Le nombre de cas quotidiens rapportés à travers la province a beau faire un bond considérable, les Québécois veulent un semblant de normalité. De nombreuses familles ont profité d’un week-end ensoleillé pour arpenter les vergers ou se balader en région, malgré l’appel du gouvernement à éviter les rassemblements et les déplacements interrégionaux.

À Mont-Tremblant, aux abords de l’ultra-touristique village piétonnier, les stationnements affichaient complet samedi en début d’après-midi.

Des familles ont quitté leur nid urbain le temps d’un week-end pour admirer les feuillus jaunes, rouges et orangés. Mais il n’y a pas que le feuillage des arbres qui a un code de couleurs. Les régions aussi.

Vendredi, toute la région métropolitaine de Montréal est passée à l’orange, en zone d’alerte modérée. Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a demandé aux Québécois de faire un « effort spécial » pour limiter les contacts sociaux au cours des 28 prochains jours.

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Vue du village piétonnier de Mont-Tremblant, dimanche

Pourtant, il y avait foule devant les commerces aux devantures pastel. Les rues étroites et bondées, les terrasses pleines à craquer et les files d’attente interminables donnaient à l’endroit des airs de pré-COVID-19. Les touristes affluaient et dans certains coins, pas un masque en vue. Pour un tour en téléphérique, il fallait attendre plus d’une heure, le visage couvert.

C’était le cas de Fabien Lelard, de sa femme et de leur fille. La pandémie est bel et bien présente, mais il n’y pense même pas.

On suit les recommandations, puis on reste à l’extérieur, donc le risque n’est pas le même. On a déjà annulé notre souper de l’Action de grâce.

Fabien Lelard

Judy Doucet habite Longueuil et profitait d’une rare sortie hors de la ville avec une amie. La foule ne l’inquiétait pas outre mesure. Elle ne se gênerait pas pour demander à un passant de garder ses distances, au besoin.

« C’est le dernier week-end de beau temps, on veut en profiter. Qu’on soit dans notre région ou ailleurs, on fait très attention », assurait la femme.

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Personnes à table dans le village piétonnier de Mont-Tremblant, dimanche

Les attroupements de visiteurs en temps de pandémie en dérangeaient quelques-uns, qui s’attendaient à ce que la distanciation soit mieux respectée.

« C’est vraiment pas agréable. Hier, c’était pire. Il n’y avait aucune distanciation, les gens ne se tassaient pas. Ça te prendrait quasiment un bâton électrique pour tasser le monde », s’étonnait Mélanie Rivard, de Laval, accompagnée d’un couple d’amis et de leurs enfants.

Sa belle-mère devait les rejoindre pour cette escapade en famille prévue depuis trois semaines. « Elle est plus âgée, plus vulnérable au virus, donc elle a passé son tour », a expliqué son conjoint Philippe Boily.

La Ville de Mont-Tremblant suit l’évolution de la contagion de très près et rappelle aux touristes et aux résidants de respecter les mesures sanitaires pour éviter un reconfinement. « On n’a pas eu des situations de non-respect des règles de la Santé publique. On n’est pas du tout dans une situation inquiétante, mais la relance économique et touristique de Mont-Tremblant se déroule bien et on ne souhaite pas que tout soit refermé de nouveau », a indiqué Maxime Dorais, directeur des communications à la Ville de Mont-Tremblant.

La police aux pommes

Plus de place où stationner sa voiture aux Vergers Lafrance, à Saint-Joseph-du-Lac. Les trois stationnements étaient remplis. Sur l’autoroute 640, un bouchon de circulation dès 10 h dimanche causait une heure d’attente pour accéder au Domaine Lafrance. La police veillait au grain et s’assurait que la circulation soit contrôlée sur les routes ponctuées de vergers prêts à accueillir les cueilleurs.

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La police s’assurait dimanche que la circulation soit contrôlée sur les routes ponctuées de vergers, à Saint-Joseph-du-Lac.

Plusieurs centaines de familles élargies et groupes d’amis sont venus se procurer des pommes Honey Crisp, Spartan et Macintosh, malgré l’appel à limiter les contacts sociaux lancé par le ministre de la Santé deux jours plus tôt.

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Des familles s’adonnant à la cueillette de pommes, aux Vergers Lafrance, dimanche

Ils déambulaient parfois sous le regard des policiers de la Régie de police du Lac des Deux-Montagnes, qui faisaient des rondes dans le verger de 22 acres depuis samedi.

« On est surveillés toute la semaine ! », s’est exclamé Michel Renaud, employé souriant caché sous les branches d’un pommier, chargé de guider les cueilleurs.

C’est sûr que ce sont des grosses gangs ici, je me tiens bien loin. On applique les mesures sanitaires à la lettre et tout se passe bien.

Michel Renaud, employé des Vergers Lafrance

« C’est notre sortie aux pommes annuelle et je trouve que c’est raisonnable de venir ici, je suis à l’aise. Oui, il y a beaucoup de monde, mais nous sommes à l’extérieur et c’est un grand verger », a dit Anik Pilon, venue de Mirabel avec ses enfants et une autre famille.

« COVID ou pas, c’est toujours notre week-end le plus achalandé de l’année. On a redoublé d’efforts pour faire respecter les mesures sanitaires », a assuré Émilie Patry, responsable du marketing et des communications au Domaine Lafrance. L’accès aux aires de jeux pour enfants était bloqué, et l’habituel groupe de musique des fins de semaine brillait par son absence.

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Les stationnements des Vergers Lafrance étaient remplis, dimanche

Félix Bertrand et Soraya Lhuillery-Côté sont partis de Saint-Lin avec une dizaine de membres de la famille. « Sincèrement, ça fait du bien de décrocher un peu. C’est mieux de se réunir dans un verger que d’inviter des gens à souper chez soi. »

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Des familles s’adonnant à la cueillette de pommes, aux Vergers Lafrance, dimanche

À l’entrée et à la sortie du secteur de cueillette, le lavage des mains est imposé aux visiteurs. Pour ne pas encourager l’achalandage inutile, la cueillette est la seule activité permise dans le verger. Reste que le port du masque n’est guère populaire parmi les cueilleurs qui se baladent à travers les pommiers.

« On mentionne aux gens de mettre le masque », insiste Mme Patry.

Sur son compte Twitter, le ministre Christian Dubé a d’ailleurs rappelé à la population que l’heure est à la vigilance pour « casser la deuxième vague ».

« On constate que la forte [hausse] des cas est majoritairement associée à une transmission communautaire du virus. On demande de limiter les contacts pour les prochaines semaines. »

Les villes de Montréal et Québec pourraient passer en zone rouge dans les prochains jours, a avancé le ministre de la Santé Christian Dubé, en entrevue à l’émission Tout le monde en parle, dimanche soir.