(Montréal) Deux millions de visiteurs se rendent chaque année à l’oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, mais en raison de la pandémie de la COVID-19 les touristes ne sont pas au rendez-vous cette année. Cette situation entraîne de lourdes pertes financières pour cet emblème de Montréal.

En ce dimanche 9 août, le père Claude Grou s’apprêtait à célébrer la messe soulignant l’anniversaire de naissance du saint frère André, fondateur de la chapelle sur le mont Royal devenue l’Oratoire que l’on connaît. Toutefois, contrairement à la tradition, où jusqu’à 1500 fidèles s’entassent dans la basilique, il n’y avait pas plus de 250 sièges disponibles afin de respecter les règles de la santé publique.

« Habituellement, on fait quelque chose de beaucoup plus festif, qu’on ne peut pas faire, concède-t-il. Par contre, dans la grande place des pas perdus notre archiviste va présenter un retour historique sur le frère André. »

Ce sont donc plus de 1000 fidèles qui ne verseront pas de dons à la quête ni dans les boîtes mises à la disposition des visiteurs. Par un dimanche estival sans crise sanitaire, ce sont entre 4000 et 5000 personnes qui assistent à l’une ou l’autre des célébrations de la journée. D’autant plus de gens qui ne passeront pas par la boutique, qui n’allumeront pas de lampions et qui ne s’arrêteront pas casser la croûte au café de l’endroit.

« On n’a pas encore été en mesure d’évaluer les montants exacts, mais c’est sûr qu’il y a un manque à gagner important dans un lieu comme l’Oratoire parce que notre magasin de souvenirs fonctionne à environ 20 % de ce qu’il fait normalement durant l’été », reconnaît le père Grou qui occupe également la fonction de recteur de l’Oratoire.

PHOTO DAVID BOILY LA PRESSE, ARCHIVES LA PRESSE

Le père Claude Grou célébrant une messe en mars 2019

D’après des analyses menées il y a quelques années, près de 50 % des gens qui visitent l’important lieu de pèlerinage de confession catholique proviennent de l’extérieur du Québec. Et une importante part de 35 % de tous les visiteurs provient de l’extérieur du Canada. Une clientèle qui se trouve actuellement « en dormance », selon les mots du père Grou.

« C’est sûr qu’il y a une diminution très importante et il va falloir qu’on regarde comment on peut se réajuster à la réalité financière qui se présente actuellement », concède-t-il tout en se réjouissant de voir l’affluence de visiteurs de l’Ontario et de Québécois de toutes les régions.

Du côté de Tourisme Montréal, on confirme la place majeure qu’occupe l’Oratoire dans l’offre touristique de la métropole. Selon le conseiller stratégique sénior, Pierre Bellerose, il s’agit du deuxième endroit le plus fréquenté tout juste après le casino. C’est toutefois à l’Oratoire que l’on retrouve le taux le plus élevé de visiteurs étrangers.

Une forte clientèle attirée par le tourisme religieux a notamment été développée au Mexique, souligne M. Bellerose. Toutefois, l’expert de Tourisme Montréal confirme que la pandémie a complètement éteint le marché international.

« C’est très difficile d’entrer au Canada sans passeport canadien et pour les Canadiens qui reviennent, ils doivent se placer en isolement pour 14 jours », mentionne-t-il.

Les sources de revenus de l’Oratoire, qui s’inscrit dans le site patrimonial du Mont-Royal, proviennent d’un programme de donateurs privés — qui pourraient s’avérer moins généreux en période de crise, mais « un pourcentage important » du budget provient des activités régulières à l’intérieur des murs.

« Ce pourcentage-là n’est pas à zéro. Il y a encore des gens aux célébrations et des gens qui viennent au magasin. Je crois qu’il faut passer la période d’été pour faire une évaluation plus globale », résume l’homme de foi.

Le père Grou en profite d’ailleurs pour inviter les Montréalais et les Québécois à redécouvrir l’endroit en l’absence des étrangers, un peu comme les Parisiens qui se réapproprient la tour Eiffel.

« C’est plus facile d’accès, on n’a pas 25 autobus de touristes qui bloquent les entrées ! Pour les gens du Québec, c’est une occasion de venir découvrir des choses qu’ils n’ont pas visitées depuis des années et de s’émerveiller de voir comment les choses se sont développées. »

À ce sujet, Tourisme Montréal a développé une campagne de promotion visant précisément à inciter les citadins à se réapproprier leur ville et leurs musées.

Chantier majeur

La pandémie du coronavirus n’a pas uniquement nui aux finances, elle a retardé de deux mois le chantier de rénovations majeures entreprises pour doter le dôme d’une tour d’observation de Montréal.

Heureusement, le financement de ce projet n’est pas compromis puisque les fonds proviennent d’une campagne distincte. Le tout devrait donc suivre son cours.

« On a confiance que, quand le plan va être complété vers 2023-2024, le flot de touristes aura repris son cours assez normalement », soutient avec optimisme le père Grou.

D’ailleurs, de l’avis de Pierre Bellerose de Tourisme Montréal, le futur belvédère devrait représenter « un immense ajout » à l’offre touristique de l’Oratoire.

L’absence de visiteurs a tout de même permis à l’Oratoire de procéder à certains travaux internes, dont améliorer la sonorisation des lieux de célébration.

Retour des messes

Malgré les circonstances difficiles, le recteur considère tout de même que l’oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal bénéficie d’un certain avantage puisqu’il compte deux lieux de célébration. Sa crypte permet d’accueillir 125 à 150 fidèles et sa basilique peut facilement en recevoir plus de 200.

Depuis le 29 juin, les messes ont repris leur rythme, mais la mécanique met beaucoup de pression sur le personnel de l’institution montréalaise. Afin de respecter toutes les règles d’hygiène et de distanciation physique, l’Oratoire doit mobiliser plus de ressources humaines.

« Ça demande un effort particulier. On a quelqu’un à chaque entrée de l’Oratoire pour indiquer aux gens de se purifier les mains, de porter le masque. Quand ils arrivent dans le lieu de culte, on a aussi des placiers pour s’assurer que l’on respecte la distanciation », décrit le recteur qui estime la réponse du public comme étant « à la mesure de ce que l’on peut absorber ».

Le père Grou estime que plusieurs fidèles réguliers sont sans doute plus craintifs dans les circonstances de la pandémie. Certains préfèrent probablement suivre la messe à la radio ou à la télévision, croit-il.

Lui-même, âgé de 78 ans, confie avoir passé les premiers moments de la crise en isolement comme la santé publique le recommandait aux personnes de plus de 70 ans. Depuis, il a repris ses fonctions presque normalement en s’assurant de respecter les protocoles imposés.

« Qu’on ait 78 ans ou 38 ans, il faut mettre un masque en public, il faut suivre toutes les règles et on les suit très fidèlement. Moi-même, je les respecte comme les autres. »