Les policiers outrepassent-ils leurs pouvoirs en voulant faire fermer un restaurant parce que ses employés ont contracté la COVID-19 ou ne respectent pas les mesures sanitaires imposées par décrets ?

Cette question relève-t-elle davantage de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) plutôt que de la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec ?

C’est ce que le propriétaire de la Pizzeria Moretti, dont le SPVM s’oppose au renouvellement des permis d’alcool, veut faire valoir.

PHOTO DÉPOSÉE DEVANT LA RÉGIE DES ALCOOLS, DES COURSES ET DES JEUX DU QUÉBEC

Lors d'une opération d'observation autour de la Pizzéria Moretti le 13 août dernier, les policiers ont constaté que plusieurs employés et clients du restaurant ne portaient pas de masque à l'intérieur.

Le populaire restaurant de la rue Wellington dans le quartier Griffintown a été fermé temporairement d’urgence le 24 août après que les policiers ont constaté, à compter du 8 mai dernier, plusieurs manquements aux mesures sanitaires mises en place par le gouvernement pour lutter contre la COVID-19.

La cause est entendue sur le fond depuis mercredi devant la Régie des alcools, des courses et des jeux.

Un enquêteur de la section Moralité du SPVM, Miville Larouche, a témoigné que les policiers ont reçu des plaintes de citoyens qui affirmaient que les employés et clients ne portaient pas le masque ou ne respectaient pas les règles de distanciation sociale.

D’autres plaignants ont affirmé que plusieurs employés auraient même contracté la COVID-19 sans que les responsables prennent la chose au sérieux.

Un citoyen a également rapporté qu’une infirmière, qui soigne des malades de la COVID dans un hôpital durant la journée, travaille dans l’établissement le soir venu.

Le restaurant aurait même été le théâtre d’une bagarre générale impliquant une vingtaine de personnes au cours de laquelle un homme aurait utilisé une serveuse comme bouclier pour éviter d‘être arrêté par les policiers.

L’enquête de la police a culminé le 29 juillet, lorsque les enquêteurs ont rencontré le propriétaire du restaurant, Nicola Monaco, pour lui faire part des problèmes à son établissement, et le 13 août, lorsque les policiers ont passé plus de deux heures à photographier les clients et employés de la Pizzéria Moretti, pour prouver que les mesures ne sont pas respectées.

Audience tendue

Les photos ont fait bondir l’avocat du restaurant, Me Sébastien Sénéchal qui les a décortiquées, contre-interrogeant le témoin enquêteur sur chacune d’entre elles.

« Vous, les policiers, votre seul pouvoir, c’est de donner des tickets à un ou des individus qui ne respectent par les mesures, vrai ? Vous n’avez pas le pouvoir de fermer un établissement, car il ne respecte pas les mesures ou parce qu’il y a des allégations qu’un de ses employés a contracté la COVID-19 ?, a demandé Me Sénéchal à l’enquêteur Larouche.

« Non, mais nous avons un souci de la sécurité du public et des gens qui fréquentent l’établissement. C’est une question de sécurité publique, et non de santé publique, mais c’est notre devoir », a notamment répondu le policier.

« La poursuite des actions de la titulaire (Pizzeria Moretti) est susceptible de mettre la vie des personnes en danger », avait plaidé la procureure du contentieux de la RACJ, MIsabelle Poitras, plus tôt durant l’audience.

Deux enquêteurs de l’Escouade Éclipse, spécialisée dans la surveillance des établissements licenciés et la collecte de renseignement, ont témoigné se rendre souvent à la Pizzeria Moretti, car l’endroit est très fréquenté par des « sujets d’intérêt » ou des individus liés au crime organisé.

« Est-ce que l’on tente d’imposer des règles de santé publique ou l’on essaie d’avoir la peau d’un établissement ? », s’est insurgé Me Sénéchal, accusant le contentieux de la RACJ de faire de l’article 32.1.1 de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux un prétexte pour faire fermer la Pizzeria Moretti.

Des témoins policiers ont également dit n’avoir jamais vu M. Monaco lors de leurs nombreuses visites dans l’établissement et ajouté que d’autres individus se présentaient comme les propriétaires du restaurant.

Les audiences se poursuivent jeudi. C’est l’avocat de l’établissement qui présentera alors ses témoins.

Article 32.1.1 de la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux

Aux fins de l’article 32.1, la Régie peut abréger le délai de convocation : 1° dans un contexte d’urgence et lorsque la poursuite des activités visées est susceptible de mettre en danger la vie ou la santé des personnes ou de causer un dommage sérieux ou irréparable aux biens.

Pour joindre Daniel Renaud, composez-le (514) 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.