De longues files devant les boutiques populaires. Une distanciation physique plus ou moins respectée. Des gens en grand nombre qui placotent en sirotant un café. Le resserrement des restrictions en zone rouge favorise l’affluence dans certains centres commerciaux. Malgré les consignes sanitaires en place, les séances de magasinage ont des allures de réunion entre amis dans certains cas.

Le vaste Carrefour Laval était bondé dimanche après-midi malgré un temps radieux. On flânait entre amis, on dégustait une crème glacée en famille ou on magasinait en petit groupe, à défaut de pouvoir se réunir à la maison.

« On dit à la blague que si vous voulez voir toute votre famille, allez chez Costco ou chez IKEA, mais c’est un peu vrai », a soufflé Marleen Chiasson à travers son masque. La résidante de Saint-Lin, venue faire du magasinage avec sa fille Alicia, s’étonnait de la foule au centre commercial lavallois.

« Je n’en reviens pas », a spontanément lâché un homme de Repentigny qui faisait la file devant l’Apple Store. « Je ne pensais pas voir autant de monde. Tu ne peux pas aller voir ta mère, mais tu peux venir en gang t’acheter une Apple Watch ! »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le Carrefour Laval était bondé dimanche après-midi.

Moins de gens déambulaient au Centre Rockland en fin d’après-midi. Mais les deux mètres étaient vite oubliés. C’était le cas devant la caisse du H&M, par exemple. À l’entrée, le distributeur de liquide désinfectant propageait une forte odeur de tequila. Une affiche indiquait aux clients de s’en badigeonner les mains, mais aucune surveillance aux alentours.

Sauf quelques écarts, les consignes sanitaires mises en place dans le populaire centre commercial de Mont-Royal étaient généralement respectées.

Même si plusieurs avaient le nez découvert, tous les clients étaient masqués et suivaient les flèches au sol. Quelques réfractaires se promenaient le masque baissé, mais ils étaient une minorité.

Isabelle Costa a pris le temps de se nettoyer les mains et d’ajuster son masque avant de s’adresser à La Presse. « Je viens seule faire mes achats et je ne m’arrête qu’à un seul magasin. Je remarque que des groupes viennent flâner et passent la journée entière ici. C’est plus problématique », admet la cliente du H&M.

Des passants qui s’agglutinent

Les visiteurs doivent redoubler d’efforts pour se tenir à distance hors des boutiques.

À la boutique Foot Locker du Centre Rockland, on limitait le nombre de visiteurs – une stratégie employée par de nombreux commerces du Carrefour Laval. Le souci qui en découle ? Les gens qui attendent leur tour s’agglutinent à l’extérieur des boutiques, ce qui complexifie la distanciation physique.

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Scène dans un magasin du Centre Rockland, dimanche.

« Il y a beaucoup de monde, mais on ne peut se réunir en ce moment, et beaucoup d’activités sont interdites. Peut-être qu’il faudrait rouvrir certains endroits pour désengorger les centres commerciaux comme ici », a suggéré Bruno Rodriguez, qui profitait d’une séance de magasinage en famille.

Plus loin, cinq élèves en sport-études du Collège Letendre bavardaient. « C’est vraiment l’une des seules choses qu’on peut faire, venir ici. On s’ennuie du soccer ! », a lancé l’une d’elles.

Elles n’étaient pas les seules à s’être donné rendez-vous au centre commercial – des camarades de classe étaient assises par terre et discutaient en mangeant de la crème glacée, devant la boutique Topman.

Pas des lieux de promenade

Les centres commerciaux ne sont pas d’importants vecteurs de propagation si toutes les consignes sanitaires y sont respectées, indique Roxane Borgès Da Silva, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal.

Mais si [les centres commerciaux] deviennent des lieux de socialisation, c’est une autre histoire. C’est sûr que quand on répartit différentes options de sorties, il est plus probable d’avoir un peu de monde un peu partout, plutôt que tout le monde au même endroit.

Roxane Borgès Da Silva, de l’École de santé publique de l’Université de Montréal

Mme Borgès conseille de procéder aux achats rapidement et d’appliquer à la lettre toutes les mesures sanitaires, ce qui inclut de porter adéquatement le masque en se couvrant le visage du nez jusqu’au menton.

« Un centre commercial n’est pas un lieu de promenade en ce moment. Si vous n’avez rien à acheter, restez chez vous. »

« On a fermé les salles de spectacles en donnant pour justification la durée d’exposition. Mais si vous passez cinq heures dans un centre commercial, c’est l’équivalent d’assister à deux spectacles. Peu de gens s’y rendent pour visiter un magasin seulement », analyse Benoit Mâsse, professeur de médecine sociale et préventive à l’École de santé publique de l’Université de Montréal. Les centres commerciaux sont relativement bien aérés et ne sont pas des sources d’éclosions majeures, précise-t-il.

Il faudrait permettre aux gens des activités culturelles et sportives bien encadrées et surveillées, selon l’expert. « Si on coupe tout, les gens se replient sur ce qui est permis ou moins surveillé : centres d’achats et rassemblements à la maison. »