(Montréal) Les organismes œuvrant auprès des personnes itinérantes réclament une amnistie pour celles-ci et pour les travailleurs qui leur viennent à la suite de l’imposition d’un couvre-feu.

« On est tout à fait à l’aise et on comprend l’obligation de resserrer les règles pour monsieur et madame tout-le-monde, dont certains sont peut-être un peu plus’tannés’que d’autres d’être confinés à la maison. Notre préoccupation, c’est pour les personnes dont la rue est la maison », explique Annie Savage, directrice du Réseau d’aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal (RAPSIM).

Certes, certains itinérants trouveront refuge dans des endroits prévus à cette fin, mais il y en a toujours un certain nombre qui ne le font pas et cherchent à se blottir dans des recoins de l’espace public où se dégage un peu de chaleur.

Une judiciarisation de leur situation par une intervention policière n’aiderait personne, fait valoir Mme Savage.

« Les personnes en situation d’itinérance doivent pouvoir bénéficier d’une tolérance automatique par les policiers. On espère qu’on ne tombera pas dans la judiciarisation, donc ça prend une amnistie automatique en place dès maintenant pour les personnes en situation d’itinérance », fait valoir Mme Savage.

Tolérance pour les travailleurs de rue

Du même souffle, le RAPSIM demande un sauf-conduit pour les personnes qui interviennent auprès de cette clientèle.

« On a beaucoup de membres dont les équipes de travail commencent à 18 h, 19 h, 20 h et qui vont jusqu’à une heure du matin », souligne Annie Savage.

« Il faut absolument laisser les équipes faire leur travail et, pour ça, il va falloir qu’il y ait un message clair de tolérance. […] On souhaite qu’il y ait des outils mis en place dès maintenant pour s’assurer qu’elles vont pouvoir faire leur travail adéquatement, sans l’intervention des policiers. »

Un taux de contamination élevé

Annie Savage note que « la période des Fêtes a compliqué énormément les communications qui sont, on va le dire, déjà difficiles avec la santé publique ».

Elle souligne par exemple que les règles de confidentialité en matière de santé publique, bien que tout à fait justifiées, peuvent porter atteinte à la sécurité dans le milieu de l’itinérance.

« Quand on n’est pas informé des cas d’éclosion, c’est difficile de prévoir le déplacement des populations. Une personne qui serait COVID positive, par exemple, dont la ressource ferme à cause d’une éclosion, on ne sait pas où cette personne va se déplacer. »

L’organisme a pris acte des données inquiétantes d’éclosions dans les populations autochtones itinérantes et soupçonne une réalité généralisée au sein de la clientèle.

« On se doute bien que, s’il y avait du dépistage massif dans l’ensemble de la communauté des personnes en situation d’itinérance, on aurait possiblement un taux assez élevé de COVID positif », soupire Mme Savage.

Difficultés sur le terrain

Devant l’inconnu, les ressources n’ont d’autre choix que d’intervenir systématiquement comme si elles accueillaient des personnes COVID positives. Or, « ce ne sont pas tous les milieux d’hébergement, les ressources qui accueillent les personnes en situation d’itinérance qui sont en mesure d’intervenir comme si on était en zone rouge ou une zone orange. Ça prend de l’équipement spécifique auquel tous les organismes n’ont pas accès. Il y a une distribution des EPI (équipements de protection individuelle) qui est encore difficile et compliquée pour certains milieux », déplore Mme Savage.

Ainsi, elle explique que dans les « haltes-chaleur » mises en place, les gens appliquent les mesures sanitaires qui sont recommandées, mais que « dans un contexte où on pense qu’il y a un haut taux de personnes COVID positives dans les ressources, il y a tout un autre protocole qui doit se mettre en place ».

« Il va être important d’assurer une formation et une distribution de matériel de protection beaucoup plus importantes », conclut-elle.