Les autorités sanitaires ont relié 73 cas de COVID-19 en trois semaines à quatre bars de la région de Montréal. La Santé publique montre du doigt des lacunes dans les mesures de prévention dans les jours suivant l’ouverture des établissements.

Selon le DDavid Kaiser, de la Direction régionale de santé publique de Montréal, le pic de la transmission dans ces bars est toutefois passé, et des visites de contrôle dans plus de 300 établissements n’ont rien montré d’alarmant.

« Est-ce qu’on doit être inquiet par rapport à un milieu où la transmission est hors de contrôle ? Non. Mais est-ce qu’il y a de la transmission dans la communauté ? Oui. Sinon, on n’aurait pas une augmentation soutenue du nombre de cas et un taux de tests positifs au-dessus de ce qu’on a vu dans les premières semaines de juillet. L’appel au dépistage et le maintien de la vigilance sont de mise. »

Suivis de près

« Ça peut arriver à n’importe quel bar qui croit que ses mesures de protection sont au maximum. »

Daniel D’amours est « sous le choc ». Lundi midi, le bar Renard, dont il est le gérant dans le Village gai, a été visé par la vice-première ministre, Geneviève Guilbault, lors d’un point de presse sur la COVID-19. Elle a nommé trois autres établissements de la métropole où des éclosions avaient aussi été découvertes.

Il s’agit des bars Minéral, aussi dans le Village, Nacho Libre, dans l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie, et Mile Public House, au Quartier DIX30, à Brossard, dont il a été question dans les médias au début du mois.

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Le Renard

Depuis le 28 juin, 73 cas seraient reliés à ces quatre endroits, a précisé le DRichard Massé, conseiller médical stratégique à la Direction générale de la santé publique du Québec. De ce nombre, 65 cas ont été clairement reliés, et 8 autres sont encore sous investigation.

« Ces résultats-là nous rassurent parce que, somme toute, on a été capables, à date, de vraiment cibler les endroits où il aurait pu y avoir de la transmission », a dit Mme Guilbault.

Selon la Santé publique de Montréal, une soixantaine de cas ont été associés aux trois débits de boisson qui ont pignon sur rue dans l’île. « Ces endroits-là ont un total plus important de cas que le reste des endroits que les gens nomment dans les enquêtes [de santé publique]. On les surveille de plus près », indique le DDavid Kaiser.

« Ce que ça nous dit, c’est qu’il y a certainement eu, il y a 10 jours, deux semaines, des éléments inadéquats dans les mesures de prévention. Sinon, on n’aurait pas eu ces éclosions-là, ajoute-t-il. Cependant, le pic [de transmission] était la semaine dernière. On reçoit ces cas cette semaine parce qu’il y a une période d’incubation. Les gens sont exposés, de 7 à 10 jours après, ils commencent à se sentir mal et vont se faire tester. Mais, en fait, la transmission a eu lieu il y a un petit bout déjà. »

« On a tout fait »

Le 13 juillet, le bar Minéral a indiqué sur Facebook avoir été avisé par la Santé publique « que certains clients ou clientes, qui sont notamment passés par chez nous la semaine dernière, ont été testé positifs à la COVID-19 ». L’établissement a expliqué avoir rendu obligatoire le port du masque lors des déplacements et a invité sa clientèle à se faire tester.

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Le Minéral

Le lendemain, une annonce semblable était faite sur la page du Renard. Une proche d’une employée venait alors d’être visée dans le cadre d’une enquête épidémiologique après une soirée passée au Nacho Libre, où un cas de COVID-19 avait été découvert.

Par prudence, l’employée est allée se faire tester. Résultat : positif. Elle avait eu le temps de faire un quart de travail au Renard avant de se savoir à risque. Deux autres employés ont eu un résultat positif, raconte le gérant. Un client a aussi joint le bar pour indiquer qu’il était malade.

Selon Daniel D’amours ces personnes avaient fréquenté d'autres bars où des cas ont été rapportés. Il ne sait pas si d’autres de ses clients ont été infectés. Et surtout, il ne comprend pas comment cela aurait pu arriver.

« Je suis abasourdi parce qu’on a tout fait. On a même ouvert une semaine plus tard pour s’assurer de bien faire les choses. »

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Le Nacho Libre

L’homme ne voit qu’une possibilité : les groupes qui viennent prendre un verre en affirmant vivre à une même adresse alors que ce n’est pas toujours le cas. « Il y a des limites à ce qu’on peut vérifier. C’est comme s’ils faisaient un party privé chez eux, mais c’est nous qui en payons le prix. »

Dans les 10 derniers jours, la Santé publique de Montréal a fait quelque 370 visites de contrôle. « Il n’y a aucun endroit où ça nous a préoccupés au point qu’on aurait voulu une intervention ciblée. En ce moment, on n’a pas un nombre de cas soutenu. On a des cas qui continuent à rentrer, mais qui sont associés à plein de bars, de partys privés, de milieux de travail et d’autres endroits », dit le DKaiser.

« Très circonscrits »

Lundi, la ministre Guilbault a elle aussi tenu à mettre la situation en perspective. Sur les 924 bars que compte Montréal, seulement 3 ont été répertoriés comme lieux d’éclosion, a-t-elle souligné en point de presse. Et, en Montérégie, il s’agit d’un seul établissement sur 1400 détenteurs de permis reliés aux bars. « C’est important de préciser que, jusqu’ici, les cas qui sont effectivement reliés à la fréquentation des bars sont très circonscrits. »

Les bars demeurent néanmoins « sous surveillance ». Si le gouvernement sent du laxisme de la part des tenanciers, ou voit des images où beaucoup de gens se massent dans des endroits clos, la situation sera réévaluée. « Mais pour l’instant, aujourd’hui, on n’a pas pris la décision de fermer les bars. On est plutôt dans la sensibilisation, dans la collaboration », a indiqué la ministre de la Sécurité publique. Elle a d’ailleurs remercié propriétaires et tenanciers de bars pour leur « excellente collaboration ».