(Québec) La soirée karaoké du 23 août dernier devait en être une comme les autres au bar Le Kirouac, dans le quartier populaire de Saint-Sauveur à Québec. Elle a plutôt entraîné 50 infections confirmées à la COVID-19, dont celle de trois enfants qui fréquentent l’école.

La police de Québec a ouvert une enquête. Les autorités de santé publique avertissent quant à elles que ce chiffre pourrait encore grimper dans les prochains jours.

La vitesse avec laquelle le virus s’est propagé ce soir-là a surpris le directeur de santé publique par intérim au CIUSSS de la Capitale-Nationale, le DJacques Girard.

« On ne sait pas combien de personnes étaient là. Mais 40 cas dans un endroit où le permis permet un peu plus de 100 personnes, c’est un taux d’attaque hautement significatif », a remarqué le DGirard mercredi en conférence de presse. « Le virus a la capacité d’infecter pas mal de monde. »

Pour l’instant, 40 personnes présentes ce soir-là ont reçu un test positif. Dix autres cas se sont déclarés chez des membres de leurs familles, ce qui porte le total à 50. Parmi eux, trois enfants de clients en âge de fréquenter l’école ont le virus.

Mais d’autres cas pourraient se déclarer en lien avec cette soirée. Les autorités savent que certains clients du Kirouac, après la fermeture préventive de l’établissement, ont fréquenté d’autres bars à Québec.

« Y’en a un en particulier, c’était la grande tournée, la virée du grands ducs. Il est allé partout. Il y en a d’autres, quand le bar Le Kirouac a fermé, qui se sont déplacés ailleurs », note le DGirard.

La police a ouvert une enquête pour déterminer si certains clients savaient qu’ils étaient infectés, ce qui pourrait relever de la négligence criminelle.

Cette importante éclosion a eu un impact significatif sur les statistiques de la région. « La semaine dernière on avait de deux à quatre nouveaux cas par jour. Mais durant la fin de semaine il s’est passé quelque chose. On a vu soudainement dès samedi matin l’arrivée de cas liés au bar », note le DGirard.

Mardi, la région de la Capitale-Nationale avait même plus de nouveaux cas (31) que Montréal (22). Mercredi, la région de Québec a dénombré 23 nouveaux cas, contre 32 à Montréal.

Le DGirard s’est targué mercredi d’être venu à bout de la dernière éclosion en milieu d’hébergement pour aînés dans la région, celle à l’Auberge des 3 Pignons. C’est donc dans la communauté que les nombreux cas récents ont été dénombrés.

Des cas de COVID-19 ont été répertoriés dans cinq écoles de la Capitale-Nationale : à la polyvalente de Charlesbourg, l’école secondaire Jean-de-Brébeuf, l’école primaire Jules-Émond, l’école primaire Les Prés-Verts et l’école secondaire Neuchâtel.

Le karaoké pourrait être interdit

Devant une éclosion aussi soudaine, le directeur national de la santé publique a recommandé aux Québécois de ne plus se rendre dans des soirées karaoké.

« Dans les séances de karaoké, un certain engouement s’installe, les gens se mettent à chanter, accompagnent les autres, les échanges de micros… » a expliqué le DHoracio Arruda.

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Le directeur national de santé publique, Dr Horacio Arruda

« Interdire les karaokés, on va voir ce qu’il en est. Moi je ne vous recommande pas d’aller au karaoké », a-t-il dit.

La Presse a tenté de joindre le propriétaire du bar Le Kirouac et l’organisateur de la soirée du 23 août, sans succès. Le DGirard a précisé que l’établissement avait collaboré. Le Kirouac a fermé de manière préventive en fin de semaine dernière.

Des clients du Kirouac ont toutefois visité six bars les jours suivants le 23 août. Certains d’entre eux auraient été en attente de résultats pour la COVID-19.

Des ordonnances et une enquête

Le CIUSSS de la Capitale-Nationale a d’ailleurs émis mercredi deux ordonnances pour « des gens qui ne collaboraient pas ». L’une des ordonnances vise à isoler un client du bar pendant 14 jours, la seconde veut en forcer un autre à collaborer à l’enquête épidémiologique.

Les autorités s’intéressent notamment à trois clients du Kirouac qui ont fréquenté après les 29 et 30 août le bar La Gamelle. Cet établissement est bien connu pour ses soirées karaoké. Il a toutefois cessé d'en tenir après sa réouverture post-confinement.

Selon la propriétaire de La Gamelle, les clients se sont présentés le samedi 29 août et ont menti en disant qu’ils ne fréquentaient plus le Kirouac depuis des lustres. Ce matin-là, Geneviève Tremblay avait appris qu’une éclosion avait eu lieu au bar du quartier Saint-Sauveur et avait décidé d’interdire l’accès à leurs clients.

« Ils ont été de 16 h jusqu’à 23 h chez nous. Ils se sont promenés dans le bar, j’ai vu par après qu’ils étaient allés s’asseoir à plusieurs endroits dans le bar, sont allés parler à plusieurs clients. Je ne sais pas s’ils l’ont fait exprès ou pas, mais ils ont collé des clients », raconte Mme Tremblay.

« Ils attendaient leurs résultats. Ils auraient dû rester chez eux. Là ils viennent à mon bar et font courir des risques à mes clients », dit-elle.

La propriétaire de La Gamelle a elle-même dû subir un test. Elle attend les résultats. Elle a dit à La Presse que la police de Québec voulait consulter les images des caméras dans son établissement. Une enquête est en cours, a confirmé le Service de police de la Ville de Québec (SPVQ).

La santé publique affirme qu’aucun cas positif n’a encore été décelé parmi les six bars fréquentés par les clients du Kirouac.