Des spécialistes pressent le gouvernement canadien de resserrer le contrôle des entrées au pays afin de réduire le risque d’introduction de variants plus contagieux du SARS-CoV-2, qui, selon une nouvelle modélisation, pourraient entraîner une explosion incontrôlable des cas de COVID-19 dès le mois de mars.

Au cours de la dernière semaine, 5965 cas par jour en moyenne ont été recensés au pays. Toutefois, selon les modélisations faites par des experts de l’Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, le Canada pourrait atteindre 15 000 cas par jour à la mi-mars et 20 000 cas quelques jours plus tard si un variant au taux de transmission 40 % plus élevé s’établit au Canada.

GRAPHIQUE TIRÉ DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ SIMON FRASER

« J’espère qu’on ne se rendra jamais là », indique Daniel Coombs, mathématicien et modélisateur de maladies à l’Université de la Colombie-Britannique, en entrevue avec La Presse. « L’arrivée des nouveaux variants est l’évolution la plus inquiétante de l’épidémie canadienne depuis l’été », ajoute-t-il.

L’inquiétude était déjà palpable dès la première identification [du variant anglais]. Les graphiques ne font qu’illustrer ce fait plus visuellement et plus clairement.

Benoît Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM et expert en virologie

Une étude prépubliée sur la plateforme medRxiv le 4 janvier dernier par des chercheurs de l’Imperial College London, en Angleterre, a démontré que le variant britannique est de 40 à 80 % plus transmissible.

« Une telle augmentation du taux de transmission est pire qu’un taux de gravité ou de mortalité plus élevé, car beaucoup plus de personnes peuvent être infectées », ont indiqué dans un communiqué Elisha Are et Caroline Colijn, deux spécialistes de l’Université Simon Fraser qui ont contribué aux modélisations. « L’incapacité de prévenir ou de contenir [un variant] signifie un désastre en mars », ont-elles ajouté.

Resserrer les mesures

À l’heure actuelle, le Canada a identifié plusieurs dizaines de cas du variant britannique, dont au moins cinq au Québec. « Seulement quelques cas de ces variants sont préoccupants, indique Daniel Coombs. Par contre, ce n’est pas le temps de paniquer, c’est le temps de mettre en place des mesures efficaces », affirme-t-il.

Selon le spécialiste, les mesures mises en place au Canada en ce moment sont à peine suffisantes pour contrôler la pandémie actuelle.

Avec l’arrivée du nouveau variant plus transmissible, inévitablement, on va voir une augmentation des cas.

Daniel Coombs, mathématicien et modélisateur de maladies à l’Université de la Colombie-Britannique

Il indique qu’il est plus important que jamais de restreindre les voyages et de mieux encadrer les quarantaines. Il recommande aussi fortement d’éviter les déplacements entre les provinces et entre les différentes régions.

M. Barbeau est du même avis. « Il faut éviter de permettre la rentrée d’une multitude de nouveaux variants provenant des autres pays », dit-il. Il rappelle qu’il faut tout de même être conscient que de tels variants pourraient se développer par eux-mêmes au Canada. « Il faut donc continuer à suivre les mesures qui nous sont imposées afin de limiter maximalement le nombre de nouveau cas d’infection », indique-t-il.

Gagner du temps

Selon M. Barbeau, la distribution rapide et optimale des vaccins demeure l’approche qui pourrait être la plus efficace pour contrôler la propagation du virus. « En augmentant la rapidité à laquelle les vaccins seront administrés au Canada, l’apparition de variants pouvant être résistants aux formulations vaccinales actuelles sera aussi mieux contrôlée », précise-t-il.

Le professeur Coombs espère que les règles seront resserrées dans les semaines à venir. « On doit gagner du temps. Il faut repousser cette augmentation de cas le plus loin possible pour avoir le temps de vacciner la population. Nous sommes dans une course entre les nouveaux variants et la vaccination des personnes vulnérables », illustre M. Coombs.

Des mesures à venir

Afin de lutter contre la pandémie de COVID-19, le gouvernement fédéral n’exclut pas d’avoir recours à la Loi sur les mesures d’urgence pour limiter les déplacements, a indiqué le ministre des Affaires étrangères, Marc Garneau, en entrevue à la télévision de CBC.

La Loi sur les mesures d’urgence permettrait à Ottawa de réglementer ou d’interdire les déplacements, lorsque cela est nécessaire pour la protection de la santé ou de la sécurité des Canadiens.