(Québec) La protectrice du citoyen, Marie Rinfret, en a assez de prêcher dans le désert et accuse Québec de laxisme. Il est temps que le gouvernement corrige des problèmes qui sont dénoncés depuis longtemps et qui, par exemple, ont contribué à l’hécatombe dans les CHSLD pendant la pandémie de COVID-19, soutient-elle.

« Après les analyses et les constats, il faut convenir à un certain moment que tout a été dit, que tout est connu, que tout est en place pour passer à l’action. Maintenant », écrit-elle dans son rapport annuel déposé à l’Assemblée nationale jeudi.

« Pouvait-on s’attendre à ce que le ministère de la Santé et des Services sociaux, son réseau de services et l’ensemble de l’appareil de l’État puissent répondre sans failles à une catastrophe aussi sournoise que répandue ? Difficile de le présumer étant donné le caractère inédit des événements. Cependant, force est d’admettre, pour le ministère de la Santé et des Services sociaux comme pour les autres instances, que l’alarme avait été donnée à de nombreuses reprises. Malheureusement, les solutions à apporter pour fournir aux aînés un milieu de vie et de soins sécuritaire, humain et répondant à leurs besoins avaient été reportées », ajoute-t-elle.

La crise de la COVID-19 a confirmé « des lacunes biens connues » et « rapportées dans plusieurs rapports » : « pénurie de personnel, épuisement des effectifs, manque d’intervenantes et d’intervenants qualifiés, vétusté des lieux ». Les correctifs ont été « remis à plus tard », déplore-t-elle.

Marie Rinfret déposera cet automne un rapport d’étape sur son enquête visant à « faire la lumière sur la réponse du gouvernement et du réseau de la santé à la crise de la COVID-19 dans les milieux de vie collectifs pour aînés » comme les CHSLD. Ce sera le premier bulletin du gouvernement Legault sur sa gestion de la crise.

Dans son rapport annuel, la protectrice du citoyen relève que plusieurs de ses recommandations visant différents ministères ne sont toujours pas mises en application.

« Le présent rapport annuel comporte de nombreux exemples de problématiques considérées comme majeures au terme de nos enquêtes. Celles-ci ont suscité des constats allant dans le même sens de la part des instances, puis elles ont finalement mené à des engagements de leur part pour y remédier En pareil cas, les lacunes sont connues, décrites, décriées et assorties de solutions. Les autorités en sont au stade de passer à l’action. Et puis, le temps s’écoule. Rien ne bouge », affirme-t-elle.

Elle renchérit : « qu’en est-il des conclusions, rigoureusement documentées par des comités interministériels ou même des commissions d’enquête, en réponse auxquelles on tarde à livrer les résultats pendant des mois ou des années, ou bien qui ne mènent jamais aux réformes et correctifs nécessaires ? Pendant ce temps, des personnes, parfois parmi les plus vulnérables, subissent les conséquences des délais ou, pire encore, de l’abandon du projet ».

Elle dresse une liste « d’actions sans cesses reportées », pour répondre au manque de personnel dans les résidences privées et les CHSLD notamment.

« Les citoyennes et les citoyens qui portent plainte déplorent les répercussions de cette situation sur les personnes âgées et sur leur qualité de vie. Ils dénoncent notamment des lacunes dans les soins d’hygiène, une surveillance insuffisante des usagères et usagers, de longs délais de réponse aux cloches d’appel, un manque d’aide à l’alimentation et un roulement continuel des membres de l’équipe de soins. Des témoignages ciblent, par exemple, des endroits où des usagers et usagères sont levés du lit vers midi, faute de personnel disponible pour leur porter assistance plus tôt en matinée », écrit-elle.

Autres exemples : le ministère de l’Éducation n’a toujours pas déposé un projet de loi pour améliorer le mécanisme de traitement des plaintes dans les écoles, un mécanisme « lourd, compliqué et peu transparent » selon des constats remontant à 2017. Des enfants qui ont des problèmes de langage perdent des services spécialisés une fois qu’ils atteignent l’âge d’aller à l’école parce que le réseau scolaire ne prend pas le relais du réseau de la santé. Le ministère de la Santé a accepté d’analyser la situation, mais « depuis, il n’y a pas eu d’avancée ». « L’accès à un médecin de famille est une problématique majeure qui n’est toujours pas résolue. Des personnes s’adressent au Protecteur du citoyen parce qu’elles s’inquiètent de rester sur une liste d’attente depuis plus d’un an », ajoute Marie Rinfret.

De son côté, le ministère de la Justice « tarde à clarifier la portée de la notion de « victime » d’un acte criminel ». « En attendant, la Direction générale de l’indemnisation des victimes d’actes criminels maintient une interprétation restrictive qui prive des personnes d’une aide essentielle ». Le transfert de la responsabilité des soins de santé dans les établissements de détention, du ministère de la Sécurité publique au ministère de la Santé afin d’améliorer la qualité des services, n’a toujours pas été fait dans les régions de Québec et Montréal qui regroupent 40 % de la population carcérale.

La protectrice du citoyen a reçu 244 divulgations de la part de lanceurs d’alerte (en hausse de 34 %) dans le cadre de l’application de la Loi facilitant la divulgation d’actes répréhensibles à l’égard des organismes publics. On parle de dénonciations concernant par exemple un abus d’utilisation de fonds publics par une personne occupant un posté élevé au sein d’un établissement de santé ; c’était dans l’achat de meubles de bureau à un coût excessif. Après divulgation, la protectrice du citoyen est intervenue auprès d’un organisme public qui s’apprêtait à compromettre la sécurité de la population s’il réparait une infrastructure selon les plans établis.