Si le lancement de la campagne de vaccination de masse suscite l’espoir partout au Québec, des organismes et des gériatres préviennent toutefois que l’accompagnement auprès des personnes âgées – surtout les plus isolées – sera « crucial » pour arriver à inoculer les quelque 200 000 Québécois de 85 ans et plus, qui pourront prendre rendez-vous dès jeudi.

« C’est un soulagement, mais la prise de rendez-vous vient avec certains bémols, certaines inquiétudes. En ce moment, le Ministère [de la Santé] dit lui-même que la meilleure façon sera sur le web, mais ce n’est vraiment pas tous les aînés qui ont même accès à internet, ou qui connaissent la plateforme Clic Santé », dit la présidente du Réseau FADOQ, Gisèle Tassé-Goodman.

Elle affirme que nombre de personnes risquent de se rabattre sur le téléphone, pour s’engager de vive voix. « On espère que les lignes ne seront pas engorgées et qu’il n’y aura pas de difficulté à joindre quelqu’un. Il ne faut pas que les aînés fassent les frais de cette situation », prévient la responsable de l’organisme qui, avec plus de 550 000 membres, est le plus important organisme représentant les aînés au pays.

Il faut qu’on puisse compter sur tout le monde ; les proches aidants, la famille ou le voisinage, pour aider nos aînés. C’est la même chose avec les organismes communautaires pour le transport, dans chaque quartier.

Gisèle Tassé-Goodman, présidente du réseau FADOQ

L’organisme promet qu’il diffusera toute l’information pertinente dans les différentes régions du Québec. « C’est très positif, mais on ne parle pas nécessairement de déconfinement, prévient la présidente. Il faut encore faire attention, surtout avec les variants plus contagieux. Éventuellement, on pourra retourner à une vie normale, mais là, on entrouvre la porte. La vaccination est la clé de voûte. »

Le Québec est-il « bien préparé » ?

Le DQuoc Nguyen, gériatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), avoue que l’accessibilité aux vaccins pour toutes les personnes âgées, peu importe leur condition, est une source de préoccupation. « Ceux et celles qui ont un beau réseau de soutien, qui ont l’internet, une famille et toute leur tête, je n’ai aucune inquiétude pour eux. Mais il reste quand même que plusieurs aînés n’entrent pas dans cette définition. Certains sont isolés, ont des troubles cognitifs, ne parlent ni français ni anglais, ou ne suivent pas les nouvelles. Il faudra les rejoindre, ces gens-là », plaide-t-il.

Sur Facebook, la Santé publique de Montréal, elle, invite les citoyens à contacter leurs proches et parents pour « leur offrir [de l’] aide pour prendre un rendez-vous ». « Un accompagnateur peut également se rendre sur place si la personne vaccinée a besoin de soutien », précise-t-on.

Mais Quoc Nguyen reste sceptique. « On entend dire que les CIUSSS vont faire appel aux organismes communautaires, certes, mais ça trahit peut-être le fait qu’on n’est pas super bien préparés. C’est un peu comme si on disait qu’on va attendre de voir les besoins. Or, il faut vraiment donner plus de ressources et épauler les gens, puis ensuite assurer un suivi post-vaccinal », avance l’expert, pour qui trop d’aînés vulnérables et isolés sont « négligés ».

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Dr Quoc Nguyen, gériatre au CHUM

Je reste à être convaincu qu’on va atteindre une bonne couverture vaccinale de sorte à se dire qu’on peut passer à la prochaine étape.

Le Dr Quoc Nguyen, gériatre au CHUM

Médecin à l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal, le DDavid Lussier demeure réaliste. « On commence par les usagers les plus à risque, mais aussi les plus complexes. C’est sûr que dans deux semaines, il y en aura encore qui ne seront pas vaccinés. Cela dit, ceux qui sont très isolés sont quand même moins à risque, en règle générale, donc c’est un moindre mal », illustre-t-il.

Le principal enjeu de la logistique avec la vaccination contre la COVID-19, affirme le médecin, est que les doses ne sont pas transportables sur de longues distances. « On ne peut pas se promener avec le vaccin comme on le fait avec celui pour l’influenza, parce qu’il doit être conservé et congelé. C’est ce qui complique grandement l’opération en ce moment », rappelle-t-il.

« Je sais qu’il y a beaucoup d’efforts qui sont faits en ce moment pour rejoindre tout le monde. Il y a des gens qui vont avoir besoin d’aide, qui auront besoin qu’on aille les chercher, qu’on prenne le rendez-vous pour eux. On ne peut qu’espérer que ça se passe bien sur le terrain », conclut M. Lussier.