(Ottawa) Deux développeurs de vaccins au Canada affirment que le manque de financement fédéral au début de la pandémie a empêché la production intérieure de se mettre en branle aussi rapidement que celle de versions internationales.

Près de 1,1 million de Canadiens ont maintenant reçu une seule dose des vaccins Pfizer-BioNTech ou Moderna.

Les livraisons de Pfizer-BioNTech dépassant maintenant 400 000 doses par semaine, les provinces et territoires canadiens ont vacciné plus de 170 000 personnes depuis vendredi. Samedi, le Canada a connu sa meilleure journée depuis le début de la campagne de vaccination, avec 49 707 personnes vaccinées.

Mais en comparaison, le Royaume-Uni fait vacciner plus de 400 000 personnes par jour et la semaine dernière, les États-Unis ont administré en moyenne plus de 1,7 million d’injections par jour. L’Allemagne a vacciné environ 140 000 personnes dimanche.

Ces trois pays ont investi massivement dans le développement de vaccins nationaux. Leur capacité à fabriquer les doses à domicile les a aidés à obtenir des vaccins beaucoup plus rapidement.

John Lewis, chef de la direction d’Entos Pharmaceuticals en Alberta, dit que les investissements du Canada ont été beaucoup plus timides.

« Je pense qu’il est extrêmement clair que si vous regardez le succès dans le monde entier, le financement décisif et immédiat de plusieurs candidats-vaccins jusqu’à la fin a été la clé de leur succès et de leur rapidité », a-t-il déclaré lundi devant le Comité permanent de la santé de la Chambre.

Selon M. Lewis, le Canada « a adopté une approche décisionnelle prudente, sans risque et fondée sur des comités, qui a conduit à un financement relativement modeste, dispersé pour que des entreprises canadiennes développent un vaccin national ».

Le Canada achète au moins 238 millions de doses de sept vaccins différents, mais un seul provient d’une entreprise canadienne — Medicago — et, du moins au début, aucun ne sera produit au Canada. La pharmaceutique québécoise Medicago est la seule à avoir reçu un soutien canadien direct pour les essais cliniques.

Plusieurs candidats canadiens en lice

Le docteur Alan Bernstein, membre du groupe de travail fédéral sur le vaccin contre la COVID-19 et président de l’Institut canadien de recherche avancée, a dit au comité que le groupe de travail avait été mandaté pour trouver les meilleurs candidats-vaccins disponibles, ainsi que certains Canadiens, à soutenir.

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Alan Bernstein

Le docteur Bernstein a déclaré que le groupe de travail avait examiné 24 propositions de vaccins canadiens, mais que seulement trois avaient déjà fait suffisamment de progrès pour justifier des investissements importants.

Medicago a reçu 173 millions du Fonds stratégique pour l’innovation du Canada en octobre, Precision Nanosystems, 18 millions et Variation Biotechnologies, 56 millions en août. Seul Medicago a un vaccin en cours d’essais cliniques.

Le docteur Bernstein a expliqué que la plupart des autres propositions étaient tout simplement trop tôt dans le processus, bien que six autres aient été recommandées pour obtenir de l’argent du Conseil national de recherches du Canada (CNRC).

Ces six, dont celle d’Entos, ont reçu jusqu’à 5 millions chacune du CNRC en octobre.

Le vaccin d’Entos cherchait une aide pour aller de l’avant dès le mois de mars et est sur le point de commencer les essais de phase 1 maintenant, presque un an plus tard.

« Je pense que si avions reçu un financement initial au début […] nous serions bien en selle dans la phase 3 vers l’homologation maintenant », a-t-il soutenu.

Un projet qui stagne, faute de financement

Le docteur Gary Kobinger, microbiologiste à l’Université Laval qui faisait partie d’équipes canadiennes qui ont aidé à développer des vaccins contre l’Ebola et le Zika, affirme que son organisation à but non lucratif avait un vaccin avec d’excellents premiers résultats de laboratoire en février dernier, mais que le projet a stagné parce que « nous ne pouvions pas trouver du financement ».

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Gary Kobinger

Il a indiqué que lors de sa première demande de financement, on lui avait dit que le vaccin ne disposait pas de suffisamment de données préliminaires pour continuer. Le docteur Kobinger a ajouté qu’ils étaient revenus peu de temps après avec des données préliminaires qui rivalisaient avec celles de l’un des deux vaccins à ARNm actuellement utilisés au Canada.

« On nous a dit que nous étions trop tard parce que les vaccins à ARNm fonctionnent et qu’aucun autre vaccin n’est nécessaire », a-t-il témoigné.

Selon M. Lewis, il faudrait au minimum entre 350 et 600 millions pour obtenir un seul vaccin à travers plusieurs phases d’essais cliniques, jusqu’au stade de l’approbation.

Le Canada a réservé 600 millions sur deux ans pour le développement du vaccin contre la COVID-19 en avril dernier. Une partie de cet investissement est le financement qui est allé à Medicago, VBI et Precision.

Ailleurs dans le monde

Aux États-Unis, l’opération Warp Speed a débloqué 10 milliards US en mai pour le développement des vaccins, en plus des centaines de millions déjà investis dans des entreprises comme Johnson and Johnson et Moderna. Le budget est passé depuis à 18 milliards US.

Le Royaume-Uni a créé un groupe de travail sur les vaccins en mai qui a investi plus de 500 millions CAN dans la recherche sur les vaccins, puis a investi plus de 116 millions CAN pour faire avancer le vaccin d’AstraZeneca. Le Royaume-Uni a également déplacé des montagnes pour que la fabrication soit effectuée en sol britannique.

L’Allemagne a investi 445 millions US dans BioNTech, une société allemande qui s’est associée à Pfizer pour rendre le vaccin ARNm de BioNTech commercialement viable. L’Allemagne a investi près de 300 millions US dans une autre société allemande, CureVac, dont le vaccin est maintenant dans ses essais de phase 3.