(Vancouver) Des scientifiques craignent que les protocoles de santé publique nécessaires à la lutte contre la COVID-19 aient des conséquences imprévues.

Bien qu’il soit important de suivre les instructions de santé publique pour réduire la propagation de la COVID-19, ces experts disent que toutes les lingettes antibactériennes et la distanciation physique pourraient avoir des impacts à long terme sur nos microbiomes.

Quand nous nous embrassons, nous nous salissons les mains ou nous voyageons dans un autre pays, nous acquérons de nouveaux microbes, rappelle Brett Finlay, un microbiologiste de l’Université de la Colombie-Britannique. Si certains microbes peuvent nous rendre malades, d’autres sont bons pour nous. Un microbiome diversifié et riche est essentiel à notre santé, souligne-t-il.

Selon le Pr Finlay, la découverte de la pasteurisation à la fin du XIXe siècle a convaincu la société à se débarrasser des microbes. Si les maladies infectieuses ont diminué en conséquence, la perte de diversité microbienne est aussi liée à des problèmes comme l’asthme, l’obésité, le diabète et les maladies cérébrales et cardiovasculaires.

Au cours des 10 dernières années, plusieurs experts ont tenté de persuader la population d’avoir un peu moins peur des germes.

« Et puis la COVID-19 a frappé et mis des bâtons dans les roues dans tout. »

Le Pr Finlay a récemment coécrit un article dans la revue scientifique PNAS demandant une étude plus approfondie sur la façon dont cette période prolongée de confinement a changé nos microbiomes et pourrait affecter la santé humaine à long terme.

Cet article est le résultat de discussions menées au sein de l’Institut canadien de recherches avancées. Selon lui, il pourrait y avoir des répercussions sur l’immunité mondiale, les allergies et les taux de maladies comme l’asthme et le diabète.

Il énumère certaines choses que les gens peuvent faire pour garder un microbiome sain tout en suivant les règles contre la COVID-19 : passer du temps à l’extérieur, jardiner, faire de l’exercice, avoir une alimentation riche en fibres, éviter les antibiotiques inutiles et avoir des contacts physiques avec les membres de votre foyer et des animaux de compagnie.

Kathy McCoy, la directrice scientifique du Centre international du microbiome de l’Université de Calgary, dit s’attendre à ce que l’intense attention portée sur l’hygiène pendant la pandémie ait un effet « alarmant » sur les microbiomes des gens.

Selon elle, les microbiomes de la plupart des adultes en bonne santé sans condition sous-jacente devraient « se revigorer » après la pandémie, à condition de ne pas prendre de poids pendant cette période.

La Pre McCoy souligne que les inégalités sociales pourront jouer un rôle majeur. Ainsi les personnes qui peuvent travailler à domicile peuvent cuisiner plus et manger plus sainement que d’habitude, tandis que celles qui ont perdu leur emploi devront peut-être compter sur des banques alimentaires ou des aliments bon marché.

Les bébés

Les deux experts disent que les bébés nés pendant la pandémie pourraient en subir les effets pendant toute leur vie.

La Pre McCoy dit que le début de la vie était une période importante pour le développement du système immunitaire par exposition aux microbes. Les nouveau-nés nés par césarienne sont déjà exposés à moins de bactéries importantes au début de leur vie.

Pendant la pandémie, les parents peuvent devenir encore plus vigilants pour laver les bébés et nettoyer la maison, ajoute-t-elle. Les bébés ont beaucoup moins d’interactions avec les membres adultes de leur famille élargie ou d’autres nourrissons qui pourraient transmettre des microbes.

Les parents peuvent prendre certaines mesures pour améliorer la santé microbienne de leur bébé pendant la COVID-19 en le faisant jouer à l’extérieur et en adoptant un animal de compagnie.

La Pre McCoy estime qu’il faudra établir un équilibre entre éviter l’infection et construire un microbiome sain et diversifié.

« Nous ne connaissons pas encore cet équilibre, mais nous devons essayer de continuer à comprendre cette relation, soutient-elle. Si nous essayons d’apprendre de cette pandémie, nous serons mieux préparés pour la prochaine. »