens entre eux à l’intérieur des communautés.

Ce principe d’équipes de terrain dédiées à animer la vie sociale et à interpeller les membres de leur communauté a prouvé son efficacité lors de la tragédie de Lac-Mégantic. La démarche créée à l’époque par Dre Mélissa Généreux et son équipe de la direction régionale de la santé publique de l’Estrie a démontré son efficacité à faire sortir les gens de leur isolement et à renforcer le sentiment de solidarité.

Dès le début de la pandémie, Dre Généreux affirme qu’elle savait qu’il y aurait des conséquences sur la santé mentale d’une importante partie de la population. « Je faisais déjà des sorties pour dire qu’il fallait se préoccuper de la santé psychologique. J’en étais convaincue dès le jour un parce que j’ai observé des impacts négatifs que de telles catastrophes peuvent avoir », explique-t-elle.

PHOTO TIRÉE DU SITE INTERNET DE L'UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE

Dre Mélissa Généreux

« Peu importe le type de catastrophe, c’est toujours la même chose. Les impacts prennent quelques mois à bien s’implanter dans la communauté, mais si on ne fait rien ils peuvent perdurer encore plusieurs années », prévient l’ex-directrice de la santé publique de l’Estrie qui joue aujourd’hui un rôle de médecin-conseil.

C’est pourquoi elle a soumis au gouvernement du Québec un projet similaire à celui implanté à Lac-Mégantic, mais adapté pour être déployé dans chaque réseau local de services (RLS) de chacun des centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) et des centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS).

En novembre dernier, le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, a annoncé un financement de 19 millions « pour créer et implanter des équipes d’éclaireurs, sur le terrain, qui iront à la rencontre des clientèles vulnérables et mettront de l’avant des actions de promotion, de prévention, de détection et d’intervention précoce des problématiques psychosociales », pouvait-on lire dans le communiqué publié pour l’occasion.

On ne peut pas être fataliste et juste se dire, c’est ça qui est ça. Ce n’est pas normal que des jeunes, pendant pratiquement un an, essuient des revers et vivent différentes difficultés de telle sorte qu’un sur deux a des problématiques quand même considérables au niveau psychologique. Moi, ça me dérange profondément ce phénomène-là

Dre Mélissa Généreux

Au creux de la vague

Les escouades d’éclaireurs doivent commencer à se mettre au travail incessamment partout dans la province et ce n’est pas trop tôt. Selon de nouvelles données dévoilées cette semaine dans le cadre de l’enquête québécoise de l’étude « Pandémie de COVID-19 : Évolution de la propension à recevoir un vaccin et des impacts psychosociaux », dont Mélissa Généreux est la chercheuse principale, la situation ne s’améliore pas.

Malgré le vent d’optimisme qui souffle avec le déploiement de la vaccination dans la population générale ainsi qu’un certain plateau atteint dans la propagation du coronavirus, l’état général du sentiment anxieux ou dépressif demeure à un niveau alarmant.

« On a pratiquement la moitié de nos jeunes de 18 à 24 ans qui présentent des symptômes compatibles avec un trouble anxieux ou dépressif. Moi, je veux que ça s’améliore ! Je veux qu’on comprenne ce qui cause ça et je veux surtout qu’on comprenne comment on peut essayer de changer les choses », observe Dre Généreux face aux chiffres qui n’ont pratiquement pas changé entre l’automne dernier et aujourd’hui.

D’après l’enquête, menée auprès de 10 513 répondants du Québec, du 5 au 16 février, 16 % des Québécois disent vivre dans un état d’anxiété probable, 20 % dans un état de dépression probable et 23 % disent vivre l’un ou l’autre.

Les chiffres les plus élevés concernent le sous-groupe des 18-24 ans, chez qui l’on observe un taux de 43 % de répondants disant vivre dans un état probable d’anxiété ou de dépression.

Lorsque l’on fouille davantage la question, d’après les données de l’enquête, on apprend que c’est le sentiment de solitude qui a le plus d’effet sur la santé mentale des répondants. En contrepartie, le sentiment d’appartenance à sa communauté influence positivement la réponse psychologique.

Ainsi, le programme des « éclaireurs » tel que développé grâce à l’expertise estrienne pourrait aider les Québécois à se reconnecter avec leur communauté et ainsi briser leur isolement.