Malgré la mort d’un sans-abri dans une toilette chimique du centre-ville de Montréal, le premier ministre François Legault n’a toujours pas l’intention d’exempter les itinérants de l’application du couvre-feu, comme l’ont demandé la mairesse de Montréal, Valérie Plante, ainsi que les partis de l’opposition à l’Assemblée nationale.

M. Legault affirme que s’il le faisait, il y aurait des risques que n’importe qui utilise ce prétexte pour se promener après 20 h. Il a plutôt dit, au cours de sa conférence de presse de mardi, « faire confiance aux policiers » qui, selon lui, ne font pas exprès pour distribuer des amendes aux sans-abri.

« Les policiers font du bon travail auprès des itinérants, laissons-les continuer à travailler », a dit le premier ministre.

M. Legault a signalé qu’il envisageait d’ouvrir plus de places dans les refuges montréalais. Déjà, 800 nouvelles places ont été ajoutées depuis le début de l’année, a-t-il rappelé.

Un peu plus tôt, lors d’un point de presse devant l’hôtel de ville de Montréal, Mme Plante avait demandé au gouvernement du Québec une exemption pour les itinérants, en évoquant la mort tragique de Raphaël André. M. André, bien connu dans la communauté des itinérants autochtones, est mort dans une toilette chimique, pendant le couvre-feu dans la nuit de samedi à dimanche, alors qu’il se cachait vraisemblablement de la police.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La mairesse de Montréal, Valérie Plante

Une enquête du coroner a été ouverte pour tenter d’éclaircir les circonstances de sa mort.

Dans le cas d’un refus de Québec d’accorder cette exemption aux itinérants, la mairesse est-elle prête à donner une directive contraire aux policiers municipaux ? La question lui a été posée en point de presse.

« J’espère ne pas avoir à aller contre le décret, a répondu Mme Plante. La situation à Montréal est intenable, alors je souhaite que le gouvernement Legault accepte cette exemption. »

« Je veux que les personnes vulnérables entendent : « N’ayez pas peur, on va vous laisser tranquilles », a-t-elle expliqué.

Ça n’empêchera pas les policiers de faire des interpellations, mais de façon générale, il faudrait laisser aller parce que ça crée trop de stress chez beaucoup trop de gens qui ont déjà de la difficulté.

Valérie Plante

Elle n’encourage personne à dormir dehors, mais souligne que les refuges pour sans-abri sont remplis à 95 % de leur capacité. Raphaël André est d’ailleurs mort non loin du refuge La Porte ouverte, qui n’ouvre plus la nuit depuis qu’il a été aux prises avec une éclosion de COVID-19.

Valérie Plante souligne aussi que le couvre-feu complique la tâche de ceux qui travaillent auprès des itinérants.

Dans la rue suspend des services

Justement, l’organisme Dans la rue, qui vient en aide aux jeunes sans-abri, a annoncé mardi qu’il suspendait les opérations de sa roulotte, qui sillonne habituellement les rues de Montréal : en raison du couvre-feu, les jeunes ne viennent plus y chercher de la nourriture et des services.

« Depuis la mise en place du couvre-feu, il y a une grosse diminution de l’achalandage. On comprend que les itinérants restent cachés, ils ne se déplacent pas à la roulotte pour ne pas avoir de contravention », dit Éliza Moses, conseillère aux communications de l’organisme, pour expliquer cette « décision crève-cœur ».

La roulotte offre habituellement 15 000 services par année.

Mme Moses souligne que la pandémie complique la tâche de l’organisme de plusieurs autres façons : par exemple, son refuge de nuit, qui pouvait recevoir 17 personnes, ne peut plus en accueillir que 9.

« Nous sommes pleins tous les soirs, dit-elle. Ils vont où, nos jeunes ? C’est la question qu’on se pose en ce moment. »

Une équipe mobile a été mise en place pour tenter de leur porter assistance là où ils ont trouvé refuge.

Par ailleurs, la campagne de vaccination des personnes itinérantes a commencé vendredi dernier à Montréal. Lundi et mardi, la vaccination allait bon train à la halte-chaleur située au Grand quai, dans le Vieux-Port de Montréal.

En annonçant cette campagne, mercredi dernier, la directrice régionale de santé publique de Montréal, Mylène Drouin, avait annoncé qu’un premier lot de 560 doses serait d’abord réservé à la population itinérante considérée comme « prioritaire » dans huit milieux où des éclosions ont eu lieu.

À partir de mercredi, un deuxième lot de 365 vaccins sera distribué.

Les employés des organismes communautaires qui travaillent auprès des sans abri ont aussi droit au vaccin.

— Avec Ariane Lacoursière, La Presse