(Ottawa) Un nouveau rapport du Groupe de travail de la Société royale du Canada sur la COVID-19 indique que la publication de recherches « de mauvaise qualité, négligentes ou, pire encore, frauduleuses » sur le nouveau coronavirus érode la confiance dans la science et amène les gens à ignorer les conseils de santé publique.

Le groupe de travail fait valoir que les scientifiques, les responsables de la santé publique, les politiciens et les journalistes ne devraient pas laisser le sentiment d’urgence nuire au respect des normes établies au sein de leur profession.

Le rapport avertit que la publication « effrénée » de la recherche sur la COVID-19 est nuisible lorsqu’elle contourne les barrières devant assurer que la science publiée est à la fois revue par les pairs et décrite avec précision.

Les raccourcis se font plus fréquents, comme l’illustre une étude selon laquelle les « préimpressions » qui n’ont pas encore complété le processus d’examen par les pairs sont au moins 15 fois plus consultées et diffusées lorsqu’elles concernent la COVID-19.

Le délai moyen entre la soumission du travail d’un chercheur et sa publication était auparavant de plus de 100 jours, mais depuis le début de la pandémie, cette période d’examen est réduite à six jours seulement.

Ces publications sont souvent utilisées par les agences de santé publique et les politiciens pour orienter leurs conseils au public et mènent à des messages confus lorsque les rapports se contredisent ou sont ensuite démystifiés.

La catastrophe de l’hydroxychloroquine

La recherche sur l’hydroxychloroquine est l’un des exemples les plus notables.

Le médicament, plus souvent employé pour soigner la malaria ou des maladies auto-immunes comme l’arthrite et le lupus, a été testé auprès de patients atteints de la COVID-19 par des chercheurs français. Ceux-ci ont rapporté quelques effets positifs du traitement dans une préimpression, mais leur étude a immédiatement été critiquée et remise en question.

Cela ne l’a pas empêchée d’être citée à plus de 1700 reprises et d’attirer des millions de dollars en investissements dans d’autres études sur ce traitement potentiel.

Les résultats ont même été repris par des personnalités telles que le président américain Donald Trump et le fondateur de Tesla, Elon Musk — ce qui a capté encore davantage l’attention des médias et du public.

À la fin du mois de mars, l’utilisation d’urgence de l’hydroxychloroquine contre la COVID-19 a été autorisée aux États-Unis.

Les stocks du médicament ont plongé et des patients qui en avaient réellement besoin en ont été privés.

Une analyse des données de l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments (FDA) a révélé que plus d’une centaine de patients sont morts au cours de la première moitié de l’année après avoir pris ce médicament en lien avec la COVID-19. Parmi les effets secondaires reconnus de l’hydroxychloroquine figurent les arythmies cardiaques.

Son autorisation d’urgence a finalement été révoquée par la FDA.

La confiance du public en jeu

L’élaboration des connaissances scientifiques peut être un processus « tumultueux », et le grand public le suit maintenant de très près, souligne le rapport de la Société royale du Canada.

La nature changeante du consensus scientifique entraîne de la confusion, car les autorités sanitaires appuient leurs directives sur les meilleures données disponibles.

Lorsque ces directives changent — comme sur le port du masque —, les citoyens peuvent se montrer sceptiques et hésiter à se plier aux consignes.

Les responsables de la santé publique doivent être transparents sur les éléments d’information dont ils disposent et sur leurs faiblesses, avance-t-on.

Les chercheurs doivent pour leur part éviter de monter leurs conclusions en épingle et surveiller comment leurs travaux sont repris pour rapidement corriger toute erreur d’interprétation.