(Ottawa) Les « turbulences » de février sont chose du passé, l’usine de Pfizer à Puurs, en Belgique, ayant augmenté sa capacité de production. Le Canada demeurera toutefois à la merci de cette usine, car « à court terme », la société n’« anticipe pas » de fabriquer des vaccins au pays. Entretien avec Fabien Paquette, directeur général et responsable des vaccins chez Pfizer Canada.

Le moment n’était pas idéal. Une mise à niveau des installations en pleine pandémie de COVID-19, alors que tous les pays du monde avaient soif de vaccins ? « C’est sûr qu’il n’y a jamais de bon moment », laisse-t-il tomber. En revanche, ce faisant, on est désormais en mesure de fabriquer à Puurs 2 milliards de doses plutôt que 1,3 milliard pour 2021.

Mais oui, « au Canada, ce que ça a voulu dire, c’est un ralentissement de deux ou trois semaines pendant le mois de février », dit M. Paquette. « Ce n’est pas juste le Canada qui a été affecté par le ralentissement, tous les pays du monde l’ont été » ; les impacts ont été « assez similaires », mais variables en fonction du calendrier, et maintenant, « les perturbations sont derrière nous », assure-t-il.

Devant nous, pas de perspective de fabrication au pays, toutefois. « À court terme, on n’anticipe pas que ça puisse arriver, lance le dirigeant. Bâtir une usine de production, ça prend des années. » En revanche, il s’est amorcé un dialogue entre la société et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie, François-Philippe Champagne. « On a des pourparlers », lance M. Paquette sans fournir plus de détails.

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Des vaccins de Pfizer préparés à Puurs, en Belgique

Pas de levée de brevets

En Europe, la pharmaceutique a conclu des partenariats avec Sanofi et Novartis pour qu’elles l’aident à fabriquer le vaccin dans l’étape finale. « On leur envoie le produit et elles le mettent dans les fioles et l’encapsulent », explique Fabien Paquette. Mais de là à donner la « recette » à d’autres et à renoncer à la propriété intellectuelle, il y a un pas que l’entreprise n’est pas prête à franchir, n’en déplaise aux ONG qui le réclament.

Ce qu’il faut réaliser, c’est que la protection intellectuelle, les brevets, c’est un gage d’innovation. Il faut être en mesure de protéger ça.

Fabien Paquette, directeur général et responsable des vaccins chez Pfizer Canada

« Pfizer et BioNTech ont investi des milliards de dollars pour développer le vaccin contre la COVID-19, et s’il a été possible de faire ces investissements, c’est grâce à l’innovation de produits antérieurs. Et les revenus qu’on va générer avec ce vaccin nous permettront de découvrir le prochain vaccin contre le cancer ou d’autres maladies », enchaîne-t-il.

Plus vite, plus cher ?

Dans l’intervalle, la cadence des livraisons de Pfizer-BioNTech au Canada s’accélère. D’ici la fin du mois de juin, on recevra 10,8 millions de doses plutôt que 8 millions. D’ici la fin de septembre, ce sont 40 millions de doses qui arriveront. Ottawa a-t-il payé plus cher pour les obtenir plus vite ? Les contrats sont confidentiels, répond M. Paquette. Le gouvernement paie « le juste prix », se borne-t-il à déclarer.

Pas question non plus de dire si les doses livrées en décembre dernier l’avaient été plus rapidement que prévu. Selon une analyse préliminaire de Statistique Canada, le fédéral a dépensé 16 millions pour mettre la main sur les vaccins de Pfizer et de Moderna, au prix moyen de 37,70 $ la dose. Les chiffres qui circulent ailleurs tendent cependant à démontrer que celles de Moderna sont plus onéreuses.

Les études in vitro réalisées au cours des dernières semaines ont démontré qu’il y avait une bonne protection contre les variants sud-africain et britannique. Les données sur l’efficacité concernant le variant brésilien devraient être communiquées bientôt. « C’est l’avantage des vaccins à ARN messager pour les variants : on peut faire une modification génétique rapidement », dit Fabien Paquette.

Mardi, la dirigeante de l’Agence de la santé publique du Canada, la Dre Theresa Tam, a exprimé de vives inquiétudes au sujet des variants. On a recensé au pays plus de 540 cas de contamination au variant britannique (B117), 33 au variant sud-africain (B1351) et un au variant brésilien (P1). Le plus préoccupant est qu’une propagation communautaire a été observée dans au moins quatre provinces, de même qu’une augmentation des éclosions, a-t-elle noté.