(Ottawa) Alors que le Canada est aux prises avec un sérieux ralentissement de la livraison du vaccin Pfizer-BioNTech, d’aucuns se demandent pourquoi le vaccin AstraZeneca, qui a été approuvé dans plusieurs pays, n’a pas encore obtenu le feu vert de Santé Canada.

Le gouvernement fédéral ne veut pas s’avancer sur un échéancier d’approbation. En revanche, on signale que des représentants des autorités sanitaires canadiennes prendront part à une réunion au sommet avec leurs homologues de l’Union européenne (UE) vendredi prochain.

« Des experts de Santé Canada participeront à la rencontre de l’Agence européenne des médicaments (AEM) » pour « discuter de l’approbation du vaccin AstraZeneca contre la COVID-19 », a indiqué Éric Morissette, porte-parole du Ministère, mercredi.

Un examen accéléré du vaccin britannique est en branle depuis le 1er octobre 2020, mais pour l’heure, « des données additionnelles en appui à la qualité, la sécurité et l’efficacité sont requises avant qu’une décision puisse être prise », a-t-il ajouté.

Par conséquent, Santé Canada « ne peut fournir de calendrier précis pour l’achèvement de l’examen », a conclu le porte-parole dans cette déclaration transmise à La Presse, où on note qu’en plus du vaccin d’AstraZeneca, celui de Janssen (Johnson & Johnson) est à l’étude.

Même si on l’approuvait ce jeudi matin, il n’est pas prévu que le vaccin arrive au Canada avant le mois d’avril 2021, fait remarquer en entrevue la Dre Caroline Quach, présidente du Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI).

Bref, « ça ne nous sauverait pas les fesses pour la pénurie de Pfizer », résume-t-elle.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le gouvernement Trudeau a annoncé mardi qu’on ne recevrait aucune dose de ce vaccin au Canada pendant la semaine du 25 janvier. Les prochaines livraisons de l’autre vaccin autorisé au pays, Moderna, sont attendues dans la semaine du 1er février.

Une décision complexe

S’il est vrai que des pays comme la Grande-Bretagne, l’Inde, l’Argentine, le Mexique ou encore le Maroc ont donné leur feu vert à l’utilisation du vaccin, il est aussi vrai que les États-Unis et l’UE n’ont pas encore donné leur sceau d’approbation.

Il faut quand même réaliser que ce vaccin a une efficacité moins bonne que les vaccins [Pfizer et Moderna] ; on parle d’une efficacité globale autour de 70 %, alors qu’on parle de 95 % après deux doses de Pfizer et Moderna.

La Dre Caroline Quach, présidente du Comité consultatif national de l’immunisation

Il s’agit là d’une variable non négligeable pour le CCNI, insiste sa présidente : « Est-ce que vacciner plus de monde avec un vaccin un peu moins bon, mais qui donne quand même une protection partielle, ça va ralentir la propagation ? C’est possible aussi. »

À cela s’ajoute le fait que les données d’AstraZeneca sont compliquées à interpréter, et que le partenaire industriel de l’Université Oxford avait dû interrompre un moment ses essais cliniques.

Mais la Dre Quach affirme qu’il « n’y a pas de retard » dans le processus d’approbation et que la décision devrait tomber « d’ici la fin janvier » – le temps d’éplucher les quelque 1700 pages soumises par le fabricant.

Le vaccin d’AstraZeneca est plus facile à entreposer et moins onéreux que ceux de Pfizer-BioNTech et de Moderna.

Le gouvernement canadien a conclu une entente qui lui permettrait de mettre la main sur 20 millions de doses. Et du côté du fournisseur, on se dit prêt à lancer la machine dès l’autorisation venue.

« À l’échelle mondiale, nous continuons de faire des progrès rapides sur le plan de la fabrication, et nous avons la capacité de produire jusqu’à trois milliards de doses du vaccin en 2021 », a déclaré Carlo Mastrangelo, porte-parole de l’entreprise.

« Nous continuerons de fournir à Santé Canada des données au fur et à mesure qu’elles seront disponibles […] et nous accueillons leur approche rigoureuse de vérification des données », a-t-il enchaîné.

O’Toole fustige Trudeau

Au lendemain de l’annonce de l’interruption temporaire d’envoi des vaccins, le chef de l’opposition officielle, Erin O’Toole, a exhorté le premier ministre du Canada à décrocher le téléphone pour demander des comptes à Pfizer.

« Justin Trudeau n’a même pas téléphoné au PDG de la société de fabrication du vaccin. Dire que c’est un échec de leadership est un euphémisme » alors que « les dirigeants de pays alliés ont eu plus d’une dizaine d’appels avec ce partenaire », a-t-il dénoncé.

En entrevue sur les ondes de CBC, mardi, la ministre de l’Approvisionnement, Anita Anand, n’a pas voulu dire si son patron s’était entretenu avec celui de la pharmaceutique. Elle-même a assuré être en contact avec la société tous les jours ou presque.