Les chercheurs consultés par La Presse sont satisfaits des nouvelles mesures de criblage, mais déplorent qu’elles n’aient pas été mises en place plus tôt.

« C’est très bien d’avoir confirmé le criblage de tous les échantillons de la grande région de Montréal, parce que c’est là qu’on a le plus de transmission communautaire et de cas, mais j’aurais préféré que ces mesures soient mises en place plus tôt », indique Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Le criblage est plus que jamais nécessaire pour connaître la distribution des variants à l’échelle du Québec, affirme Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). Il explique que certains variants sont hautement transmissibles et que certains sont moins efficacement neutralisés par les vaccins actuels.

Pour Benoît Mâsse, professeur de santé publique à l’Université de Montréal, le Québec doit accélérer le processus de criblage. « C’est comme si on avait deux semaines de retard. Ça fait longtemps qu’on sait que l’Ontario le fait. »

Des méthodes complémentaires

Le séquençage est la méthode la plus efficace pour identifier les variants préoccupants, puisqu’elle permet d’analyser la génétique complète d’un virus, explique M. Barbeau. C’est toutefois un procédé long et coûteux qui ne peut s’effectuer que sur une fraction des cas positifs.

En plus d’effectuer le séquençage, le Québec utilisera donc le test PCR de criblage qui permet de déterminer si les cas positifs sont dus à l’un des trois variants préoccupants. Le matériel génétique des trois variants du coronavirus, sud-africain, brésilien et britannique, présente la même modification. Le test PCR amplifie donc uniquement les mutations des trois variants préoccupants, explique M. Mâsse.

Si le test au criblage est positif, les autorités sanitaires pourront effectuer un séquençage complet pour déterminer précisément de quel variant il s’agit. M. Mâsse précise toutefois que le criblage ne permet pas d’identifier de nouveaux variants. « Il faut absolument faire du séquençage pour voir l’évolution du virus, ses mutations et les nouveaux variants. »

Les variants circulent

Selon les experts, les variants préoccupants circulent déjà dans la province. « On sous-estime le nombre de cas de variants qu’on a au Québec actuellement », affirme Mme Borgès Da Silva.

Les États-Unis ont annoncé que le variant britannique serait la souche dominante dans quelques semaines. On risque d’avoir la même chose au Québec. C’est inquiétant pour nos hospitalisations, les décès et tout le reste.

Roxane Borgès Da Silva, professeure à l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Jusqu’à présent, 11 cas de variants ont été détectés au Québec et plusieurs dizaines d’autres demeurent sous investigation. Selon M. Mâsse, il est évident que les variants sont déjà en circulation au Québec et que le phénomène va prendre de l’ampleur, comme on l’a constaté dans plusieurs autres pays au cours des dernières semaines. « Le simple fait de les avoir détectés au Québec laisse présager que d’autres cas seront confirmés prochainement », renchérit M. Barbeau.

En Abitibi-Témiscamingue, deux cas du variant sud-africain ont été confirmés mardi. « Le variant sud-africain ne s’est pas pointé en Abitibi comme ça. Ce ne sont pas des oiseaux migrateurs qui l’ont transporté, donc il est forcement arrivé par avion à Montréal ou à Toronto ou par voie terrestre des États-Unis », illustre Mme Borgès Da Silva, qui est convaincue que si les variants sont détectés en région, cela signifie qu’ils circulent déjà à Montréal et dans les autres grandes villes.

M. Barbeau croit que le gouvernement devrait reconsidérer les derniers allégements des mesures sanitaires. « Avec le problème actuel d’approvisionnement des vaccins, la situation demeure précaire et est inquiétante. Ces variants pourraient représenter un réel défi s’ils deviennent prédominants au Québec », soutient-il.