La communauté atikamekw de Manawan, au cœur de la forêt de Lanaudière, a décrété un couvre-feu de 23 h à 7 h jusqu’au 23 novembre, bloqué l’entrée au territoire et fermé ses écoles pour prévenir la propagation de la COVID-19, qui évolue rapidement.

Les récalcitrants s’exposent à des sanctions, a prévenu le chef du conseil de bande, Paul-Émile Ottawa.

Huit cas ont été diagnostiqués au cours des derniers jours, dont deux chez les employés du centre administratif de cette communauté isolée de 2900 habitants, qui compte une proportion importante de personnes âgées ou de personnes souffrant de maladies chroniques aggravantes.

Selon le chef Paul-Émile Ottawa, le virus s’est probablement infiltré dans le village après que deux hommes eurent contracté la COVID-19 au Central, un resto-bar de Saint-Michel-des-Saints, la ville la plus proche, à 87 km au sud.

« On n’a pas encore de certitude, mais on pense que c’est ce qui est arrivé, dit-il. Cependant, je sais que les responsables de la Santé publique ont peut-être une autre théorie, mais ça reste à confirmer. »

Les deux hommes ont été contactés par le Central, au début de la semaine. « Étant donné que l’établissement tenait un registre des clients, ils ont été interpellés par le tenancier du bar, qui leur a dit d’aller passer un test de COVID-19, explique M. Ottawa. C’est comme ça qu’ils sont allés. Et malheureusement pour eux autres, ça s’est avéré positif. »

Un des deux hommes travaille comme brigadier à l’école primaire de Manawan. L’autre est employé dans une usine, mais sa femme est intervenante en milieu scolaire au secondaire.

« Nous, en tant qu’enseignants, on a tous passé le test », précise Janis Ottawa, professeure à l’école primaire Simon-Pinecic-Ottawa. La plupart sont négatifs, mais ça reste quand même qu’on est rendus à huit cas. »

Mme Ottawa n’avait toujours pas eu le résultat de son test, jeudi. « C’est un peu stressant, admet-elle. J’ai quand même des problèmes de santé. Donc, je fais très attention à ça parce que je veux continuer ma carrière d’enseignante. »

PHOTO FOURNIE PAR JANIS OTTAWA

Janis Ottawa, enseignante de Manawan

L’école primaire où elle enseigne compte 400 élèves. Les enfants, qui sont privés de classe depuis lundi, recevront des iPad au cours des prochains jours pour être prêts à faire l’école à distance dès lundi prochain.

Je suis un peu inquiète parce que, moi, j’ai 19 élèves et j’aimerais ça avoir les 19 élèves devant mon écran [d'ordinateur]. J’en ai la moitié qui ont des difficultés d’apprentissage. Les autres sont quand même assez autonomes. Il y a des familles qui ne sont pas très à l’aise avec la technologie. C’est ça qui m’inquiète un peu.

Janis Ottawa, enseignante à l’école primaire Simon-Pinecic-Ottawa

Sorties interdites

En attendant, les écoles primaire et secondaire resteront fermées au moins jusqu’au 23 novembre, de même que la guérite du village atikamekw, assure le chef du conseil de bande.

« Toutes sorties en territoire et en milieux urbains sont interdites, à l’exception des services essentiels », peut-on lire dans un communiqué aux membres de cette communauté fortement touchée par le drame de l’une des leurs, Joyce Echaquan, morte à 37 ans à l’hôpital de Joliette, sous les insultes et les commentaires racistes de deux soignantes, le 28 septembre.

« Toutes les demandes d’exception seront refusées, ajoute-t-on. Toutes commissions provenant de l’extérieur seront interdites. »

M. Ottawa est catégorique : « Personne ne rentre, personne ne sort, sauf les gens qui ont leur congé de l’hôpital. »

Le conseil de bande et le Comité du plan des mesures d’urgence contre la COVID-19 incitent les membres à subir un test six jours après leur retour dans la communauté ou dès l’apparition de symptômes. Tous les rassemblements privés, intérieurs ou extérieurs, sont bien sûr interdits, de même que le covoiturage et l’organisation d’activités dans un lieu public.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Paul-Émile Ottawa, chef du conseil de bande de la communauté atikamekw de Manawan, en 2015

Pendant la crise, le CPE Kokom Tcitcatci accueille les enfants des employés du réseau de la santé ou d’autres services essentiels.

Six des huit personnes qui ont reçu un résultat positif sont à Joliette, dans une maison désignée pour accueillir les cas de COVID-19. Elles font partie de la même famille et habitent sous le même toit.

La MRC de Matawinie, où se trouve Manawan, compte actuellement 198 cas actifs. C’est Saint-Jean-de-Matha qui enregistre le plus grand nombre de personnes infectées à la COVID-19 sur ce territoire (44), suivi de Saint-Félix-de-Valois (32) et de Saint-Michel-des-Saints (30), selon les données du ministère de la Santé et du CISSS de Lanaudière. En tout, il y a 1458 cas actifs dans Lanaudière, dont 246 à Joliette.