L’obligation de porter des masques N95 ou de protection supérieure pour les travailleurs de la santé en zone chaude est une bonne nouvelle qui arrive tard, selon les principaux intéressés.

« Ça fera bientôt un an que la pandémie est en cours. Il est plus que temps que la CNESST intervienne pour s’assurer que le personnel de la santé soit bien protégé », a réagi le président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN), Jeff Begley.

Mardi, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a annoncé que le port d’« appareil de protection respiratoire (APR) de type N95 ou de protection supérieure » serait obligatoire dès le 11 février en zone chaude. Soit des milieux ayant deux cas ou plus.

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) estime que l’annonce arrive « malheureusement trop tard », alors que « plus de 30 000 employés du réseau de la santé ont déjà été infectés par la COVID-19 ».

« On aurait aimé que le gouvernement mette ses culottes plus vite », affirme Dereck Cyr, vice-président du Syndicat des infirmières, inhalothérapeutes et infirmières auxiliaires de Laval (CSQ). Ce dernier s’explique mal la lenteur dans ce dossier. D’autant plus que les stocks de masques N95 et autres sont aujourd’hui suffisants.

Claire Montour, présidente de la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ), croit elle aussi que « le principe de précaution aurait dû être appliqué ».

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

« On est le 9 février, et c’est finalement parce que la CNESST lui tord le bras que la CAQ va protéger adéquatement nos travailleuses de la santé. Onze mois après le début de la pandémie », a lancé le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, en mêlée de presse.

Le Parti québécois et le Parti libéral ont fait valoir qu’il s’agit là d’un « autre élément » motivant la tenue d’une enquête indépendante sur la gestion de la pandémie par le gouvernement, ce à quoi le premier ministre a fermé à nouveau la porte, mardi.

Longue saga

La décision de la CNESST met fin à un long feuilleton. À l’été 2020, le directeur national de santé publique du Québec, le DHoracio Arruda, avait rendu une ordonnance restreignant le port du masque N95 aux seules interventions générant des aérosols, comme les intubations.

Une décision contestée par les syndicats et par certains scientifiques, dont Maximilien Debia, professeur à l’École de santé publique de l’Université de Montréal en hygiène du travail. Pour lui, « il y a toute une science » qui entoure les mesures de protection respiratoire en milieu de travail. « La science a été un peu ignorée jusqu’à maintenant », dit-il.

Début janvier, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) reconnaissait que les aérosols jouent un rôle, mais limité, dans la transmission de la COVID-19. Le 27 janvier, le Comité sur les infections nosocomiales du Québec (CINQ) de l’INSPQ recommandait le port de masques N95, mais uniquement dans les milieux aux prises avec des éclosions non contrôlées.

La décision de la CNESST de mardi découle d’une entente conclue avec la Santé publique pour établir une « définition simple », a expliqué mardi le ministre de la Santé, Christian Dubé, qui a fait valoir que les conclusions de l’INSPQ étaient difficilement applicables sur le terrain. « Essayez de définir qu’est-ce qu’une éclosion non contrôlée », a-t-il illustré.

Il assure que le Québec a des réserves suffisantes de N95 pour répondre à la demande et explique que le Ministère en est « à finaliser » la rédaction de la directive révisée sur le port d’appareil de protection respiratoire. « C’est une question d’une journée ou deux », a-t-il précisé.

Une commotion

L’exigence de porter les N95 s’applique « notamment aux hôpitaux, aux cliniques médicales, aux groupes de médecine familiale, aux cliniques externes, aux milieux de réadaptation et aux milieux de soins de longue durée (CHSLD, RPA et autres ressources d’hébergement de ce type) », écrit la CNESST. Le ministère de la Santé, qui fournira les masques, indique que ses directives s’appliqueront lorsque certaines des conditions suivantes seront réunies : « regroupement de personnes infectées, densité, espace restreint, temps d’exposition du travailleur ».

La Dre Sophie Zhang, coprésidente de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD (CPMC), reconnaît que la décision de la CNESST est un « changement majeur » et que « l’échéance est très courte ».

La Dre Zhang explique que tous les travailleurs en zone chaude devront subir des tests d’étanchéité pour les masques N95 ou pour un produit équivalent ou supérieur, et suivre des formations sur la façon de les mettre. Par ailleurs, les approvisionnements devront être revus. « Ça ne se fait pas en 48 heures », dit-elle.

Dans l’avis de la CNESST, on indique qu’« exceptionnellement, l’employeur qui démontre des difficultés d’approvisionnement qui l’empêchent de fournir des APR à ses travailleurs peut fournir temporairement, dans l’attente des APR requis, des masques médicaux (niveau 2) à ses travailleurs ». Le porte-parole de la CNESST, Nicolas Bégin, souligne que des « mesures de mitigation » sont prévues, tout en ajoutant que la pénurie de masques N95 est maintenant résorbée.

Au cabinet du ministre Dubé, on mentionne que des réserves de masques N95 sont déjà déployées dans les régions et qu’il sera possible de rendre le matériel disponible aux travailleurs dans les zones chaudes à compter du 11 février.