(Ottawa) La fin de séjour s’est avérée beaucoup plus compliquée que prévu pour certains des premiers voyageurs internationaux de retour au pays, qui craignaient ce qui les attendait sans réservation pour une chambre d’hôtel — un scénario pour lequel plusieurs questions demeuraient en suspens.

« J’étais paniquée même, comme mon séjour tirait à sa fin, a lancé Loveline Akonbeng. Trois jours à pouvoir avoir quelqu’un au bout du fil. Trois heures d’attente et puis des fois la ligne coupe. C’est la troisième journée que (ma sœur) a pu avoir quelqu’un. »

Partie du Cameroun, elle faisait partie de la vingtaine de voyageurs du vol en provenance de Bruxelles qui s’est posé à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau, lundi avant-midi. Les membres du personnel à bord de ce vol étaient bien plus nombreux que les voyageurs qui rentraient au pays.

Ceux interrogés ont tous pointé du doigt les cafouillages du système de réservation téléphonique sélectionné par le gouvernement Trudeau.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

On demande à un voyageur d’enfiler des gants avant de monter à bord de la navette qui le mènera à son hôtel.

Dorénavant, chaque voyageur qui arrive par la voie des airs au pays doit s’isoler à l’hôtel après avoir subi un test de dépistage de la COVID-19. Le séjour peut être plus court que trois jours si le résultat est négatif. Par la suite, l’isolement doit se poursuivre pour compléter la période de 14 jours, mais à domicile.

Cependant, depuis vendredi, American Express Global Business Travel, qui gère le système, peine à répondre à la demande, ce qui contraint les voyageurs à patienter, dans certains cas, plusieurs heures au bout du fil. L’entreprise se limitait à répéter, lundi, qu’elle faisait des efforts, avec l’Agence de la santé publique du Canada, pour réduire les temps d’attente.

« Il y a un moment où l’on croyait ne pas trouver la chambre, a raconté Divine Tytiare, qui rentrait du Rwanda. L’attente était très longue, cela prenait trois heures et plus. »

Si les voyageurs interrogés avaient de bons mots pour le personnel chargé d’effectuer les tests de dépistage à l’aéroport, le ton changeait en abordant les ratés du système de réservation téléphonique.

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Parmi la vingtaine de voyageurs arrivés à Montréal via Bruxelles lundi, ceux interrogés par les journalistes ont relaté leurs difficultés à obtenir la réservation d’hôtel obligatoire.

Guy Tiegoum, qui rentrait également du Cameroun, n’a pas remis les règles de quarantaine en question, mais plutôt le soutien offert aux voyageurs.

« Ça ne faisait que sonner au téléphone, a-t-il déploré. Cela a été très compliqué pour réserver la chambre. S’ils pouvaient mettre plus d’agents pour répondre, cela pourrait être une bonne chose. »

Toujours des questions

Alors que certains voyageurs éprouvaient toujours des difficultés à préparer leur retour au pays, lundi, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) se limitait à dire que ceux qui se présentent à l’aéroport sans preuve de réservation seraient « dirigés vers un fonctionnaire pour assurer un suivi ».

En réponse à des questions envoyées par La Presse Canadienne à savoir si cela pouvait mener à l’imposition d’une pénalité ou si le fonctionnaire, à l’aéroport d’arrivée, se chargeait de la réservation, un porte-parole de l’agence fédérale a avoué son incapacité à offrir une réponse rapide à cause d’« un plus grand nombre de demandes aujourd’hui ».

« Nous examinerons ces nouvelles questions et espérons y répondre dès que possible aujourd’hui ou demain (mardi) », a écrit André Gagnon, dans un courriel.

Hôtels en attente de réservations

Ottawa a maintenant identifié 18 hôtels situés à proximité des aéroports autorisés à recevoir les voyageurs internationaux — Montréal, Toronto, Calgary ou Vancouver — où ils peuvent effectuer leur quarantaine. Cinq se trouvent dans la métropole.

Au Crowne Plaza Montreal Airport, les premiers clients étaient attendus dans les prochains jours, a indiqué le personnel de l’établissement. Des réservations ont déjà été effectuées et beaucoup de questions sont reçues à propos des règles, a-t-on expliqué.

Reproches de l’opposition

À Ottawa, l’opposition estime que le gouvernement Trudeau est responsable du cafouillage des derniers jours ; le système de réservation a été mis en place trop tardivement, de l’avis des bloquistes, des néo-démocrates et des conservateurs.

« Ce n’est pas parce que c’est fait tout croche ou trop tard que ce n’est pas une bonne idée, a déclaré le chef bloquiste Yves-François Blanchet en point de presse. Ça aurait dû être appliqué plus tôt, ça aurait dû être appliqué mieux. »

Aux Communes, la ministre fédérale de la Santé avait peu à dire en réponse aux attaques. « À chaque étape, nous avons protégé les Canadiens contre l’importation de la COVID-19 via nos frontières. […] Je veux […] rappeler aux Canadiens que ce n’est pas un bon temps pour faire des voyages internationaux », s’est contentée d’offrir la ministre Patty Hajdu.

Son collègue Pablo Rodriguez s’est montré plus combatif face au conservateur Pierre Paul-Hus qui a décrit la situation comme un « bordel ».

« On fait ce qu’il faut pour protéger la santé des gens et je demanderai aux conservateurs d’arrêter d’essayer de faire peur à l’ensemble des Québécois et l’ensemble des Canadiens. On fait notre job », a lancé le leader parlementaire du gouvernement.

Nouvelles règles aussi à la frontière terrestre

Dans les 117 postes frontaliers terrestres du Canada, on fait passer dorénavant des tests de dépistage à tous les Canadiens qui rentrent au pays et qui n’ont pas de statut de travailleurs essentiels.

Selon le directeur du district de la Montérégie à l’Agence des services frontaliers du Canada, Erik Paradis, cela concerne environ 7 % des personnes qui franchissent la frontière depuis le début de la pandémie.

Au poste frontalier de Lacolle, les Forces armées canadiennes ont érigé des tentes et déployé de l’équipement pour venir en soutien au personnel de la Croix-Rouge et de la santé publique.

Une fois qu’un véhicule franchit la frontière avec l’approbation des douaniers, il est dirigé vers une tente où attend le personnel de la Croix-Rouge.

Les passagers du véhicule subissent alors un test de dépistage et repartent avec une trousse contenant du matériel d’information et un second test que chaque personne doit utiliser dix jours après s’être isolée à la maison.

Lundi, on comptait très peu de passages à la frontière de Lacolle.

« Aujourd’hui est une journée relativement tranquille », a confirmé M. Paradis.