Une nouvelle étude allemande appuie l’hypothèse voulant que le groupe sanguin puisse jouer un rôle dans la sévérité de la COVID-19. Il s’agit de la première analyse des risques génétiques liés à la COVID-19.

« Nous faisons la première analyse robuste du risque génétique de souffrir d’une forme sévère de COVID-19 », explique l’auteur principal de l’étude publiée sur le site de prépublication MedRxiv cette semaine, Andre Franke, de l’Université de Kiel. « Nous avons relevé un risque accru avec deux régions du génome, dont l’une est liée au système sanguin ABO, déjà associé à un risque accru de complications de la COVID-19. »

Les chercheurs allemands ont eu accès aux données génétiques de 1500 patients hospitalisés en Italie et en Espagne. Ils les ont comparées à celles de plus de 2000 personnes « témoins », qui n’avaient pas eu la COVID-19. « C’est une approche assez courante pour les maladies infectieuses, dit le DFranke. Idéalement, on comparerait des patients qui ont eu une forme bénigne ou sévère de la COVID-19, mais c’est plus compliqué quant à la standardisation des données. »

Les résultats pour le système ABO sont semblables à ceux d’études de moindre envergure sur les seuls groupes sanguins.

Il y a un risque accru de COVID-19 sévère chez les personnes du groupe sanguin A, et un risque moindre chez celles du groupe sanguin O.

Le DAndre Franke

« On a rapporté des problèmes d’inflammation des vaisseaux pulmonaires et d’embolie et de caillots chez divers patients, alors la piste sanguine est logique », dit le DFranke.

La Presse a demandé son avis sur l’étude allemande à l’auteur d’une étude sur l’embolie pulmonaire associée à la COVID-19, Erik Klok, de l’Université de Leyde, aux Pays-Bas. « Je ne crois pas à l’association entre le groupe sanguin et la sévérité de la COVID-19 », a répondu le DKlok, qui a publié ses résultats en mai dans la revue Thrombosis Research.

14 % : proportion des patients aux soins intensifs à cause de la COVID-19 qui ont une embolie pulmonaire, d’après l’étude parue dans la revue Thrombosis Research

Le DFranke souligne de son côté que des groupes sanguins sont de plus en plus associés à des complications cardiaques et aussi à des maladies infectieuses comme la malaria. « On sait que l’inflammation joue un rôle important dans la formation de caillots et les maladies cardiaques, et qu’il y a une surréaction du système immunitaire dans les cas sévères de COVID-19, avec une forte inflammation », dit le DFranke.

Ces résultats peuvent-ils déjà être utilisés en clinique ? « À mon avis, oui, dit le DFranke. Si un médecin a un patient obèse, qui a plus de 60 ans, ou qui est du groupe sanguin A, je crois qu’il peut présumer que son risque de complications de la COVID-19 est deux fois plus élevé, et donc que les suivis doivent être plus rapprochés et les décisions de traitement, notamment sur l’apport en oxygène, plus agressives. »

Autre étude

La société privée de génétique 23andMe a aussi établi un lien entre le système sanguin ABO et la sévérité de la COVID-19, à partir des données génétiques de 750 000 de ses patients. « Nous n’avons pour le moment publié aucune étude, même dans les sites de prépublication, mais nous sommes en train de faire une autre étude plus précise chez 10 000 patients atteints de la COVID-19, à qui nous offrirons gratuitement les services de 23andMe », a indiqué Andy Kill, directeur des communications de la société californienne pour le Canada.

La prochaine étape pour le DFranke de l’Université de Kiel est d’analyser les génotypes associés aux 35 autres systèmes sanguins. « Nous avons mis la main sur un autre échantillon de 5000 patients », explique le microbiologiste allemand.