(Montréal) Même si on ne dispose pas encore des preuves scientifiques blindées qui permettraient de l’affirmer hors de tout doute, il semble de plus en plus probable que le plasma convalescent sera appelé à jouer un rôle de premier plan dans la lutte contre la COVID-19.

« Plusieurs petites études ont déjà été publiées. Si on les regarde dans leur ensemble, toutes les études s’entendent pour dire que ça fonctionne et que ça fonctionne bien », a dit le docteur Philippe Bégin, un médecin du CHU Sainte-Justine qui pilote une étude sur l’utilité du plasma sanguin.

« En moyenne, on parle d’une réduction de 50 % du taux de mortalité. C’est très impressionnant. C’est très encourageant. »

Le plasma est la portion liquide du sang qui contient les anticorps qui protègent contre la maladie.

Il est ici question d’une immunisation passive, qui consiste à transfuser le plasma de patients guéris de la COVID-19 — le plasma convalescent — à des patients en début de maladie pour leur transférer les anticorps protecteurs, dans l’espoir de limiter la gravité de leurs symptômes.

Cela étant dit, poursuit le docteur Bégin, on se doit d’apposer un « gros bémol » à ces études, toutes prometteuses soient-elles, entre autres parce qu’elles comparent parfois des populations qui ne sont pas vraiment comparables.

« Il y a d’autres petites études bien faites, randomisées, mais qui n’ont pas été complétées pour toute sorte de raisons techniques, a-t-il ajouté. Et si une étude n’a pas été complétée, on peut se poser des questions sur sa puissance. »

Problème de recrutement

Les études qui tentent d’étudier l’efficacité du plasma convalescent se heurtent aussi toutes au même obstacle, a expliqué le docteur Bégin.

« Les études sont confrontées au fait que, le temps que l’étude soit lancée, souvent la première vague est passée et on tombe dans le creux de la vague, a-t-il dit. Pour le plasma convalescent, on constate qu’il y a vraiment beaucoup d’études partout sur la planète, mais elles ont toutes le même défi de recruter des patients. »

La situation est particulièrement problématique aux États-Unis, où la Food and Drug Administration autorise l’utilisation du plasma convalescent à l’extérieur de projets de recherche. Il devient donc pratiquement impossible de trouver des participants pour des études pendant lesquelles ils pourraient ne recevoir qu’un placebo.

Au Québec, dans le cadre de l’étude CONCOR-1 à laquelle participe le docteur Bégin, Héma-Québec a fini de récolter quelque 1150 unités de plasma convalescent. Ce plasma est parfois utilisé pour traiter quelques patients particulièrement malades, mais on attend surtout une éventuelle deuxième vague de la pandémie.

« Actuellement, pendant l’été, ce sont principalement des jeunes, donc des patients qui ne seront pas nécessairement hospitalisés ou qui n’auront pas besoin d’oxygène, a-t-il dit. Ceux à qui on réserve le plasma convalescent, ce sont les cas sévères qui ont besoin d’oxygène. Il n’y en a pas tant que ça actuellement. »

En attendant, les chercheurs examinent la possibilité de réaliser des méta-analyses à partir des études incomplètes qui ont été publiées. C’est une stratégie qui n’est habituellement jamais utilisée, mais le contexte de la pandémie « fait qu’il y a une certaine urgence », a expliqué le docteur Bégin.

Des gens sont donc en train de réfléchir à la manière dont on pourrait combiner les différents efforts pour essayer de façon scientifiquement valide d’obtenir des réponses plus rapidement, a-t-il dit.

« J’y crois, j’ai lancé ce projet-là [CONCOR-1] parce que je pense que c’est une option prometteuse, mais il faut quand même avoir la bonne réponse », a conclu le docteur Bégin.