(Québec) Le premier ministre François Legault profitera de son passage à Montréal ce mardi pour annoncer l’obligation de porter un couvre-visage dans les transports publics, afin de prévenir une deuxième vague d’infections à la COVID-19. La mesure entrera en vigueur dans deux semaines.

L’annonce a été accueillie d’un bon œil par l’ensemble de la classe politique.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, affirme que seulement 50 % des passagers de la STM portent le couvre-visage à l’heure actuelle, selon des données recueillies par la société de transports.

« Les gens le portent surtout le matin, mais en fin de journée, ils ont tendance à moins le porter. En vue de la rentrée, j’étais préoccupée. Si on veut que les gens recommencent à utiliser les transports en commun, il faut que la confiance soit là, il fallait augmenter les mesures d’un cran », a-t-elle dit en entrevue à La Presse.

La mairesse de Montréal, qui est aussi présidente de la Communauté métropolitaine de Montréal, affirme avoir fait « plusieurs représentations » auprès du gouvernement Legault et des autres municipalités pour que l’obligation soit étendue à l’ensemble des services de transport. « On voulait éviter que ce soit obligatoire dans le métro, mais que les honnêtes travailleurs et travailleuses qui arrivent en autobus des autres villes et qui n’ont pas de masque se fassent virer de bord », illustre-t-elle.

« La Société de transport de Laval suivra les recommandations du gouvernement […]. Nous allons attendre de voir les modalités proposées par ce dernier avant d’établir notre façon de faire », a répondu Marilie Beaulieu-Gravel, porte-parole pour la STL. « À ce jour, 15 000 couvre-visages ont été distribués par la STL, et une autre distribution est prévue dès le 6 juillet », a-t-elle précisé, ajoutant que, comme à Montréal, « 40 à 50 % [des usagers] portent le couvre-visage selon le moment de la journée ».

Les services de transport de la métropole comptent distribuer 1,5 million de masques gratuitement dans le cadre d’une grande campagne de sensibilisation. Déjà 300 000 unités ont été données par la STM, la STL, le RTL (Réseau de transport de Longueuil) et exo.

La gratuité ne sera cependant pas éternelle. Les services de transport étudient la possibilité d’installer des machines distributrices pour que les utilisateurs puissent s’en procurer « à faible coût et rapidement, sans avoir à courir à la pharmacie pour en trouver un », indique la mairesse de Montréal. « On va continuer à en distribuer gratuitement, mais on ne pourra pas le faire toute l’année. »

Pas de mesures coercitives

Pas question, non plus, de donner des amendes aux utilisateurs récalcitrants, affirme Mme Plante. « On ne veut pas que ce soit coercitif. On veut donner des masques, mais pas des amendes. Ce serait contre-productif. »

« Les agents de la STM n’ont même pas le pouvoir de forcer les gens à porter un masque. Et on ne va pas demander aux chauffeurs d’interdire aux gens d’entrer s’ils n’ont pas de masque. Les chauffeurs vont nous dire que ce n’est pas leur tâche, et ils auraient raison », croit Mme Plante. La STM n’a pas voulu commenter.

Au réseau exo, qui assure les services de trains de banlieue et d’autobus dans les municipalités des couronnes, on se réjouit de cette décision et on estime qu’elle va contribuer à ramener les clientèles perdues vers les transports collectifs.

« L’obligation du port du masque dans le transport collectif est un élément clé pour rétablir la confiance et le sentiment de sécurité dans l’ensemble de nos services », écrit la porte-parole d’exo, Catherine Maurice.

« Depuis plusieurs semaines déjà, rappelle-t-elle, exo recommande fortement de porter un couvre-visage ou un masque à bord des véhicules pour contribuer à limiter la propagation du coronavirus. Il est clair pour nous que plus nous serons nombreux à le porter, mieux nous serons toutes et tous protégés. »

Le RTL et le Réseau de transport de la Capitale (RTC) n’ont pas voulu répondre aux questions de La Presse.

« Nous attendrons l’annonce officielle et les directives de la Santé publique et suivrons et appliquerons celles-ci, comme nous l’avons fait depuis le début de la pandémie », a simplement répondu Alicia Lymburner, coordonnatrice en communication au RTL.

« Nous attendrons l’annonce officielle avant toute communication à ce sujet », a pour sa part réagi Brigitte Lemay, coordonnatrice aux relations publiques du RTC.

Pas d’unanimité scientifique

Un sondage réalisé par l’Association médicale canadienne et publié la semaine dernière indique que seulement 42 % des Québécois portent le masque de façon régulière dans les lieux publics depuis le début de la crise. Cette proportion tombe à 27 % chez les personnes âgées de 18 à 34 ans.

Le port du masque non médical par la population ne fait pas l’unanimité parmi les scientifiques. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirme qu’« on ne dispose pas encore de données factuelles directes de qualité attestant de l’efficacité » du port généralisé du couvre-visage par le grand public, mais qu’un « faisceau croissant d’observations » dans plusieurs pays la pousse à recommander son usage dans les contextes où la distanciation physique est impossible.

« Ça se peut qu’il y ait des récalcitrants, mais ce qu’on sait, c’est que lorsqu’une grande proportion des gens en portent, ça a un effet d’entraînement », affirme la mairesse.

Hésitations du gouvernement Legault

La décision d’imposer le port du masque a fait l’objet d’intenses débats ces dernières semaines. Le premier ministre François Legault s’y est longtemps opposé, par crainte de pénurie et que des personnes moins fortunées ne soient pas en mesure de s’en procurer facilement.

La cheffe du Parti libéral du Québec, Dominique Anglade, voit dans l’annonce de mardi « un autre recul de François Legault ». « Mieux vaut tard que jamais, mais en santé publique, plus tôt aurait été mieux que plus tard », a-t-elle soutenu.

Dès le 13 mai, le chef intérimaire du Parti québécois, Pascal Bérubé, a demandé au gouvernement de rendre le port du masque obligatoire dans les transports en commun, mais également dans les lieux publics à Montréal. Le Parti libéral suggérait le même jour que les usagers des transports en commun à l’échelle du Québec devraient obligatoirement porter le couvre-visage.

François Legault écartait alors cette option en disant qu’il n’y avait pas assez de masques disponibles pour imposer la mesure. Le 11 juin, talonné au sujet du port du masque, il disait suivre les recommandations de la Santé publique qui « ne recommande pas de le rendre obligatoire », mais le « suggère fortement ». Il soulevait un autre obstacle : « Ce que je comprends, c’est que rendre obligatoire, ça suppose des pénalités, ça suppose d’avoir une police qui va vérifier tout ça », disait-il.

Le chef de l’opposition à l’hôtel de ville, Lionel Perez, estime que la mairesse Valérie Plante a « manqué de leadership » en ne l’imposant pas dans les véhicules de la STM. « Ç’a été fait dans 120 villes et pays, alors qu’ici, ça semblait impossible. Malheureusement, ça a retardé la relance du transport collectif, et la mairesse en est responsable », estime M. Perez.