Pour les restaurateurs montréalais, la reprise est inégale. Certains, qui ont pu agrandir leur terrasse, font le plein de clients et rattrapent une partie des affaires perdues pendant le confinement, alors que d’autres n’ont toujours pas rouvert leurs portes une semaine après la date permise.

À L’Express, rue Saint-Denis, « c’est relativement plein midi et soir », se réjouit le maître d’hôtel Jean-Yves Bolté, malgré les contraintes sanitaires qui sont les mêmes pour tous : l’obligation d’espacer les tables de deux mètres, à moins d’avoir des cloisons, et le port du masque pour le personnel.

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Jean-Yves Bolté, maître d’hôtel de l’Express

« On revoit les mêmes visages. Il n’y a pas beaucoup de touristes, c’est du local », ajoute-t-il.

La Fabrique, également rue Saint-Denis, fait aussi de bonnes affaires dans les circonstances. « Honnêtement, on est pas mal dans le jus », lance la propriétaire Stéphanie Labelle. Jeudi, premier soir depuis la fermeture du restaurant à la mi-mars, la terrasse a été prise d’assaut par les clients, des habitués pour la très grande majorité.

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La propriétaire de La Fabrique, Stéphanie Labelle (au centre), et ses associés, Florian Vieira et Jean-Baptiste Marchand

« La terrasse était complète et il y avait quelques tables à l’intérieur, précise-t-elle. Vendredi soir, on était complet autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. »

Il faut dire que la capacité d’accueil du restaurant a été considérablement réduite. Il ne reste que 9 tables dehors et 11 à l’intérieur.

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La terrasse du restaurant La Fabrique

Formule barbecue

Au Boxermans, avenue Van Horne, les propriétaires ont décidé de ne pas rouvrir la salle à manger cet été et d’agrandir la terrasse. « C’est l’avantage d’être dans un parking, explique Grégoire Routy. On a agrandi un peu en louant des places de parking et en faisant de longues tables de pique-nique. On fait ça un peu éphémère en ce moment, c’est la COVID. »

Le restaurant ouvre désormais trois jours par semaine, du jeudi au samedi, et mise sur une formule barbecue. « On n’a que cinq items. Les gens commandent et on met ça sur des cabarets, genre take-out style. Tout est compostable. »

Deux tables à l’intérieur

Louis Zeppetelli, sommelier et gérant au Food Lab, qui possède une des plus belles terrasses de Montréal sur le toit, constate lui aussi que les clients préfèrent être dehors. Le restaurant du boulevard Saint-Laurent peut accueillir une trentaine de personnes sur sa terrasse, et autant dans sa salle à manger. Avant la pandémie, cette capacité était d’une centaine dehors et de 80 à l’intérieur.

« On a peut-être eu deux tables à l’intérieur depuis l’ouverture. Mais on est habitués, l’été, c’est toujours comme ça. »

À Verdun, Kamar Boudemlij, directrice de la microbrasserie Benelux, note aussi que les clients sont de retour. La fermeture de la rue Wellington à la circulation automobile pour l’été permet à plusieurs restaurants d’agrandir leur terrasse. « Les quelques tables qu’on perd en arrière, on a pu les récupérer en avant », dit-elle.

Les gens sont tous là. Ils sont vraiment contents de revenir. Pendant trois mois, ceux qui venaient chercher de la bière pour emporter nous disaient à quel point ils avaient hâte de revenir.

Kamar Boudemlij, directrice de la microbrasserie Benelux

Vendredi et samedi, des clients étaient même déçus de devoir attendre un peu que des places se libèrent sur la terrasse.

À l’intérieur, par contre, c’est un peu plus compliqué. Plus la soirée avance et plus les clients ont tendance à oublier les consignes de distanciation physique. Aussi, le restaurant a-t-il décidé de fermer ses portes à 1 h du matin pour le moment plutôt qu’à 3 h. « On essaie de gérer les gens pour ne pas qu’ils soient trop proches des autres », indique Kamar Boudemlij.

« On va s’en sortir »

Alexis de la Renaudière, sommelier à la Brasserie Bernard, à Outremont, peut aussi accueillir des clients dans la rue, devenue piétonne entre Wiseman et Bloomfied jusqu’au 13 octobre.

« On a réduit drastiquement notre capacité, fait-il savoir. On a fait construire des cloisons un peu design et on a réaménagé notre plan de salle afin de pouvoir accueillir les personnes de la façon la plus sécuritaire. »

Le restaurant peut maintenant accueillir 70 personnes dehors au lieu de 110 et 60 à l’intérieur au lieu de 90.

Copropriétaire de plusieurs restaurants et bars de Montréal, dont le Foiegwa, le Barroco, le Fugazzi et le Milky Way, Roberto Porres aurait surtout aimé avoir un peu plus de temps pour planifier la réouverture. « Deux semaines, c’était peu », estime-t-il, d’autant plus que les consignes ont changé plusieurs fois dans les jours qui ont suivi l’annonce gouvernementale.

« C’était un peu angoissant parce qu’il fallait s’ajuster, on ne savait pas s’il fallait acheter des plexiglas, ce qu’on devait mettre exactement comme protection et quelle serait notre capacité d’accueil », rappelle-t-il.

M.  Porres, dont les restaurants n’ont pas de terrasse, estime que le taux d’occupation varie entre 50 et 75 % selon les endroits.

Prendre son temps

D’autres restaurants, comme Montréal Plaza, rue Saint-Hubert, Vin papillon, dans la Petite-Bourgogne, ou Arthurs Nosh Bar, dans Saint-Henri, ont carrément décidé de ne pas rouvrir pour le moment. Charles-Antoine Crête, chef et propriétaire du Montréal Plaza, veut prendre son temps. « Quand je vais ouvrir, j’ai envie d’avoir hâte d’ouvrir. »