(Ottawa) Le gouvernement fédéral ne semble pas avoir l’intention de fermer brusquement le robinet de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), Justin Trudeau évoquant une « transition » en se montrant « ouvert » à l’idée de prolonger cette aide directe.

« Même si l’économie commence à reprendre, on reconnaît très bien que ce n’est pas tous les emplois qui vont revenir bientôt. Les gens vont continuer d’avoir besoin d’aide, et on va faire des annonces […] pour expliquer comment, exactement, on va les aider », a affirmé Justin Trudeau lors de son allocution quotidienne à Rideau Cottage, mardi.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, a réclamé un peu plus tôt une prolongation de la PCU pour « encore au moins quatre mois », car selon lui, de nombreux Canadiens sont toujours plongés dans la précarité en raison de la crise de la COVID-19 et comptent encore sur ce chèque imposable de 2000 $ par période de quatre semaines.

Le premier ministre n’a pas voulu ouvrir son jeu lorsqu’on lui a demandé son avis sur la suggestion néo-démocrate, mais il a signalé qu’il voulait des « modifications » à la PCU, qui vient à échéance le 4 juillet. Des changements sont en fait mis de l’avant dans le projet de loi qui sera déposé ce mercredi à la Chambre des communes, et que La Presse a pu consulter.

En vertu de ce qui est proposé dans le texte législatif, une demande sera refusée si un travailleur « ne recommence pas à exercer son emploi lorsqu’il est raisonnable de le faire et lorsque son employeur le lui demande », « ne recommence pas à exécuter un travail pour son compte lorsqu’il est raisonnable de le faire » ou « refuse une offre d’emploi raisonnable alors qu’il est en mesure de travailler ».

8,4 millions : nombre de Canadiens qui ont touché la PCU en date du 4 juin, pour une facture de 43,5 milliards de dollars au Trésor public

Environ 1,2 million d'entre eux n’en ont plus besoin. Mais « avec les pertes d’emplois qu’on a vues, les 3 millions de Canadiens qui voudraient un emploi et qui n’en trouvent pas, on sait qu’on va en avoir besoin pendant encore un bon bout de temps », a exposé Justin Trudeau.

Si le gouvernement voulait prolonger la PCU, il pourrait le faire par voie de décret. Mais chez les libéraux, on continue de prier les employeurs d’adopter la Subvention salariale d’urgence du Canada (SSUC). Sur les 73 milliards de dollars prévus au plan, 9,4 milliards avaient été versés en date du 1er juin.

Pénalités pour les fraudeurs

Le projet de loi gouvernemental qui sera présenté vise aussi à mettre la main au collet de fraudeurs qui ont abusé de la PCU. On souhaite imposer une amende maximale de 5000 $ et une peine d’emprisonnement pouvant atteindre six mois pour ces gens. Le premier ministre a promis que les Canadiens qui ont fait des erreurs de bonne foi ne se feraient pas taper sur les doigts.

Mais en matinée, Jagmeet Singh a signalé que sa formation ne donnerait pas son aval à cette mesure législative dans sa forme actuelle. Car selon lui, l’ajout d’une infraction au Code criminel viendra encore toucher de façon disproportionnée les personnes racisées. Et en optant pour cette « nouvelle façon de punir les gens », Justin Trudeau, qui a posé le genou au sol vendredi dernier lors d’une manifestation contre le racisme à Ottawa, montre son « hypocrisie », a-t-il déploré.

« Je vous garantis que si le projet de loi est adopté, il y aura plus de Noirs, plus d’Autochtones, plus de gens racisés, de gens pauvres, qui vont être criminalisés et finir en prison », a argué Jagmeet Singh, qui préfère que le fédéral passe par des mécanismes de fiscalité pour récupérer l’argent versé à des gens qui n’auraient pas dû y avoir droit.

Au Bloc québécois, le chef Yves-François Blanchet ne voit pas de problème de ce côté-là. Mais il ne veut pas de traitement accéléré pour ce projet de loi et pose trois conditions pour l’appui de ses troupes : que Justin Trudeau discute de transferts en santé avec ses homologues provinciaux, que le Parti libéral rembourse la SSUC qu’il a touchée et que les libéraux déposent une mise à jour économique d’ici peu.

Sur les trois fronts, le premier ministre a démontré peu d’intérêt pendant la période des questions en Chambre, mardi. Concernant la mise à jour économique, spécifiquement, il a plaidé en conférence de presse qu’il y a « tant de choses que nous ne savons pas que faire des projections sur ce à quoi pourrait ressembler notre économie dans six mois serait un exercice d’invention et d’imagination ».